« ll y a deux histoires : l'histoire officielle, menteuse, puis l'histoire secrète,
où sont les véritables causes des événements. »
— Balzac.

Né bien avant que la Terre ne se déchire aux mains d’un troisième conflit mondial, Bartholomew est issu d’une très ancienne famille aristocratique dont les origines de noblesse remontent à si longtemps qu’aujourd’hui, plus aucun de ses membres n’en voit les cimes.

Déchiré par le début d’une ruine spéculaire douteuse, l’époque d’Albert Russell fut celle où la branche américaine s’émancipa   de la principale, anglaise, pour d’évidentes raisons financières. Raisons qui poussèrent pour la première fois le père de Bart à s’engager sur la voie de la fraude pour satisfaire des créanciers en colère.

Bartholomew est enfant unique. Destiné à hériter et à fructifier le patrimoine de ses aïeux,  il est élevé par des machines, au milieu des machines pour savoir manipuler des machines.

Cependant, l’innocence perdu très précocement, Bart développa un regard négatif sur le monde informatique et ce qui le compose. Entretint une haine profonde pour son paternel et sa tyrannie faite de violence et de chantage. Peu concerné par son héritage et sa famille, particulièrement sensible aux joies des festivités, la folie des grandeurs brillant déjà dans son regard, le jeune homme s’émancipa de son père dès atteint l’âge de la majorité pour le soleil, la musique, la joie, la vie. L’Italie.

Bart. Bart était un garçon heureux. Musicien, joueur, séducteur. Organisateur des festivités les plus démentes. Son père, nombreuses fois, tenta de calmer les ardeurs financières de son fils pour le faire rentrer à Londres.
Déjà fait d’un bois coriace et noble, Bart se lia à quelques noms du grand banditisme Siciliens. D’abord par jeu, il fit développer ses propres affaires dans les rues italiennes et se fit vite une place très confortable sous l’ombre paternelle des parrains locaux. Lorsque les plus vieux laissèrent place à la jeunesse, plus vive et plus sanglante, on respecta néanmoins les influences nouvelles du jeune homme.
Il se fiança très rapidement avec une jeune femme à peine plus jeune que lui. Blonde comme les blés, solaire, souriante.  Il en était fou amoureux, se souvient-t-il.

Cette annonce, arrivée aux frontières britanniques, n’eut guère d’effet positif sur les afflictions de son père. Quelques temps plus tard, Bartholomew était mis au courant de l’état de santé dramatique d’Albert. Il retourna à Londres, l’estomac lourd mais le cœur léger à l’approche de la disparition de son seul bourreau.

Sur place, Bartholomew découvre les plans d’avenir de son père. Tu épouseras la femme que je t’ai choisis où je fais de toi un déshérité. La nouvelle tombe comme un glas. Il n’a pas le choix, pense-t-il. Et s’il se bat contre la dictature de son paternel, il abandonna bien vite en apprenant que Maria, sa jeune fiancée, décida de rompre ses vœux pour épouser un ancien ami.

Bien que buté comme un âne et fait de principes très forts – et c’est en cela que l’on reconnait un Russell – il y eut bien mariage arrangé. Elle non plus n’était pas tout à fait enthousiaste à cette union. Les célébrations durèrent une semaine entière mais on n’aperçut les époux qu’une après-midi. Lorsque la mascarade prit fin, il fallut peu de temps au père pour cracher son ultime souffle. Bartholomew monta sur son trône et accepta les dettes que son père, secrètement, avait laissées derrière lui.

Obligé par d’innombrables créances,  le nouveau dirigeant des affaires Russells fut contraint de soulever d’anciennes connaissances mafieuses pour faire table rase. La pente dans le crime organisé est souvent rapide et la chute est inexorable. On tenta de l’assassiner trois fois avant qu’enfin Bartholomew ne décide d’agir avec plus de violence. Il instaura son règne de terreur dans les rues, s’imposa d’abord dans les petits rackets, les vols. Puis se retrouva rapidement à la tête d’un trafic d’armement à celui de prostitués en passant par l’argent issue des jeux et de la drogue. Sans s’en rendre compte, l’enfant Russell s’appropria la majorité des commerces de la ville ainsi que les institutions juridiques. Il usa de ce pouvoir acquis dans ses transactions plus honnêtes et fit remonter ses actions dans les marchés. La presse lui offrit, après trois ans de lutte, le titre de héros. Celui qui redora le blason empoussiéré de sa famille.

L’épouse de Bart possédait ses propres entreprises, ses propres affaires. D’un accord commun, ils décidèrent de ne guère se gêner l’un l’autre et de séparer, par contrat de mariage, toutes leurs actions bancaires. Ils étaient deux inconnus qui partageaient à peine le même ménage. Et si cela arrangeait bien la jeune femme de voir son mari dans les bras d’autres maîtresses, ils s’accordèrent sur la promesse d’une descendance. Froidement conçurent-ils leur premier enfant.

Un an plus tard frappa la crise et le monde sombra dans les ténèbres de l’obscurantisme.

Pour un homme qui contrôlait son petit monde grâce à la technologie, ce retour à l’âge de pierre fut ressenti par Bartholomew comme la fin de son empire. Mais loin d’être un homme à se laisser abattre, il fut l’un de ceux qui sur s’adapter de la meilleure manière qui soit à ce nouveau mode de vie. Faisant des besoins du petit consommateur son profit, il sut éviter la crise avec maestria. Il créa des bonnes œuvres afin de venir en aide à ceux pour qui la technologie était devenue un besoin vital. Les gosses, les handicapés, les vieux croulants,… Son image fut auréolée alors de cette sainteté lumineuse qui le conduisit directement sur les marches du palais de Buckingham. Pour ses services rendues, il fut honoré chevalier.

Dans cette réussite commerciale et professionnelle, Bartholomew connu un regain pour la paternité. Nullement comblé par son premier fils d’à présent quatre ans, l’homme désirait une fille. Une fille dont il n’aurait guère à gérer l’éducation comme il était destiné à le faire pour son dauphin. Son caprice, malgré les revendications véhémentes de son épouse, fut exaucé. Une fille a-t-il eut. Son apparition rendit un sourire plus heureux aux lèvres du jeune père et sut lui faire porter un regard plus serein sur sa vie familiale. La réapparition des appareils numérique suivit. Sa princesse eut droit à un téléphone portable pour ses cinq ans.

Au même moment, le jeune héritier fit ce que Bartholomew, des années plus tôt avait fait subir à son père : Une crise adolescente. L’enfant, attiré par les bas-fonds de la ville, cultiva une ultraviolence dont la mère de l’enfant imputa à celle de son mari. Plus il corrigeait son fils et plus ce dernier enchainait les drames. C’est lorsque qu’il se ramena fièrement avec une croix nazie sur le dos que Bartholomew explosa. L’aurait-il tué sans l’intervention de la sœur et de la mère. Les tensions entre père et fils devinrent si brutales que l’adolescent fut envoyé en centre de correction, au Mexique. Le genre de centre qui ne possède aucune existence juridique. Le genre de centre auquel on ne sort jamais indemne.

La plus jeune de ses filles devint une adolescente discrète, docile et naïve. Protégé de tout, préservé du mal et des vicissitudes de la vie, Bartholomew fit des pieds et des mains pour ne jamais réitérer les mêmes erreurs avec son ainé. Comme ni son fanatique de fils ni sa soumise de fille ne pouvaient, aux yeux de Bartholomew, prendre la tête de son entreprise, il décida avec son épouse de concevoir un dernier enfant. Deux ans plus tard, le bébé fut diagnostiqué comme atteint de troubles autistiques. La mère décida de prendre en charge, seule, l’éducation du benjamin, avec la bénédiction du père.

Peu comblé en tant que père, manquant bien de nombreuses fois de s’entretuer avec sa femme qui était elle-même une grande amatrice de violence, Bartholomew pris sa jeune fille dans les bras et décida de se concentrer exclusivement sur son entreprises. Ce serait elle qui le suivrait. Ainsi l’avait-il décidé.

Désireux de renouer avec l’ancienne branche américaine de la famille Russell, Bartholomew profita de l’expansion et de quelques affaires pour s’offrir à lui et sa fille un visa pour l’Amérique. Si peu de médias sont mis au courant de ce déplacement – il en était ainsi pour beaucoup de ses voyages à l’étranger – l’homme connut un accueil bien chaleureux, une fois mit pied à terre dans la nation de l’Oncle Sam. Bartholomew réside en hôtel depuis quelques temps et prévoit, depuis peu, de faire venir sa fille afin d’emménager près de New-York.

« Un homme de caractère n'a pas bon caractère. »
— Jules Renard.

Le père Russell est un homme de contrôle et de pouvoir. Seigneur en son fief, rien de ce que Bartholomew considère en sa possession ne se passe sans sa présente bénédiction. C’est un être méthodique, ambitieux dont les aspirations semblent toujours à la mesure de sa propre personne : Démesurées. C’est avec l’orgueil fort et un sens de l’honneur tout singulier qu’il réussit mille fois là où feu son paternel eut échoué cent fois. Autoritaire, strict, la verve assurée, bien que le pouvoir lui ait attiré une myriade d’ennemis, Bartholomew a dû apprendre, à force d’expérience, à se faire obéir d’une simple élocution fermement articulée. Peu oseront le contrarier. Et bien peu encore de ceux-là s’y risqueront une seconde fois.

Parce que respirant d’une dignité princière et peu commune, le dirigeant des industries Russells n’accepte guère l’impertinence comme l’inélégance. Et si au grand public, Bartholomew sait défendre ses politiques par une éloquence de ministre, il est mortellement risqué de s’opposer à lui, une fois pénétré dans son intimité. L’homme fait preuve d’une imagination terrifiante en ce qui concerne la violence dont il est mille fois capable. Car contraint – comme il le dit si bien – à se salir de temps en temps les mains pour rappeler à l’ordre ceux qui eurent le malheur d’oublier qui est le Maître, le vieux Londonien abhorre souvent l’horreur qu’il sait servir à ses ennemis. Bartholomew est un produit issu d’un banditisme violent et brutal qui n’hésite pas à barboter lui-même dans le sang pour asseoir son règne, par le respect ou la terreur.  Ainsi a-t-il fait la différence à son retour d’Italie lorsque quelques petits bouchers et vol-misères anglais imaginèrent avoir atteint le seuil de l’effroi. Le saint dirigeant est soutenu par quelques mafias solidement fédérées sous son ombre et il jouit d’une insolente immunité judiciaire. En parallèle d’une présence discrète mais très forte au sein des bas-fonds britanniques, Mr. Russell cultive une réputation de mécène et de très généreux donateur. D’avantage pour se rendre médiatiquement intouchable que par véritable intérêt d'éthique, Bartholomew verse et finance de nombreuses associations et s’appropria les mérites de certains qui lui léguèrent l’entièreté de leur régence.

Le sir Russell offre l’image souriante et lumineuse d’un homme comblé qui n’a plus rien à craindre dans ses domaines professionnels, toujours aux bras d'une maîtresse dont il farde à peine l'existence aux presses locales.
Et pourtant, les mauvaises langues parleront volontiers de sa propension à noyer une dépression noire dans ses affaires.

La vie intime de cette royale carcasse semble inexistante.  Marié à une femme qu’il ne voit qu’une fois tous les quelques mois, père d’une progéniture qu’il qualifiera à lui-même de ratée et vidé de tout sentiment d’amour ou d’amitié. Abandonnant très tôt l’innocence adolescente pour satisfaire les caprices de son père et se marier sous une étrange contrainte, Bartholomew possède un rapport avec les femmes très organisé. Il baise ses putes, aime ses maîtresses et honore son épouse.
Bartholomew laisse alors très peu de place à la fantaisie et cadre sa vie sentimentale comme du papier à musique. Il est fondamentalement traditionaliste et profondément conservationniste. Très habilement raciste et offrant très peu de crédibilité à l’homosexualité.

Cependant, ceux qui connurent Bartholomew avant son mariage se souviennent d’un homme fantaisiste, hédoniste dans l’âme et dont les plaisirs étaient simples et heureux. De cette grande époque, Bartholomew en garde de très belles traces. C’est un musicien brillant, un élégant séducteur. Il parle avec de grands gestes et possède encore quelques manières bien méditerranéennes.