Tout avait pourtant si bien commencé... Calypso s'était levée de bonne heure, Matthew était à ses côtés et elle avait passé une nuit merveilleuse. Elle était encore jeune et commençait pourtant déjà à s'élever dans la société. Elle n'était plus une prostituée de Andrew, elle était libre. D'ailleurs Andrew s'était fait tué par Matthew et Calypso se sentait chaque jour plus libre que le précédent. Chaque jour le soleil lui semblait plus fort et la vie plus intéressante. Elle n'avait plus à devoir enchaîner les porcs puants sur son corps. Elle n'avait plus à gémir pour faire plaisir à l'espèce d'obsédé qui la pénétrait avec force et puanteur. Elle n'avait plus à sentir sur son corps l'odeur du sperme à tout moment de la journée. Elle avait une vie à elle, quelque chose de vraiment fort. Elle n'avait plus à supporter Andrew lors de ses crises. Elle n'avait plus à supporter sans crier les cigarettes qu'il écrasait sur son dos. Certes elle gardait toujours des cicatrices répugnantes puisque ça ne faisait pas si longtemps que Andrew était mort mais... elle savait qu'elles guérirait vite. Ça n'empêchait évidemment pas Matthew de grogner lorsqu'elle se déshabillait mais elle n'osait pas y toucher, de peur de sentir le touché des doigts de Andrew sur son corps. Son dos commençait à lui faire mal puisque les cicatrices s'étaient infectées mais elle refusait de laisser qui que ce soit les toucher. Elles guériraient seules, comme Calypso.
Ce matin elle s'était donc réveillée dans les bras de Matthew et non pas dans ceux de Andrew. Elle était allée prendre une douche et pendant vingt minutes elle était restée sous le jet brûlant. Aujourd'hui encore il lui arrivait de rester des heures dans un bain. Elle se sentait tellement bien dans l'eau... loin de tout ce qui pourrait lui poser problème, pure, propre... Il arrivait même qu'elle vide la réserve d'eau chaude à elle seule et après ça Matthew ne pouvait s'empêcher de pester et de jurer en prenant une douche froide. Mais elle avait beau faire des erreurs, dire des choses blessantes, refuser des choses, Matthew ne la frappait jamais. Il l'écoutait, la rassurait, la faisait rire... Il était l'homme de sa vie, celui avec qui elle pouvait tout partager, celui qui l'avait acceptée pour ce qu'elle était et ce qu'elle avait été.
Après sa douche, elle s'était habillée d'un slim noir et d'un débardeur blanc. Elle avait mit un long pendentif argenté et des anneaux de la même couleur. Elle avait prit son sac et elle était sortie alors que Matthew dormait encore. Aujourd'hui elle avait des affaires à régler et des choses à mettre au point. Depuis qu'elle était devenue une prostituée indépendante, elle s'était fait un carnet d'adresse relativement rempli. Bien évidemment ce n'était pas grand chose pour le moment mais Calypso voyait large. Bientôt elle serait une prostituée de luxe qu'on voudrait s'arracher, elle le sentait au plus profond de son être. Elle commençait à avoir des clients de plus en plus riches et de plus en plus influents. Elle devait maintenant faire du tri dans ses anciens clients. Certains ne valaient plus le coup et Calypso allait donc les faire sortir de son répertoire. Elle avait rendez-vous avec James Somptom, un ouvrier pas trop pauvre. Elle ne l'avait jamais vraiment apprécié alors lorsqu'elle avait dû faire un choix, ça avait été lui le premier a virer. Il lui avait donné rendez-vous dans un hôtel bas de gamme car il pensait qu'ils allaient coucher ensemble. Après tout c'est à ça que ça servait une prostituée, non ? Elle le retrouva dans la chambre numéro 13. Calypso n'avait jamais vraiment accordé d'importance au chiffre 13 et à sa soit-disant malédiction mais peut être aurait-elle dû ? James était assis sur le lit et il l'a regarda entrer avec ce regard qui la mettait si mal à l'aise. Elle avait l'impression qu'il était prêt à la tuer pour obtenir ce qu'il voulait...

- « James, il faut qu'on parle. »
- « On parlera après. »
- « Il n'y aura pas d'après. C'est fini entre nous. Trouve-toi une autre prostituée, moi je ne te prendrais plus. »

Si elle avait prévu ce qui allait ce passer, peut être se serait-elle contenté d'un texto ? Ou alors elle aurait parlé de façon plus douce ? Toujours est-il que Calypso n'était pas devin et elle n'avait en rien prévu que James aurait une arme dans sa poche. Il l'avait prié de s'expliquer et elle lui avait dit qu'il n'y avait rien de plus à dire. Qu'il y aurait pleins d'autres prostituées dans la rue et qu'il en trouverait bien une à son goût. Elle s'était retournée pour se regarder dans le miroir. Elle avait sortit son rouge à lèvres et elle s'en était mit. Que se serait-il passé si elle n'avait pas regardé dans le miroir ? Qui sait...
Toujours est-il qu'elle regarda dans le miroir et alors qu'elle appliquait le rouge sur ses lèvres, elle vit James sortir un flingue de sa poche. Elle se retourna au moment même où il tira. Elle vit des étincelles et sentit son corps tomber au sol. Elle avait très mal à la tête et elle avait un liquide poisseux sur les mains.

- « T'as pas le droit de me faire ça ! Si tu m'appartiens pas, t'appartiendras à personne d'autre ! »

Des pleurs et des bruits de pas puis le blanc total. James avait fuit. Sans doute avait-il peur de se retrouver accuser d'homicide volontaire ? Après tout comment pourrait-il prouver le contraire ? Une prostituée était en train de se vider de son sang, il avait réservé la chambre et puis il avait tiré... Toutes les preuves étaient contre lui alors il avait préféré fuir...
Calypso avait réussit à prendre son sac à main et fouilla dedans. Elle avait très mal à la tête et sentait ses forces l'abandonner peu à peu. Prenant son téléphone elle appela Matthew en priant pour qu'il décroche.

- « Caly ? Qu'est-ce qu'il y a ? »
- « Aide...moi... »

Et ce fut le noir total. Calypso s'évanouie et n'entendit pas les hurlements de Matthew, les bruits de pas, les cris et elle n'entendit rien d'autres que le son de son sang.
Elle ne sentit pas les pleurs de Matthew sur sa peau. Elle ne l'entendit pas hurler de désespoir. Elle ne sentit pas son corps être soulevé du sol et ne sentit pas le vent sur son visage lorsque Matthew courut à l'hôpital en la portant dans ses bras. Elle ne pesait rien avec ce qu'elle mangeait mais elle avait si mal à la tête...
Elle n'entendit pas Matthew demander un médecin de toute urgence. Ne l'entendit pas crier que c'était urgent et qu'il tuerait celui qui ne la sauverait pas. Elle ne sentit pas les secousses du brancard sur lequel on l'a mit. Elle ne sentait plus rien d'autre qu'un horrible mal de tête.
Lorsqu'elle ouvrit les yeux bien plus tard, elle était dans une grande pièce blanche entourée d'objets bippant à tout va. Elle ne pouvait pas bouger la tête mais essaya tout de même de quitter le lit. Elle sentit des mains l'en empêcher et elle réussit à ouvrir la bouche pour dire d'une voix rauque :

- « Où est-ce que je suis ? »