« ll y a deux histoires : l'histoire officielle, menteuse, puis l'histoire secrète,
où sont les véritables causes des événements. »
— Balzac.

Un pourpre pâle, froid, éteint. Des touches de bordeau parsemées, comme laissées par une pluie passagère. De discrètes stries cyans, brisées, aux contours vaporeux. Comment décrire le sentiment que donne cette représentation, mis à part en parlant d'une sorte de désaccord, gardant pourtant un effet mystique. Ce serait parfait, chacun des tons apportant son envoûtement. Seulement, ils finiront tous par s'écraser et rendre n'importe quelle fleur laide à en pleurer. Alors, sans doute vaudrait-il mieux couper la belle tant que la jeunesse coule dans ses veines, la montrer à un public gigantesque, puis, aux premiers signes de fatigue, jeter son organisme dans un puits sans fond, qu'elle pourrisse en paix, cachée du regard de tous. Ou mieux, un trou creusé rapidement, n'importe où, tant que son cercueil est en terre, afin de rejoindre son élément naturel et attendre paisiblement que la douleur du temps cesse de brûler ses entrailles. On pourrait croire qu'il serait mieux de la laisser vieillir, que le vent emporte ses graines pour les semer au hasard, mais cette plante est totalement infertile et même dans les meilleures conditions possibles, elle ne déciderait pas de produire un héritier génétique. Peut-être prise par la crainte que ce dernier lui vole les quelques printemps qui lui restent, égoïste, sans doute.
Voilà le portrait, ou plutôt la nature morte que Dahlia fixe dans son esprit, son regard quittant le paysage offert par la fenêtre pour revenir au dessin sur sa feuille, devant à la base être une amaryllis, mais qui s'avère en fait ressembler à une des célèbres tâches d'encre de Rorschach. Cela ne la vexerait pas si une autre personne qu'elle-même faisait cette remarque franche, mais ce ne serait pas réellement nécessaire. Après tout, la jeune fille s’aperçoit bien toute seule qu'elle n'a aucun talent dans ce domaine-là et cela ne l'attriste pas vraiment. Elle aime le faire, alors, sans se forcer à s'améliorer, gardant le même niveau mauvais depuis une éternité, elle poursuit.

Les rares portraits peints et nombreuses photos sur la plupart des murs de la maison ont un don fabuleux pour l'énerver. On pourrait s'arrêter devant chacun d'entre eux pour raconter une anecdote et d'ailleurs, c'est ce qui est fait dès qu'un nouveau visiteur débarque, ou qu'un ancien n'est pas encore repus de l'incroyable aventure de la famille Rops. Ses parents font la petite visite avec fierté, comme si l'honneur de leurs ancêtres pouvait se répandre, dégouliner sur eux. Enfermée dans les tombes, la poussière d'os parvient à flotter et se niche dans leurs yeux. Les archives ont été racontées mille fois, semblables à une prière qu'un fervent religieux s'écrirait avec une lame tranchante sur le corps. Ressasser, encore, toujours. Or, pour une enfant, c'est toujours triste de voir ceux qui l'ont menée sur terre faire cela. Puis, à force, les sentiments presque doux évoluent en une colère résignée. Elle a bien essayé de parler à ses chers géniteurs, souffler sur la poudre qui bourre leurs orbites et a finalement découvert que celle-ci est, au fil du temps, devenue aussi dure que du ciment. Dahlia n'est pas la plus lucide non plus dans cette situation : elle pense mépriser tous ces portraits, mais éprouve en réalité une haine née d'une jalousie inconsciente. Eux ont vécu dans l'opulence, la richesse, le faste, mais les mauvais investissements sur plusieurs générations ont dissous la fortune en un claquement de doigts. C'est pour cela que dans la maison des Rops, on a tendance à ne parler que d'un passé trop ancien pour avoir été vécu. Tous habitant dans un manoir hérité. Les coins des salles sont poussiéreux, il y en a trop pour qu'ils soient tous entretenus. Certaines pièces sont totalement vides et la jeune fille se demande quand ses parents décideront enfin de la vendre, d'arrêter de faire disparaître chaque meuble un à un. Manger des mets d'une qualité douteuse, dans une cuisine qui laisse encore traîner le spectre de son luxe, est une ironie douloureuse à ses yeux. Pourtant, elle ne vit pas parmi les rats, ne fouille pas les poubelles, a en fait juste une existence modeste, un toit, alors où est le problème ? Ses yeux d'enfant qui brillaient lorsqu'on lui parlait des membres décédés de son arbre généalogique, aujourd'hui brillent toujours, mais l'émerveillement s'est depuis longtemps transformé en envie. Une cupidité insatiable, qui pourrait peut-être tristement définir toute son âme. Ne réfléchissant pas à ses actes d'un point de vue moral, la seule chose à laquelle elle pense, ce sont les chances de réussites. Il est arrivé plusieurs fois qu'elle ait un peu trop confiance en ses aptitudes, ou sa discrétion et a été prise la main dans le sac. C'est donc ainsi que Dahlia s'est retrouvée à l'académie Weins, elle a beau courir vite pour les vendeurs, elle s'est fait rattraper rapidement par la police, puis a été inscrite dans l'école connue. Un simple collier en toc, que l'étudiante a pourtant réussi à garder, le considérant comme une sorte de porte-malheur. L'idée de conserver un objet possédant un tel titre est assez absurde, mais elle y tient, incapable d'expliquer cette décision stupide. Il est aussi amusant de voir qu'elle blâme plus cette chose inanimée plutôt que sa propre personne. Depuis son arrivée dans l'académie, elle se sent moins libre, parce que contrainte de vivre dans une sorte de pensionnat, pourtant, on peut considérer sa qualité de vive meilleure à présent que lorsqu'elle  habitait libre dans le grand manoir familial.

Dahlia a découvert une jeune fille au début de sa première année et leur association n'a jamais eu rien de bon. Une brune nommée Lexy. Ayant un grand point commun, elles ont donc logiquement dévoué la majorité de leur temps ensemble à des activités ayant un lien avec cette similitude. Quelque chose de beau dans ces rapports aléatoires et innés. Il s'agissait d'emprunter à long terme des choses ici et là, généralement sans prévenir. De courir vite lorsque le repli discret n'était plus permis, ce qu'aucune des deux n'appréciait pour des raisons différentes, et d'accepter d'interrompre tout lorsque le tiers commençait à s'apercevoir que quelque chose se tramait. Dans le deuxième cas, la fleur garde alors un goût amer, acide à s'en faire fondre les joues, qu'aucune nourriture ne peut faire passer. Et enfin, lorsque cette sensation désagréable s'est échappée de ses papilles, elle reste dans sa gorge, comme un animal qui se terre. Parmi le hasard des possibilités dans ce genre d'amusement, la pire est sans doute celle qui a menée la jeune fille à l'Académie. Seulement, cet accident s'est reproduit, en compagnie de Lexy. D'un égoïsme sans borne, la zinc a fait porter toute la faute sur son amie, qui a donc subi les conséquences toute seule. Pourtant, même après cet événement, Dahlia et la plomb ont gardé la même relation, bien que Lexy sait lui rappeler qu'elle n'a toujours pas oublié. Rops suppose que sa mémoire ne s'effacera pas et selon elle c'est sans doute mieux. Depuis, lorsqu'elles font des coups ensemble, cette dernière tient à ce qu'ils soient préparés le plus minutieusement possible. Elle ne voudrait pas subir la même situation, mais que ce soit l'autre langue qui se délie en premier.

« Un homme de caractère n'a pas bon caractère. »
— Jules Renard.

Une personnalité simple, formée uniquement par l'empilement de tonnes de détails, donnant des traits droits, d'autres courbés, tous à l'origine de l'ensemble de cette œuvre. Une toile ressemblant à un brouillon de loin. Prévision du désastre le plus complet ou d'un chef-d'oeuvre, tout dépend des points de vue. Ils n'y changeront pas grand-chose, quels que soient les mots. Principalement car si l'on faisait un reproche à la jeune fille, elle ne pourrait le comprendre, celui-là trié et considéré comme indésirable, donc ne pouvant passer les barrières strictes de son esprit. Rejeté au loin, enterré comme une pierre au fond de la mer. Une gamine à peine majeure, ingrate, qui ne fait que passer son temps à se donner en spectacle dans des actes retirant le peu d'honneur qu'il reste à sa famille, déjà presque totalement effacée des mémoires et dont les cendres sont de plus en plus chassées par le vent violent du temps. Elle commence à le sentir, qu'on ne la cite plus dans les conversations familiales, que son nom s'efface, qu'on passe sur son cas rapidement. Disons simplement que la petite n'est pas encore morte, cela suffira amplement. Dahlia voit cela comme un reniement officieux et quand cette évidence s'est enfin décidée à apparaître dans les limbes de son crâne, celle-ci l'a d'abord laissée choquée, puis indignée. Après tout, les seuls fautifs de tout cela, ce sont eux, ses géniteurs. Ils n'avaient pas à lui insuffler l'envie si la suite prévue n'était pas celle-la. Un souffle de paillettes dorées sur le visage. Pourtant, cette raison à elle seule n'est pas suffisante pour être désignée comme unique responsable. Mais ça, l'étudiante ne veut pas le savoir. Son comportement est normal. Égoïste ? C'est sans doute comme ça qu'ils appellent tous le fait de qu'elle fasse passer ses envies, ses besoins, avant ceux des autres. Non, la petite fleur n'a jamais réfléchi au fait que si tout le monde fonctionnait de la même façon, agissait avec cette morale, le chaos régnerait partout. Se disant juste que la plupart des gens sont naïfs, elle profite sans réellement voir s'il y a un mal ou non.
Souriante si ce n'est contrariée, des fleurs viennent presque chaque jour se perdre dans ses cheveux. Qu'elles sont jolies, la représentation de la parfaite beauté, qui s'échappe en un claquement de doigts. Demain, elles seront toutes mortes. Les bouquets sont à l'égal des bijoux et pourtant, les plantes restent de simple morceau de bois donnant naissance à des rubis, émeraude et encore mille autres types de pierres précieuses, selon Dahlia.

Ton p'tit nom/pseudo : Juliette.
Ton âge : 16 ans.
Un ou plusieurs comptes sur le forum ?   C'est mon deuxième.
Comment as-tu connu le forum ? Grâce à cette chère Alanis.
Et comment tu le trouves ? Toujours aussi beau et si inspirant que j'ai fait un DC !
Quelque chose à ajouter ? Non monsieur.