Daniel était assit sur les gradins. Des semaines avaient passés depuis la dernière leçon avec Jade. Des semaines, mais cela semblait lui paraître comme une éternité. Il se sentait comme dans un gouffre sans fin où il tombait, parfois il trouvait des portes qui lui permettaient de garder contact. Il s'enfonçait encore plus dans les ténèbres même s'il aurait put éviter tout cela. Désemparer c'était le mot. Le connard de Lassiter assit sur son banc se sentait totalement perturbé coincé entre les deux femmes qui … pouvait-on dire lui couraient après ? Après tout comme dans un serment Allegra et lui s'était juré exclusivité et il avait une mission à remplir avec Jade, une mission qui le faisait bien sourire, presque rire. Allegra le connaissait bien, elle était sienne et comme une partie de lui se cachait en elle, elle avait très bien sut deviner les intentions du jeune homme. Mais la dernière leçon qu'il avait eu avec Jade avait été très mouvementé. Peut-être trop. Les limites avaient été franchies. Elle n'aurait jamais dû commettre un tel affront avec lui et il n'aurait jamais dû céder à ses pulsions. Maintenant la question qu'il se posait c'était comment allait-elle réagir à la leçon suivante. Il avait beaucoup hésiter avant de continuer les leçons avec elle, mais son désir de forger Jade Thomas avait été bien plus grand que tout le reste. Forger une platine dans un marbre froid, quelle jouissance n'est-ce pas. Il y arriverait, il le savait et tout ce qui se passait la dernière fois avait été parfait, juste pour servir ses intérêts. Car même les plus petites erreurs pouvaient être tourner à l'avantage de sa victime. Il était assit sur son banc, les mains liés devant lui, ses coudes sur ses genoux, il attendait. Daniel Lassiter dans un gymnase. Il y allait rarement, si ce n'était que pour les entraînements de football et encore la plupart se faisait en extérieur, mais avec l'hiver approchant rien ne pouvait se pratiquer ailleurs que dans ce grand bâtiment. Il fixait les gradins d'en face, le regard dans le vide, et perdus dans ses pensées, on n'aurait put croire à une vulgaire statue de pierre qu'un artiste aurait décidé de sculpter à cet endroit.

Oui il avait hésité, il avait hésité tellement de fois avant de laisser ce mot à Jade pour la prochaine leçon. Elle n'était pas encore parfaite, elle n'était pas bonne élèves, car elle regardait toujours à côté, jamais elle ne regardait en profondeur dans l'âme des gens. Trop pur encore, trop innocente, elle respectait la vie privée elle. Mais comment pouvait-elle parvenir à ses fins si elle ne se mettait pas à la place des autres. Jade était trop. Lobotomiser par son Gordon en or massif, la demoiselle n'avait pas l'intention de faire de mal. Jamais elle ne se servirait d'un flingue pour forcer quelqu'un à faire quelque chose, certes Daniel non plus même s'il y avait pensé plus d'une fois. Mais c'était une autre affaire. Elle devait aiguisé ses mots, devenir tranchante, devenir comme lui. La première leçon lui avait montré qu'elle pouvait le faire, mais lors de la dernière leçon bien qu'elle ait prit les devants, elle n'avait pas cherche en profondeur. Mais ce n'était pas la question aujourd'hui. Le temps était compté, elle devait continuer ses leçons peu importe le prix, peu importe ce qui se passerait aujourd'hui. Pour ce faire, le magnifique et talentueux Daniel Lassiter avait pris un malin plaisir à laisser un mot dans la chambre personnelle de la demoiselle. Ho mon dieu, un Zinc qui s'en va dans le bâtiment des platines ? Mais voyez- vous quand on sait parler au concierge rien n'est impossible pour ouvrir un porte. Il était rentré dans la chambre, avait observer toutes les affaires de Jade, trucs de filles, mais sans fouiller réellement et avait scotcher sur son miroir un mot. « Je te dois un t-shirt. » Cela était vrai puisque la bataille de nourriture avait été déclenché par ses soins et il lui avait promit de lui en racheter un. L'argent n'était pas un problème pour Lassiter, mais trouver un t-shirt qui correspondrait à Jade et qu'elle aimerait avait été une toute autre affaire. Il avait donc observer ses vêtements pour voir ce qui lui conviendrait le mieux. Son chauffeur avait eu la lourde tâche d'aller lui en acheter un rapidement le matin même avant qu'il ne vienne à l'académie. Capricieux le cher Lassiter.

Il n'avait pas donné de lieu de rendez-vous comme à son habitude. Jade devait sans doute se poser des questions et sa tête grouillerait d'excitation sans doute à l'idée d'avoir sa prochaine leçon. Il soupira. Soudain, il entendit du bruit venir de l'autre porte, celle qui conduisait aux vestiaires. Des filles et des hommes sortir. Il y reconnu certaines platines, plomb ou zinc, mais quand bien même les filles firent attention à lui en se posant des questions, Daniel ne les observa même pas. Non il l'observait elle. Celle qui venait sans doute de courir un marathon, la capitaine de l'équipe qui n'attendrait qu'une chose, c'était de rentrer dans sa chambre pour s'allonger. Le jeune homme attendit qu'elle le voit. Il se leva descendit les marches et alla à sa rencontre.

« Alors prête pour ta prochaine leçon ? Je te promet qu'il n'y aura pas de bataille de nourriture cette fois ni de corvée de vaisselle.

Il l'observa de la tête au pied. Elle avait l'air exténué et mouillée. Elle avait dû prendre une douche. Il se tenait là tenant son sac en bandoulière. Daniel n'aimait pas le sport et il s'habillait toujours de la même manière, un pull, un t-shirt et un jean. La classe incarnée. Il l'observa encore, la fixant bien. Puis il attendit que les autres soient totalement partis. On entendit la porte qui claque. Le jeune homme alla poser son sac et enleva son pull pour le poser sur le premier banc des gradins. De dos il lui parla alors.

« Même si tu n'es pas prête, je suis déterminé à te la donné aujourd'hui et si tu refuse par fatigue, ce sera fini, ma chère.

Il sourit à lui-même sans que Jade ne le voit. Il aappréciait tellement ses leçons que cela le rendait heureux. Non pas d'être avec Jade, quoique cela était plaisant également, mais juste de voir si elle saurait égaler son niveau. Il se tourna à nouveau vers elle pour lui faire face et alla se placer au milieu du gymnase.

« D'autant que cette leçon est très importante pour la suite et elle ne sera pas de toute repos. Cette fois je ne t'ai donné aucun indice sur ce qui adviendra aujourd'hui … Mais avant que j'oublie.

Il repartis chercher dans son sac. Il trouva au fond le t-shirt que lui avait donné Maxime pour Jade. C'était pas le meilleur t-shirt du monde et il devait sans doute être trop grand pour elle. Il soupira de désespoir devant la nullité de Maxime. Il devait être gay ce type. Et encore s'il était gay, il pourrait quand même avoir de bon goût. Peut-être aurait-il dû tout faire lui même. Mais faire les magasins pour une fille était une tâche bien trop ingrate pour Daniel Lassiter. D'autant qu'il avait une bonne excuse pour montrer que le t-shirt était pas forcément géniallissime. Il tendit le vêtement à son élève.

« Je te devais un t-shirt ma chère. Enfin je te devrais plutôt une tenue complète, mais vu que tu as également trempé tout mes vêtements nous dirons que nous sommes quitte.

Il eu un sourire narquois, tout en observant le regard de Jade sur le t-shirt. La prochaine fois il ne promettrait à personne.

Spoiler:

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Je courais. Je courais comme si ma vie en dépendait. Mes poumons étaient en feu, mes muscles me brûlaient, ma respiration de plus en plus douloureuse, mais il n’y avait rien qui pouvait m’arrêter. La douleur physique valait bien mieux que ces pensées qui me fracassaient le crâne et que mes sentiments qui me comprimaient la poitrine. Jayden. Mon passé. Cinq ans de souffrance et de questionnements. L’absence de Daniel. Son mot, laissé dans ma chambre. Les doutes. Les moments de faiblesses. Les actes de violence. Tout cela m’oppressait et me rendait folle. Alors je courais, comme à chaque fois que j’allais mal. J’enchainais les tours, j’augmentais ma vitesse. Et même l’entraineur dut me rappeler plus d’une fois à l’ordre car je forçais trop. Il craignait que je ne me fasse du mal. Si seulement il savait que c’était exactement ce que je désirais…

Le bruit de nos pas était assourdissant dans le gymnase, tout résonnait et m’empêchait de penser, c’était parfait. Que le chaos s’abatte à l’extérieur ! Qu’il brise le flot de mes pensées. Quand l’entraineur siffla la fin et nous ordonne d’aller nous changer, j’étais en nage, les cheveux collants sur mon front et le souffle court. Je devais être écarlate si mon teint le permettait. Sans un mot, je regagnai les douches et m’y noya, l’espace d’un instant. Je me séchai rapidement, avant d’enfiler une tenue plus confortable ne sentant pas la sueur d’une désespérée qui tentait d’oublier. Un jean, un gros pull chaud aux couleurs de l’équipe, avec mon nom dans le dos. Mon sac de sport pendant en bandoulière et mes cheveux trempés flottant à l’air libre, je sortis avec mes comparses.

Je ne prêtais même pas attention aux murmures et aux commentaires, toute enfermée dans mon monde que je l’étais. J’étais épuisée, juste de quoi m’affaler sur mon lit et dormir d’un sommeil profond sans ne plus penser à rien. Mais en relevant les yeux, je le vis. Daniel Lassiter. Un fantôme dans mon corps, au même titre que Jayden. Un être qui hantait patiemment mon être, se délectant certainement de ce pouvoir. Je l’observais un instant. Même son mot scotché sur mon miroir ne m’avait pas redonné le sourire. Imaginer qu’il était entré dans ma chambre, qu’il avait pu et dû fouiller dans mes affaires ne m’atteignait même pas. Tout le monde entrait dans ma vie comme si c’était un moulin de toute manière. Tous m’abandonnaient, tôt ou tard, avant de vouloir absolument réinvestir mes plates-bandes. Daniel ne faisait pas exception à la règle. Il était pourtant forcément au courant de l’arrivée de mon frère, mais rien. Il ne valait certainement pas mieux que tous les autres, fuyant la moindre étincelle de sentiment. J’avais aimé Jayden et il était parti sans un au revoir. J’ai eu – ou cru avoir – des sentiments pour Daniel et il n’avait plus donné signe de vie. Foutage de gueule. J’avais mal et sa présence me forçait à ressentir, ce que je ne désirais plus. Pour une fois, je ne voulais pas de sa leçon. Pour une fois, je n’avais pas ce frisson d’excitation qui me parcourait habituellement. Parce que j’en avais marre d’avoir mal et de me faire avoir par les hommes qui traversaient ma vie.

Pourtant, je savais qu’il était ma chance. Ma chance de percer mon frère à jour, de comprendre. Oh, Jayden ne me mentait pas, il ne savait pas mentir. Mais j’avais besoin de savoir ce qu’il me cachait encore. Parce que toute la vérité n’avait pas été dite. Mais avais-je réellement envie de la connaitre ? Sincèrement, j’étais incapable de répondre à cette simple question.

« Pas réellement… »

Non, je n’étais pas prête, mais je savais pertinemment que cela ne l’arrêterait pas. On resta ainsi, comme deux poireaux à s’observer, tandis que les membres de l’équipes quittaient une à une le gymnase.

« Jade, tu veux que…
- ça va aller Lene, tu peux y aller. »

Je ne la regardai même pas en lui répondant. Cette première année s’était prise d’affection pour moi, et je comprenais qu’elle pouvait s’inquiéter de me laisser seule avec un zinc, de surcroit avec la réputation de Daniel Lassiter. Mais vu que je ne décrochais pas mon regard du jeune homme, elle finit par lui jeter un regard interrogateur avant de quitter le gymnase à contre cœur. J’observais toujours en silence le manège de Daniel qui ôta son pull pour se retrouver en t-shirt, avant de me menacer de tout arrêter si je refuser de lui obéir et de me soumettre au planning qu’il avait décidé. Est-ce que je voulais continuer ? Certainement. Même si cela impliquait de souffrir ? Je souffrais déjà. Alors un coup de plus ou de moins…

« J’aimerais te voir lâcher prise une fois, Daniel. Juste une fois. Que pour une fois tu ne contrôles rien. Pour voir comment tu te débrouillerais. »

Mal probablement. Il essayerait de retourner la situation à son avantage, mais parfois, c’est tout bonnement impossible. Sarcasme ? Peut-être. Sûrement même. Comme d’habitude, il avait l’art de la mise en scène, il fallait le lui reconnaitre. Nonchalamment, je laissai mon sac tomber lourdement sur le sol et provoquai un bruit sourd et tenace. Il voulait que la leçon ait lieu ici et maintenant, alors qu’il n’y avait personne, ok. J’attendais, sa réflexion m’intrigua. S’il avait espéré que je lui offre une nouvelle tenue, le pauvre aurait été bien en reste ! C’était l’académie qui subvenait à mes besoins, je n’avais aucun argent personnel.

« Pour quelqu’un qui me qualifie de « chère » tu as mis du temps à te souvenir de mon existence. »

Amère ? Oui, je devais l’être. Je n’avais plus d’équilibre, ni de certitude depuis plusieurs jours. J’arquai un sourcil en découvrant le t-shirt. Alors ça, je ne m’y serais pas attendue. Daniel Lassiter avait un mauvais goût flagrant concernant les vêtements féminins. Et il ne connaissait visiblement pas ma morphologie. Ce n’était pas comme si je m’étais retrouvée dans ses bras et que nous nous étions…

Je chassais cette image de ma mémoire. J’avais été stupide, c’était flagrant aujourd’hui. Stupide d’y croire, ne serait-ce qu’une seconde. Parce que la seconde option était simple : il n’avait pas acheté ce vêtement et avait demandé à l’un de ses esclaves de le faire pour lui, parce qu’il n’allait pas se rabaisser à une promesse et à faire quelque chose « gratuitement ». Pourquoi une personne pour qui mon cœur avait battu aurait été quelqu’un de bien ? Il n’y avait que Gordon sur qui on pouvait compter. Le pire, c’était que je le savais pertinemment. Alors pourquoi Daniel avait-il, comme Jayden, une telle emprise sur moi ? Pourquoi, même en sachant qu’il n’éprouvait strictement rien qu’un vague amusement, je le laissais prendre tant d’importance à mes yeux ? Pourquoi avais-je besoin de sa présence autant qu’elle me faisait mal ? La réponse était simple. J’étais stupide.

« Je suppose que je pourrais m’en servir de pyjama. Tu diras merci à la personne à qui tu as refilé la corvée. »

Je me retranchais derrière un mur, acerbe, froide. C’était ce qu’il voulait que je devienne, non ? Qu’il soit ravi, je devenais cette statue de marbre parfaitement lisse et vide.

N’abats pas mon mur, Daniel. Reste à l’extérieur, je t’interdis d’y entrer et de m’atteindre. Reste loin de ce chaos, ne rajoute pas une nouvelle tempête sur mon cœur. Ne t’approche pas. Ne me touche pas, j'en crève d'envie…

« Et cette fameuse leçon si importante ? »

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Détruite. Il avait détruit Jade Thomas au plus profond de ses convictions. Bien sûr elle n'abandonnerait pas son adoration pour Gordon, mais il avait la sensation de voir une nouvelle personne dans la peau de son élève. Presque affaiblis mentalement, mais toujours avec un regard d'acier, prêt à en découdre. Mais Daniel n'était pas dupe, il savait pertinemment qu'il y avait quelque chose qui n'allait pas. Il avait fait une promesse et il y arrivait bien pour le moment. Si elle savait tout ce qui lui attendait. Il avait envie de sourire, mais n'en fit rien gardant son visage impassible. Le grand Daniel Lassiter était malgré tout dans un incroyable dilemme. Et s'il arrivait à faire de Jade quelqu'un comme lui, s'il arrivait à accomplir sa mission et qu'elle devenait alors plus attirante qu'Allegra Lockhart, pourrait-il continuer à savourer les nuits avec la zinc ou tenterait-il une nouvelle expérience. Trop de question se posaient dans sa tête, mais il devrait y répondre tôt au tard n'est-ce pas ? Daniel était enjoué aujourd'hui, prêt pour cette leçon d'autant qu'absolument tout ses problèmes ou presque avaient été réglé par la soirée à la mairie. Presque c'était exactement le mot qu'il devait utiliser. Il le savait depuis un petit moment que plus il fréquenterais ces deux filles, plus il s'enfoncerait dans le ténèbres. C'était comme se retrouver entre une diablesse scintillante dans une robe rouge et des lèvres encore plus douces qu'une rose couleur rubis et une déesse enchanteresse qui rendait de son sourire une vide éclatante. Pauvre Daniel. Malgré toute cette contradiction, le jeune homme avouerait bien une chose : c'est qu'il aimait beaucoup cette situation. Comment ne pas l'aimer en même temps. Le diable en personne qui prenait un plaisir malsain à embrumer le cerveau des jolies filles. Jade Thomas en était l'une d'elles. Mais elle ne semblait pas d'humeur à se laisser faire ou justement. Il avait la sensation qu'elle était lasse, exténué et non pas seulement parce qu'elle venait de courir une sorte de marathon dans ce gymnase, mais bien plus fatiguée de ressentir quelque chose, de subir quelque chose.

Il l'observait attentivement comme elle le regardait. À la différence la platine, Daniel dessellait les signes. Ce regard ferme et lasse qui le regardait, cette posture peut convaincante de vouloir apprendre quelque chose aujourd'hui, et ses lèvres qui ne dessinaient rien d'autres un bâton en attende d'une parole qui franchirait la ligne d'arrivé. D'un ton presque exaspérer ou soupirant, elle lui lança qu'elle aimerait bien le voir lâcher prise, ne plus tout contrôler comme il le faisait si souvent. Daniel arqua un sourcil, curieux de cette demande. Bien sûr jamais il ne se permettrait de ne pas être maître de la situation, mais c'était évident que chaque personne qui le connaissait aurait voulut frapper se mur de glace pour voir ce qui se cachait réellement dessous. Jamais au grand jamais cela ne se produirait dans l'académie, du moins tant qu'il l'aurait décidé. Il ne sourit pas et répondit d'un ton neutre, réfléchissant encore à la question.

« Lâcher prise ? Hum je l'ai déjà fait, mais l'effet n'était pas réellement concluant … Je dois avouer que je n'en vois pas l'intérêt. C'est une situation très perturbante, qui cause beaucoup de stress et de rides à ceux qui ne savent pas contrôler tout ça. Triste réalité.

Il avait l'impression de parler comme une vieillard qui avait vu le monde avant d'être enfermé dans une maison de retraite. Oui Daniel était un vieux dans un corps de vingt ans. Chose bénéfique puisque même si la maturité était là, paraître jeune ne devenait alors pas facile. Il en avait parfois marre qu'on lui dise qu'il était bien trop jeune pour faire ci ou ça, alors il prenait les devant, il parlait avec les adultes et les manipulait à sa guise, pauvres âmes faibles qu'elles étaient. Aujourd'hui que son grand-père était partie, la population du quartier ouest le prenait pour le patriarche des Lassiter et lui montrait beaucoup plus de respect qu'on ne le lui aurait donné. Et Daniel adorait ça. C'est donc pour cela qu'il ne comprenait pas qu'on puisse lâcher prise, qu'on arrête d'être toujours parfait en toute circonstance. Allegra le comprenait sur ce point, elle était sublimement parfaite à chaque réception, même s'il avait l'impression également qu'elle aimerait parfois oublier de l'être. Malgré tout, si jamais elle lâchait prise, il était certain qu'en qu'à de problème sa perfection reviendrait au galop et ses magnifiques yeux lui transperceraient son corps en entier. Quittant Allegra de ses pensées, il reporta son attention sur Jade et la sensation étrange qu'il avait en la voyant. Daniel sentait quelque chose de bizarre et elle ne pourrait pas lui mentir sur ça, lui dire que tout va bien. Certes il était venu pour lui apprendre quelque chose, mais le bien être de son élève ne devait pas être oublier pour autant. Depuis quand s'en souciait-il ? Il lui avait pourtant bien prévenue que ce ne serait pas une partie de plaisir et qu'elle voudrait arrêter parfois. Lorsqu'elle lui parla du fait qu'il avait mit du temps avant de lui donner la prochaine leçon, il ne put s'empêcher que là était le problème. Mais il le sentait autre part. Pourtant Daniel répondit normalement à la remarque.

« J'ai l'impression que tu m'en veux d'avoir tarder à te contacter. J'ai pensé que te laisser un peu de temps te permettrait d'oublier ce qui s'est passé dans la cafétéria, mais dans ton regard je vois tout autre chose.

Pensait-il vraiment que le regard inquiet que lui lançait Jade était pas rapport à ça ? Est-ce qu'il se disait que si elle réagissait comme elle le faisait aujourd'hui c'était à cause de ce qui s'était passé à la cafétéria la dernière fois. Non il ne pensait pas à ça, il ne l'oubliait pas pourtant. Cette journée serait graver dans sa mémoire. Mais il pensait à autre chose, quelque chose de bien plus profond qu'elle voulait garder pour elle. Peut-être à cause de l'arrivé de son frère à l'académie. En y réfléchissant bien tout ce qui se passait dans la vie de la platine n'avait rien de bon. Il se souvenait pourtant de son regard fier et sûr d'elle lorsqu'elle lui avait demander de l'aider à analyser les autres, ce regard qui semblait s'être perdu depuis quelque temps. Daniel était donc inquiet de ce qui se passerait ensuite et doutait réellement que la leçon d'aujourd'hui se passe bien. Était-il sûr de vouloir accomplir ça aujourd'hui ? Elle était bien trop vulnérable en ce moment, mais il faudrait le faire aujourd'hui. Il avait d'autres choses à lui apprendre, il pouvait bien changer ses plans, non ? C'était très rare ce qui se passait en ce moment dans sa tête. Il doutait que son plan soit un bonne idée. Le fameux Daniel Lassiter refusait d'accomplir sa mission, sa promesse. Oui il avait dit quelque chose à Allegra et il devrait y faire face, même si cela serait très dur. Elle reporta son attention sur le t-shirt. Jade avait bien comprit que ce n'était pas lui qui avait acheter le vêtement. En même temps ça aurait été se rabaisser face à elle. Observait un instant la demoiselle, il détourna le regard pour contempler l'objet qu'il lui avait offert. C'était réellement pitoyable.

« Je le remercierais. J'aurais bien aimé y aller par moi-même mais j'ai été assez occupé ces temps-ci. Tu n'es pas la seule personne dont je dois m'occuper, Jade. J'ai eu des choses à régler.

Pourquoi se justifiait-il ? Il n'y avat aucune raison de le faire. Il avait tenu sa promesse, point final. Et puis qu'elle le mette ou non, il s'en fichait un peu. Le regard de Jade changea tout comme sa posture comme si elle était prête à affronter ce qu'elle allait apprendre aujourd'hui. Il ne put s'emêcher d'émettre un rictus de satisfaction. Il fit quelques pas vers le centre du gymnase, s'arrêta dos à Jade. Sa leçon pouvait débuter après tout les petits tracas qu'elle avait. Il comptait bien savoir d'où venait la lassitude qu'elle avait dans les yeux quelques minutes plus tôt et il savait parfaitement comme il le saurait. Daniel se retourna pour lui faire face et s'exclama en savourant chaque mots qu'il prononça.

«  Bien cette leçon, tu ne l'aimera pas. Mets toi au centre du gymnase. Pour faire simple tu ne dois pas bouger. Pas un seul sourcil, un pas un seul doigt, rien, juste entendre ce que je vais te dire. Dans la deuxième partie de la leçon tu pourras parler, toujours sans bouger.

Le but de l'exercice ? Le contrôle de son propre être, de son corps, de sa parole. Le contrôle de soi. C'était la troisième leçon indispensable.
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Jayden. Daniel. Combien d’hommes allaient encore avoir tant d’influence sur moi ? Et surtout me faire autant de mal ? Quelque chose s’était brisée en moi quand Jayden était parti. Et cette chose, dont on ne soupçonne pas l’importance, c’était la confiance. Je n’avais plus confiance. Et son retour n’avait pas changé cela. Il m’avait plongé dans un désarroi total, renforcé sans le savoir par l’attitude de Lassiter. Oh certes, c’était de ma faute, c’était bien moi qui était allée chercher le monstre dans sa tanière, prétendant être assez forte pour me mesurer à lui. Mais il y avait une inconnue dans l’équation, un invité surprise dans ce duo qui aurait dû être clair et limpide. Un dérapage. Un trouble incontrôlé. Je l’avais laissé entrer, dans une plaie laissée grande ouverte par Jayden. J’avais été faible, parce que j’y avais cru. Je ne devais plus croire. Pas croire que mon frère soit quelqu’un de bien. Pas croire que mon frère m’aime encore réellement. Pas croire que je pouvais me donner à quelqu’un sans sentiment aujourd’hui. Pas croire que ces dits sentiments pouvaient être partagés. Pas croire que Daniel aurait pu être ne serait-ce qu’un ami.

Il m’en avait donné pourtant des preuves. Il m’avait averti qu’il n’était pas quelqu’un de bien, et c’était comme s’il utilisait chaque minute à me le prouver. En m’ignorant pendant des jours. En laissant un domestique m’offrir un t-shirt ridicule. En affichant son air condescendant et fier de lui. Il m’avait fait la morale, mais au final, celui qui ne se permettait pas d’être humain, c’était lui. Moi je ne l’étais que trop, sinon aucun d’eux ne me toucherait. Au moins, s’il y avait bien quelque chose qui me rassurait aujourd’hui, c’était que Daniel ne lisait pas encore parfaitement en moi. Même le plus grand maître en manipulation pouvait commettre une erreur d’interprétation ? Dur à croire. Il affleurait la réalité, mais ne l’empoignait pas encore. Je m’efforçai de rester stoïque quand il mentionna le dérapage de la cafétéria. Nous avions passé un bon moment. Il m’avait souri. Nous avions fait les enfants. Et nous nous étions embrassés. J’avais même réclamé plus. Mon cœur avait pris le dessus. Or, aujourd’hui, je savais que je devais le museler. Il ne devait battre que pour Gordon, car Lassiter ou mon frère finiraient par le briser.

« Tu n’es pas le centre de mon univers, Daniel. »

Je rivai mon regard dans le sien sans ciller. Je savais que je pouvais surmonter cela. Le trouble causé par mon frère, comme celui que Daniel avait fait germer dans mon cœur. Il suffisait que je me souvienne. Je voulais apprendre à lire les âmes pour traquer et dénoncer les traitres. Plus rien d’autre ne devait avoir d’importance. Je n’étais pas importante et mes sentiments importaient aussi peu qu’une fiente de souris face à la grandeur de Gordon et de notre régime. Si je me tuais, peut-être que les choses seraient plus simple. L’échange était clairement aux politesses entre lui et moi. A bien insister sur le fait que nous n’étions pas la priorité de l’autre, c’en était presque pathétique.

« Bien sûr. Et faire du shopping pour quelqu’un d’autre n’est pas digne de toi. »

Je savais que je l’agressais sans raison. Oh, oui, j’en avais conscience. Mais n’était-ce pas ce qu’il désirait après tout ? Que je sois moi aussi un monstre cassant incapable de ressentir quoi que ce soit ? J’étais prête pour sa leçon, puisque le grand maître en avait décidé ainsi. Peut-être qu’au moins cela m’empêcherait de penser, parce que penser m’était douloureux ces temps-ci. J’écoutais docilement ses instructions, comme une bête domptée. Ne pas bouger, ne pas parler. Qu’est-ce qu’il mijotait ? Je pressentais déjà qu’il ferait tout son possible pour me faire sortir de mes gonds. Savait-il que j’avais perdu le contrôle de moi-même au point de me « battre » avec notre Reine ? Allons, c’était idiot, personne n’avait été témoin de notre altercation. Poupée de marbre, Jade, tu sais que tu peux l’être.

Je fis alors quelques pas, pensive, vers le centre du gymnase, alors que Daniel me tournait toujours le dos. Bien, c’était plus facile comme cela. Etre un gros con lui allait bien et me permettait d’ériger mes défenses ainsi qu’une distance de sécurité raisonnable.

Arrête de croire, Jade. Les croyances ne sont que des mensonges. Daniel et ce que tu as cru voir en lui ne sont que des illusions.

J’avais été bien orgueilleuse de songer, ne serait-ce qu’un instant, que je pouvais l’intéresser. Qu’il ferait quelque chose pour moi qui irait au-delà de son rôle de mentor. J’y avais cru. Peut-être avais-je voulu y croire. Les feux de la rampe, les faux-semblants des couples dansant ensemble à la soirée de Madame Baker. Qui pour me regarder comme une femme ? J’étais une Platine. Rien de plus, et rien de moins. C’était la seule chose qui me rendait intéressante. Aux yeux de mes camarades, mais aussi de Lassiter. C’était la seule chose que je devais être. Une Platine, digne de son rang, s’oubliant totalement dans la mission qui était la sienne. Et pour cela, je devais être excellente. C’était un but que je m’étais fixée depuis que j’avais compris les bienfaits de cette école et que j’avais terminé de me débattre inutilement pour ouvrir les yeux sur la bonté de monsieur Weins. Et jusqu’à présent, j’avais été excellente en tout. Des résultats scolaires plus qu’honorables qui m’avaient permis de sauter plusieurs classes. Triple et certainement bientôt quadruple championne d’athlétisme. Ambassadrice de l’Académie. Pourquoi n’avais-je pas pu me contenter de cela, et que j’avais tenté de satisfaire et combler l’humaine en moi ? Je ne pourrais jamais m’épanouir qu’en étant Platine. Je devais exceller dans ce rôle qui me permettrait de protéger l’école et le gouvernement des trahisons intestines.

J’observai mes pieds pour viser le centre exact de la pièce, cette pièce qui était mon sanctuaire bafoué et profané. Je me calai sur mes jambes et joignis mes mains dans mon dos avant de relever la tête et de dégager mon visage en rejetant mes cheveux d’un mouvement souple et habitué. J’inspirai. Je n’aurais d’abord droit à aucune réaction. Je comprenais où il voulait en venir. Être une parfaite statue, complètement illisible. Je devais masquer mes émotions, les rendre insaisissables. Puis répliquer avec son arme favorite, la seule qui ait un tant soit peu de valeur à ses yeux : la parole. Pour l’heure, j’avais crié, frappé, ignoré, mais je n’avais pas su faire ployer mes rivaux par un simple art de la réplique.

« Tu sais comment je suis, Daniel. Si je n’y arrive pas… je veux dire, si j’ai besoin de m’y reprendre à plusieurs fois avant de rester stoïque, il se passera quoi ? »

Qu’importait, au final, puisque je n’allais pas me débiner et qu’il le savait pertinemment. C’était juste pour avoir l’intégralité des règles du jeu. Je me redressai, gardant mon échine bien droite, la tête haute, mes mains bien serrées l’une dans l’autre dans mon dos. Que la partie commence. Voyons si Daniel Lassiter était capable de briser. Voyons s’il y avait encore quelque chose à briser en moi.

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Dire que Daniel connaissait parfaitement Jade, cela aurait été mentir. Il s'imaginait la connaître, mais même s'il avait voulut en savoir plus sur ses états d'âmes il n'en avait pas grand chose à faire pour dire vrai. Malgré tout il se sentait curieux de savoir ce que cachait le regard de Jade. Il était compatissant ? Il essayait de chercher ce qui n'allait pas ? Balivernes, c'était comme si un lion s’inquiétait de ce que pouvait ressentir une antilope. Pathétique ! Daniel observa sa proie qui semblait si faible à ses yeux. Comment la forte Jade Thomas pouvait donc paraître ainsi avec ses faiblesses. Tout être humains en a n'est-ce pas ? Même Daniel Lassiter, mais il ne l'avouera jamais. Elle semblait vouloir l'agresser, l'étrangler le prendre à la gorge et serrer fort pour en finir avec tout ça. Mais c'était elle qui s'était lancée dans une telle aventure, Daniel n'avait fait que dire oui. Il ne voulait pas regretter d'avoir passer du temps à essayer de modeler Jade Thomas, surtout que si jamais rien ne marchait comme il le souhaitait, il le lui ferait payer. Cela le détruirait encore plus, le ferais sombrer dans les ténèbres. Il voyait du potentiel dans la platine, il savait tout ce qu'il pouvait faire avec elle. Mais s'il se trompait jamais il ne pourrait s'en remettre. Le serviteur du diable deviendrait alors insupportable. Donc il fallait absolument faire tout pour réussir et cela aller commencer par la leçon qu'il avait prévu pour aujourd'hui.

Elle lui répondit qu'il n'était pas le centre de son univers. Il s'exprima par un petit sourire du coin des lèvres. Bien sûr qu'il ne l'était pas, il le savait parfaitement, mais disons que sans lui elle restait une pauvre Platine incapable d'accomplir sa mission. Oui oui Daniel ne se prenait vraiment pas pour n'importe quoi. Elle répliqua à nouveau sur le t-shirt qu'il venait gentiment de lui offrir. Jade Thomas ne semblait pas d'humeur à la leçon qui arriverait aujourd'hui, mais cela plaisait énormément au jeune homme. Si elle était énervé cela deviendrait plus dur pour elle et donc plus satisfaisant pour lui. Que c'était jouissif d'avoir le pouvoir ! Il ne remercierait jamais son grand-père assez pour lui avoir apprit tout ça, quant bien même il le détesterait au jour d'aujourd'hui c'était dur de haïr son mentor.

Jade avait sans doute compris le but de cette leçon, elle commençait à plutôt bien le connaître. Daniel ne voulait pas qu'ils se connaissent en dehors des leçons mais à force de parler, de passer du temps ensemble il avait réfléchit et comprenait que cela ne serait pas possible. La seule chose qu'il pouvait faire était juste de paraître et non de se dévoiler entièrement, être ce que Jade voulait qu'il soit. Mais que voulait Jade Thomas ? Un mentor ? Un homme ? Un maître ? Un véritable ami ? Quand on est une platine comme elle qui pourrait dire qu'elle a vraiment des amis ? Ce ne sont que des faux semblants, des personnes dans un même centre d'intérêts. Ceux qui pensent pareil et ceux qui ont une opinion différente. Il y avait forcément deux camps. L'un pour et l'autre contre et entre les deux c'était une guerre totale qui ne finirait jamais. Quoique l'on puisse dire il y aurait toujours un mouton noir qui changerait le cours du temps. La douce petite brebis s'installa au centre la pièce, les mains dans le dos, comme un militaire prêt à recevoir des ordres. Daniel quant à lui allait savourer ce moment plus que tout au monde. C'était l'heure de vérité. Il allait commencé lorsqu'elle lui demandé ce qui se passerait si jamais elle ne réussissait pas du premier coup. Il stoppa la marche qu'il avait entamée.

« Si tu ne réussit pas du premier coup, ce sera de plus en plus douloureux pour toi. C'est tout ce que je peux te dire. Et si tu ne réussit pas tout court, non seulement tu me décevras, mais on recommencera plus tard et je t'apprendrais autre chose aujourd'hui. Quelque chose de plus facile. Mais ne me déçoit pas d'accord ? Les autres leçons te paraîtront bien gentille en comparaison après. Bien commençons.

Daniel commença à tourner autour de Jade vérifiant parfois si elle bougeait. Si jamais c'était le cas il reprendrait tout depuis le début, jusqu'à ce qu'elle reste parfaitement impassible. Avec un sourire bien trop vilain pour être prit à la légère il commença à parler.

« Ma chère Jade, tu es parfaite dans ton rôle de petit soldat au service du grand Gordon. Tu sais je me suis toujours demandé si tu était idiote ou bien juste complètement stupide. Après tout tu fais absolument tout ce que tout le monde te dit. 'Ho Jade soit la meilleure en athlétisme', 'Jade ait des bonnes notes, ça aidera l'académie'. 'Jade va distribuer la nouvelle que Gordon est parfait'. Honnêtement j'ai toujours trouver ça complètement pathétique. Tu me fais légèrement pitié. C'est sans doute pour ça que j'ai accepter de te donner des leçon. Au fond je crois que je me suis dit qu'une pauvre fille dans ton genre avait sans doute besoin d'apprendre des choses que je connais par cœur. Et puis au moins ça te ferait de la compagnie de m'avoir auprès de toi. C'est vrai que tu es tellement seule puisque ton frère est partie ainsi que tes deux sœurs. Oh mais suis-je bête ton frère est revenu n'est-ce pas ? Et pourtant je ne crois pas que ce soit l'amour fou entre vous, je me trompe. C'est dommage pourtant que les liens du sang soit rompu par une règle de caste. Quelle tristesse !

Daniel continuait à tourner autour de sa proie tel un prédateur confiant dans ce qu'il faisait. Mais il savait aussi qu'il pouvait faire largement mieux. Il devait la pousser à bout, la forcer à écouter et à se soumettre devant toute ses vérités, ses moqueries auxquelles elle pourrait avoir à faire face un jour. Qui pouvait savoir si ce genre de phrase n'apparaîtrait pas de la bouche d'une peste. Et si Jade partait au quart de tour face à quelqu'un envers qui il ne fallait pas cela pourrait mal tourné. Il pensa à une rencontre entre Jade et Allegra, se disant que ce ne serait pas forcément bon à voir. Allegra aurait la langue bien pointue. C'était un niveau légèrement au dessus de Daniel et on pourrait sans doute penser que les phrases que sortait Daniel en ce moment étaient du pipi de chat comparés aux injures lancés par une demoiselle comme Hypathie Lockhart.

« Ho j'imagine que tu n'es pas contente que je te sorte ça comme ça, que je n'ai aucune raison de le faire, mais crois-moi je sais très bien qui je suis. Mais parfois j'ai la sensation que tu ne sais pas qui tu es ? Tu n'es pas humaine, ça se saurait si tu l'étais. Tu serais compatissant, tu ne voudrais pas apprendre à manipuler et tu détesterais faire souffrir quelqu'un. Tu n'es pas un robot non plus, tu as quand même un minimum de confiance pour te dire que je suis un connard. Un robot ne verrais pas la différence. Un soldat oui tu es un petit soldat qui servira dans une grande armée, qui fera tout ce qu'on dit, qui frappera à la moindre phrase qui ne lui plaira pas. Mais tu seras aussi une statue de glace, incapable de ressentir des sentiments. Mais pour le moment tu reste pitoyable avec toutes tes petites pensées, tes faiblesses que tu montre sans problème dans l'attente que quelqu'un vienne t'aider. Mais personne ne viendra Jade, tout le monde s'en fiche de toi. Tu es seule. Complètement toute seule et tu l'as déjà été. Et ce n'est pas Gordon qui comblera cette solitude. Tu ne l'as jamais vu ! Jamais alors que tu es championne d'athlétisme et sans doute l'un des meilleurs éléments de l'académie. Tu es pourtant si insignifiante aux yeux de tout le monde et même de ton idole et de ton propre frère. Tu n'es rien.

Il finit sur cette magnifique tirade. Lui qui avait l'habitude de retenir ce qu'il pensait, cela faisait énormément de bien de dire les choses. Bien sûr, sur tout ce qu'il avait dit à Jade, il ne pensait pas absolument tout, mais il avait prit le partie de personne qui aimerait briser les défenses de la platine. Il l'avait attaquer sur des sujets assez sensibles, qui pouvaient sûrement la blesser. Mais il pourrait chercher plus loin s'il le voulait. Cela dépendrait de la réaction de Jade.
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J’avais mal. Trop de choses contradictoires s’étaient passées en si peu de temps. J’avais aimé cette punition, endurée avec Daniel. J’avais apprécié ce jeune homme rieur, souriant, au point que j’avais éprouvé un désir enfoui depuis un moment. Pas de l’amour non plus, mais quelque chose de différent. Puis il y avait eu le silence et surtout, la réapparition de mon frère. Un fantôme du passé dégoulinant de bons sentiments. Un être à qui je ne pouvais pardonner. Un être qui m’a rappelé toutes ces années de souffrance. Un être qui a beaucoup trop de pouvoir sur moi. Et aujourd’hui, le retour des leçons de Daniel Lassiter. Et peut-être était-ce moi, peut-être était-ce lui, toujours était-il qu’il n’avait plus rien du jeune homme avec qui j’avais ri en faisant la vaisselle. Ou peut-être qu’il n’était tout simplement pas ce dont j’avais besoin à l’heure actuelle. J’aurais pu tout arrêter, lui dire d’aller se faire voir et quitter le gymnase, gagnant une soirée de tranquillité mais aussi des semaines voire des mois d’une guerre sale. Car il ne me laisserait pas en paix. J’avais signé un pacte avec le diable, je le sentais mieux que jamais aujourd’hui, mais quelque part, je l’endurais pour Gordon et pour la sureté de l’Académie.

Alors je me plaçai, prête à subir ses coups. Et je savais quel prédateur il pouvait être. Je pouvais presque deviner ses crocs. Certes, c’était une image, mais tout de même. Je ne cillai pas en écoutant son petit speech riche en menace. Je ne devais pas trembler. J’étais une Platine tout de même. Portant fièrement les couleurs du gouvernement, ambassadrice de l’école. Je n’avais pas à trembler. Cela, je l’avais gagné seule, et ni mon frère ni Daniel ne pourraient jamais me le prendre. Mains dans le dos, je gardais la tête haute, et rivai mon regard sur un point sur le mur face à moi. Daniel rôdait ainsi dans mon champ de vision mais il n’envahissait pas mon esprit. Du moins, pour quelques secondes.

Sa première salve ne m’atteignit nullement. Oui, j’étais Platine. Et oui, j’en étais fière. Absolument et incontestablement fière. Ce n’était pas un rôle, mais bien ce que j’étais, au plus profond de mon être. Et en tant que Platine, j’étais accoutumée à ces attaques idiotes et faiblardes des âmes perdues, jalouses du fait que nous, Platines, ayons trouvé notre chemin et notre place. Que croyait-il ? J’étais sortie de New-York, pour affronter une foule haineuse, car abreuvée de légendes infondées. Comme si nous n’avions pas eu le choix. J’avais eu le choix, et j’étais fière de l’avoir fait. Même s’il trouvait cela pathétique. Même s’il… une pensée fracassa mon crâne. Allons, ce n’était que des mensonges visant à m’ébranler. Daniel ne s’abaisserait pas à ce petit jeu si j’étais réellement pathétique. Aucun défi à humilier quelqu’un qui fasse réellement pitié. Ou alors il ne comprenait tout simplement pas le sens de ce terme. De la compagnie. Quel idiot. Il se comparait lui-même à un simple toutou ? Pitié, j’étais bien loin d’être seule. Tout le monde m’appréciait, j’avais même un esclave personnel du nom de Victorian et tous les petits nouveaux m’adorait. Et la seule et profonde solitude qui m’envahissait parfois, même lui ne pouvait pas la combler. Il m’avait fait sourire. Il m’avait faire rire. Il m’avait troublée. Mais au-delà ? Qu’y avait-il au-delà ?

Je sentis un battement de cœur manqué, mes doigts qui se crispèrent quand il osa parler de mon frère et de mes sœurs. Surtout de mes sœurs. Jasmine. Jillian. Par bonheur, la stupidité de l’une de ses réflexions m’apaisa. Il ne cherchait qu’à me provoquer, mais il ne me connaissait pas. Il ne connaissait que l’image de Platine qu’il se faisait de moi. Mais il ne m’avait jamais vue ni comprise. Ce n’était pas une question de caste qui nous séparaient, Jayden et moi. Loin de là. Certes, il était idiot à ne pas voir les bienfaits de Gordon alors que des Résistants étaient responsables de la mort de nos sœurs, mais il finirait par voir la lumière, il y aurait forcément des êtres ici pour le guider et lui ouvrir les yeux. Non, Daniel ignorait ce qu’il y avait réellement entre mon frère et moi. Peut-être parce que moi-même je ne le savais pas.

Finalement, il m’aidait beaucoup plus qu’il ne le pensait. Je n’avais pas la prétention de connaitre son plan ou d’être capable de comprendre le schéma de sa réflexion, mais soit il faisait des erreurs prouvant seulement qu’il ne me connaissait pas du tout et s’était limité au reflet que je renvoyais, soit il m’entrainait uniquement à répondre aux imbéciles. Au moins, cela apaise les vagues de rage en moi et me permet de rester stoïque. Pas humaine, alors que c’était tout le contraire qu’il m’avait dit dans la cuisine. Il m’avait vu humaine. Alors tout cela n’était vraiment que mensonge.

La suite me perdit un peu plus. Soldat, statue de glace, quoi d’autre ? Tout cela était si incompréhensible. Je n’étais guère de glace, loin de là, j’avais toujours eu un tempérament de feu. Je n’attendais personne, pas de sauveur depuis longtemps. J’avais eu un sauveur et il me convenait tout à fait. Grâce à lui, j’avais eu assez de force pour assumer mon passé devant une bande d’inconnus et devant des êtres puissants. James, Charlotte, Hypathie, même Harmony Chanteloup en personne connaissaient désormais une part de ma vie passée, de ma vie honteuse. Les larmes, mes larmes avaient coulé ce jour-là, parce que pour la première fois de ma vie j’avais dit haut et fort, sans courber l’échine, ce que j’avais fait. L’horreur que j’avais pu être. Mais encore une fois, il avait tort sur plusieurs points. Je n’étais pas insignifiante aux yeux de mon frère. Malgré la haine et la rancœur que j’éprouvais pour Jayden, je le croyais encore sur certains points. Quant à Gordon… tout puissant que puisse être Daniel, il ne pouvait pas connaitre les plans de Gordon ni prévoir l’avenir. Un jour, je travaillerais pour lui, je serais à son service. C’était évident.

Il ne pouvait pas m’atteindre de la sorte, et cela avait quelque chose de rassurant. Il ne pouvait pas atteindre mes vérités. Ma vérité. Si les autres m’attaquaient sur ces aspects-là, je ne craquerais pas, car ils se battaient contre des illusions, pas contre moi. Et je compris alors pourquoi Jayden pouvait me faire si mal. Il était le seul à me connaitre. A connaitre Jade Thomas, et non l’image que beaucoup avaient de moi ici. Alors l’assurance – un peu de froideur et de colère aussi – passa dans mon regard, et mes prunelles se posèrent sur Daniel, alors qu’un fin sourire se dessina sur mes lèvres. Ça, je pouvais le gérer. Ça j’étais capable de le supporter. Mon « maître » devait donc être satisfait…

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