Le réveil avait sonné relativement tôt et Nine avait décidé de ne pas aller en cours. Elle se ferait passer pour malade, elle n'était plus vraiment à ça près : elle se faisait déjà passer pour une jeune fille adorable alors une malade... Ça ne devait pas être plus compliqué à jouer que rester tout sourire face à sa connasse de jumelle. Nine avait eu le malheur de se retrouver coincée avec sa jumelle pendant la terrible tempête de neige qui avait paralysé New-York, la semaine précédente. Elle avait dû sourire, rire, avoir l'air stupide et surtout se retenir de ne pas la tuer sur le champ. Ça avait été tellement difficile... C'était une chose de la voir de loin et de s'imaginer lui infliger milles et une torture mais c'en était une autre que de se retrouver face à elle sans pouvoir rien faire. Nine avait dû jouer le rôle de sa vie et sa stupide jumelle semblait avoir mordu à l'hameçon. Elle avait vu le doute dans ses yeux lorsqu'elle avait passé la porte d'entrée mais Nine avait joué le jeu à la perfection. Elle y avait mit toute son âme, pour peu qu'elle ait une âme, et avait réussi à détourner les soupçons de sa sœur. Pour l'instant, tout du moins... Nine n'était pas stupide et H. et elle étaient jumelles alors forcément, elle allait devoir y mettre plus que son âme pour détourner l'attention de la blonde. La structure osseuse était presque la même pour la brune et la blonde mais Nine, elle, avait souffert beaucoup plus longtemps de leur mère et son corps s'était donc transformé. Elle était taillée comme dans la pierre et son visage paraissait plus fin et plus long que celui de H.. Des années de torture et de souffrance avaient façonné à Nine une nouvelle identité, un nouveau visage. Elle aurait pu user de chirurgie esthétique ou autre mais on aurait alors pu retrouver sa trace. Et puis il fallait également avouer que Nine aimait le fait que sa sœur soit rongée par les soupçons et les interrogations la concernant. Une fille ressemblant à sa sœur mais agissant comme une petite timide et pas comme une folle... était-ce elle ? Non ? Oui ? Peut-être ? Il y avait de quoi ne plus dormir la nuit.

Pour s'empêcher de craquer et de se jeter sur sa sœur sans préparation, Nine avait dû sacrifier des chats errants. Elle avait réussi à tenir jusqu'à la veille au soir mais ensuite cela avait été trop dur. Au milieu de la nuit, elle avait décidé de sortir de sa chambre pour calmer ses pulsions, sans quoi sa couverture n'aurait plus de raison d'être. Elle avait perdu patience de nombreuses fois dans la journée et il était hors de question qu'on se doute de quelque chose. Nina devait être insoupçonnable et, surtout, oubliable. On ne devait pas se souvenir de la Zinc, on devait la redécouvrir à chaque passage sans quoi ses mensonges seraient trop visibles... Nina n'était qu'une petite Zinc sans différence avec les autres, une grande brune qu'on oubliait facilement. Trop facilement justement...
Nine s'était glissée hors du dortoir en évitant de déclencher de possibles alarmes et avait réussi à sortir sans croiser d'élèves. Elle s'était déplacée tel un fantôme et avait trouvé deux victimes pour satisfaire ses besoins de meurtre. Elle se contint juste assez pour ne pas se retrouver avec du sang sur elle ou sur ses vêtements mais les deux créatures souffrirent bien plus qu'ils n'auraient dû. Une fois les deux cadavres enterrés profondément, Nine s'était sentie comme apaisée et elle était restée dehors, à regarder la lune. Une fois complétement sereine, si tant est qu'elle pouvait l'être..., Nine reprit le chemin du dortoir et se faufila dans son lit, ni vu ni connu. Moins de deux heures plus tard, le réveil sonnait et la brune l'éteignait sans hésitation. Elle avait été à tous ses cours sans exception, faisait même parti d'u club de tir-à-l'arc alors qu'elle aurait pu choisir la facilité en prenant celui de volley alors une matinée sans aller en cours, ça ne devrait pas poser problème. Elle s'était donc rendormie puis réveillée peu après midi, en pleine pause-déjeuner. Elle avait décidément un bon retard en terme de sommeil à rattraper... Il fallait avouer qu'elle n'était pas habituée à dormir plus de quelques heures en temps normal : lorsqu'elle vivait avec sa mère, elle ne pouvait dormir que d'un œil si elle voulait éviter de se retrouver dans des situations catastrophiques. Depuis, elle avait apprit à se contenter de peu et d'être continuellement sur ses gardes. Cela dit, maintenant qu'elle était à l'Académie, les choses étaient plus simples. Elle n'avait plus à avoir peur d'être surprise dans une rue ou à rester éveillée pour éviter les vols. Non. Maintenant, elle pouvait dormir sur ses deux oreilles une fois qu'elle avait tourné la clef dans la porte.

C'est donc au meilleur de sa forme que Nine sortit de sa chambre. Elle avait enfilé un jean et un pull en laine vert émeraude, simple et facilement oublié. Nine croisa une jeune fille qu'elle ne connaissait pas dans le couloir et lui sourit aimablement avant de continuer son chemin. Ses pulsions de meurtres avaient complétement disparues et elle se sentait prête à affronter la journée et les questions qu'on pourrait lui poser. Elle était au pied de l'internat lorsqu'elle s'arrêta : elle n'était plus sûre d'avoir fermé la porte. Les Platines n'entreraient jamais, ils étaient trop polis pour ça, mais les Zincs c'était une autre paire de manches. Nine s'apprêtait à laisser passer lorsqu'elle se rappela que les vêtements qu'elle avait utilisé la veille, et qui étaient donc couvert de terre, étaient encore par terre. Elle ne pouvait pas se permettre qu'on lui pose de questions à ce propos ! Nine fit donc demi-tour, accéléra le pas tout en souriant aux personnes qu'elle croisait, puis reprit un rythme normal pour ne pas éveiller les soupçons. Elle ouvrit la porte de sa chambre, la referma et vit une fille qu'elle ne connaissait pas. Immédiatement ses pulsions meurtrières refirent leur apparition : une inconnue avait osé entrer dans sa chambre ! Dans son sanctuaire !! Il n'y avait rien de compromettant, heureusement, mais Nine ajouta immédiatement la Zinc, une Platine n'aurait pas fait ça !, à sa liste noire.
Nine garda son sang-froid et prit un air choqué avant de dire, de la voix haut perchée et timide de Nina :

« Mais... Mais qu'est-ce que tu fais dans ma chambre ?! »

« -  C’est un beau collier que tu as là… »

Hope est auprès d’une étudiante plus petite et plus jeune qu’elle ; une fille un peu timide, un peu sans histoire. Les yeux de la Zinc jettent la convoitise avec autant de discrétion qu’un piano lancé d'une fenêtre au troisième étage d’un immeuble. Elles étaient assises au réfectoire, il y avait peu de gens pour changer.

« - Tu trouves ? On me l’a offert, dit l’autre en rougissant.
- J’aurais tellement aimé qu’on m’offre de belles choses comme ça moi… »

La voix de Wellington est basse. Le serpent siffle à l’oreille de sa proie de son plus apaisant gazouillement qui n’a rien à voir avec les reptiles. Un rictus en coin s’esquisse sur le visage blême de l’adolescente envieuse alors que son regard, lui, devient anthracite par les mauvaises intentions qui s’y dessinent grossièrement. La proie commence à ressentir l’influence malsaine de cette très chère Hope et devient mal à l’aise. La jumelle cachée ne s’en rend pas compte ; tout dû moins, elle voit que son lièvre devient craintif mais c’est à peine qu’elle s’en préoccupe : il n’y a que le bijou qui l’intéresse. Le collier est doré et une pierre rouge et polie descend contre la poitrine de sa propriétaire. Vrai ou pas, Hope Wellington veut cet objet qui l’enivre non pas sans une certaine perversité.

« - On ne t'a jamais donné de collier ?, répond naïvement, inquiète, la malheureuse.
- Oh non... Je n'ai pas eu cette chance, réplique-t-elle en souriant bizarrement et flattant le cou de la petite.
- Hope... tu commences à me faire peur... »

Ce n'est pas comme si c'était la première fois, en toute modestie, que la demoiselle provoquait l'angoisse et l'appréhension chez quelqu'un et il faut dire que ce n'est pas sans raison que les personnes qui ont trouvé auprès de la Zinc des sujets à des craintes. Elle ignore complètement la remarque et ajoute :

« - Pourrais-tu me le donner ? Je n'ai jamais eu un collier comme ça...
- Ça non ! Il est à moi !, proteste l'autre fille.
- Pour une journée alors ? Juste pour l'essayer ?
- Non ! »

Alors, il y a eu une sorte de déclic qui s'est opéré à l'intérieur du cerveau corrompu de Hope. Des mécanismes ont été enclenchés, des souvenirs criminels sont passés à la vitesse d'une Bugatti en course du début du siècle et c'était si fort qu'elle pouvait presque sentir une respiration glacée nocturne lui parcourir les poumons alors que son poing s'est refermé fermement contre le collier en le tirant légèrement. Pourtant, il y avait de la brutalité dans son geste.

« - Lâche-moi ! Lâche-moi ! Voleuse ! »

Alors, revenant à la réalité suite à ce mot qui correspond davantage à sa soeur jumelle mais qui peut s'appliquer à elle également à l'occasion, Hope lâche prise sur l'objet de ses désirs et son visage exprime une certaine incompréhension. Pourquoi avait-elle fait ça ? L'impulsivité, surement. Au fond de son coeur, son âme ou quoique ce soit qui puisse remplir une fonction homologue, elle sait qu'elle n'a aucun remords, qu'elle désire toujours ce collier et qu'elle serait prête à tuer pour l'avoir. Néanmoins, le brusque retour à la réalité l'a comme qui dirait désarmé et Wellington, voyant qu'elle est à l'académie Weins et non dans une de ces rues malfamées où des choses obscures sont implicitement permises, se rend compte de sa bêtise.

« - Oh, je suis désolé ! Je ne sais pas ce qui m'a pris ! Je... »

Trop tard, la petite tourne déjà les talons, en tenant fermement son présent. Au moins, on peut dire, si on est optimiste, qu'une jeune demoiselle aura appris à se méfier des tordus tels que Hope et que nos objets précieux sont vraisemblablement jamais à l'abri à l'intérieur de ce concentré de mauvaises graines rapatriées qu'est l'académie Weins. Une chance qu'il y a les Platines en ce monde, pense la propriétaire du fameux bijou en partant. Ça n'étonnera personne d'apprendre qu'elle deviendra des leurs dans un futur plus ou moins proche. Ceci dit, elle n'ira pas se plaindre plus tard puisqu'elle ne s'est pas fait voler, techniquement, et qu'elle a eu ce qu'on appelle la flemme. Par contre, on peut être sûr d'une chose ; elle n'adressera plus jamais la parole à cette méchante personne qu'est Hope. Amen.


Notre petite canaille était bien triste suite à sa tentative de vol improvisé qui a lamentablement échoué. Non seulement elle n’a pas eu ce qu’elle désirait mais en plus l’impression de s’être ramollie, de ne plus avoir les mêmes capacités qu’autrefois, lui donnait un goût d’amertume qu’elle n’arrivait pas à expulser. Comment va-t-elle donc pouvoir se procurer tous les trucs inutiles qu’elle souhaite si elle ne sait plus enfreindre les règles, paradoxalement, comme il se doit de le faire ? En gagnant de l’argent honnêtement ? L’idée la fait rire bien que ce ne soit pas un rire joyeux : c’est un sentiment inverse qui est exprimé par là.

Hope se retrouve au dortoir pour une raison qu’elle a oubliée mais qui devait être pertinente puisqu’elle s’y est rendu. Tandis qu’elle traversait un couloir, une chance du ciel s’est abattue. Une porte était entrouverte, lui tendant les bras vers un larcin facile pour qu’elle puisse guérir de sa peine. Sans réfléchir, entrant lorsque personne ne regardait en sa direction, elle entre à l’intérieur d’une chambre inconnue en quête de n’importe quoi lui permettant de s’en mettre plein les poches. C’est soit le jour des brigands soit celui de la malchance car, encore une fois, son plan débile tombe à l’eau parce que la locataire vient tout juste de débarquer. La Zinc tressaillit de surprise. Une autre de ces brunettes timides ? C’est un vrai festival ou quoi !?

« - Euh... bah... J'ai vu la porte entrouverte alors je suis allé voir pour... hm... te demander si la nuit tu entends des bruits énervants à cause du système de chauffage et... parce que ma chambre est pas loin... et... je suis entré pour voir si c'était ton cas aussi ! Drôle d'histoire, non ? »

Ahahahahaha... Hope a le culot de lâcher un petit sourire qui se veut innocent dans cette circonstance en espérant (c'est la seule chose à laquelle elle peut espérer sans quoi elle se mettrait à courir en vitesse, désespérée) qu'elle gobe son grossier mensonge. Wellington avancerait bien tranquillement en direction de la sortie, toutefois, la brunette est devant et l'envie de la pousser contre le mur et fuir telle une folle est si forte qu'elle se demande si elle pouvait résister. Par conséquent, elle prend racine, essayant de ne pas avoir l'air gêné par la situation et d'être sûre à cent pour-cent de ce qu'elle fait : pour qu'on y croie, à ses conneries. Elle scrute la pièce.

« - Tu as une belle chambre dis donc ! »

Mais ferme-la...

Sale garce... Nine n'avait qu'une envie : étrangler l'espèce de petite pouffiasse qui lui faisait face. Visiblement, la Zinc ne s'attendait pas à ce que Nine revienne aussi vite dans sa chambre et la meurtrière ne s'attendait pas à y trouver quelqu'un. Décidément, les deux avaient des points communs... Sauf que Nine ne l'entendait pas de cette oreille. Cette saleté de petite crevure avait osé pénétrer dans SON sanctuaire. C'était sa chambre à elle, pas un lieu commun où tout le monde pouvait passer ! C'était son petit sanctuaire, l'endroit où elle pouvait être elle-même, où elle pouvait faire tomber le masque pour faire et dire ce qu'elle voulait, sans craindre d'être aperçue en position compromettante. Cette chambre, c'était la seule possibilité qu'avait Nine de se reposer sans avoir besoin de rester sur ses gardes. C'était dans cette petite chambre que Nine pouvait monter des plans pour tuer sa sœur tout en ricanant à voix haute : les gens pensaient alors qu'elle regardait un film ou lisait un livre amusant. Cette petite chambre, pourtant vide de tout signe de vie, c'était le seul endroit où elle pouvait être elle-même. Il n'y avait pas d'objets particuliers, quelques livres, des vêtements et quelques petites statues d'animaux. Nine avait acheté ces figurines afin de parfaire la couverture de fille niaise qu'elle s'était construite depuis qu'elle était arrivée à Weins. Elle avait une série de petits animaux en porcelaine, un poster de chat et des romans quelconques posés les uns à côté des autres. Pour tout dire, Nine haïssait ces figurines. Elle détestait les animaux alors en avoir des tout petits en porcelaine, qui ne projettent pas de sang partout lorsqu'on les jette par terre... c'était vraiment énervant ! Depuis son arrivée à Weins, deux chatons, un poney et trois oiseaux avaient trouvés la mort lorsqu'elle les avait jeté contre le mur après avoir frôlé sa sœur. Les créatures de porcelaine s'étaient éparpillés partout dans la pièce et Nine avait mit du temps à tout ramasser, se coupant les mains sans en ressentir la moindre douleur. Les quelques survivants du massacre étaient propres et, à bien y regarder, la chambre entière était propre comme un sous neuf. Pas de poussière, pas de tâches : tout était parfaitement nettoyé, comme si la femme de ménage était passée. Sauf que les femmes de ménage ne passaient pas dans les chambres : question de respect de l'intimité. Nine était une véritable maniaque, tant dans sa folie que dans le ménage : rien n'était laissé de côté et l'odeur de désinfectant flottait continuellement dans l'air. La brune avait gardé cette habitude de tout tenir propre depuis qu'elle avait quitté l'Autriche. Elle avait nettoyé la maison où sa mère avait élu domicile puis avait tué sa génitrice avant d'effacer méticuleusement toute trace de vie. Tout avait été nettoyé de sorte qu'aux yeux des policiers, personne n'avait vécu là. Pas de traces de pas, pas de poils ou de traces de doigts : la maison était complètement propre. Et la mère de Nine ? Après l'avoir dissoute dans la soude, la meurtrière avait donné les os aux cochons afin que plus rien ne reste de celle qui l'avait transformée en assassin.

Et là, immobile face à une garce qui avait osé pénétrer dans son sanctuaire, Nine se demanda où se trouvaient la porcherie la plus proche. Elle se débrouillerait pour noyer le corps dans la soude mais s'il n'y avait pas de cochons pour manger les os, ça ne fonctionnerait pas... Nine serra les poings et se retint de ne pas se jeter sur la Zinc lorsqu'elle lui débita une excuse bidon et absolument pas crédible. Le système de chauffage faisant du bruit ? N'importe quoi ! L'Académie ne laisserait pas les étudiants être gênés par le bruit du chauffage, ils travailleraient dessus pour limiter les nuisances sonores ! Et puis cette garce qui osait dire qu'elle était entrée pour demander quelque chose à Nine. Le mensonge était tellement gros et mal fait que la brune se demanda si la Zinc n'était pas tout simplement demeurée. Peut-être n'était-elle qu'une espèce de débile profond, récupérée par l'Académie parce que personne ne voulait d'elle ? Elle ne pouvait pas décemment penser que son excuse allait fonctionner, si ? Nine conserva son air choqué :

« C'est quoi cette histoire de chauffage ?! » et elle ajouta, prenant un air convaincu « L'Académie ne laisserait pas les étudiants souffrir de nuisances sonores dues au chauffage ! Tu es sûre d'être de l'Académie ? Et puis la moindre des choses c'est de frapper et d'attendre que quelqu'un réponde avant d'entrer ! »

La petite Nina se rebellait ! Ouuuuh ! Si ça n'avait tenu qu'à Nine, elle aurait égorgé l’intruse sans lui laisser le temps d'ouvrir sa sale bouche mais elle était à l'Académie Weins. Elle ne pouvait tuer personne ici : l'école mettrait tous les moyens possibles et imaginables pour découvrir l'assassin et Nine serait repérée avant d'avoir pu tuer sa soeur. Et elle ne pouvait même pas s'en prendre physiquement à la Zinc sous peine de se retrouver chez Hunter Stanton et elle avait fait tout son possible pour l'éviter jusqu'à maintenant ! L'homme était louche, très louche ! Il avait cet espèce de regard perçant et visiblement un sixième sens lui permettant de voir le vrai chez les gens. Et Nine n'avait pas envie qu'il voit que Nina n'existait pas et que Nine n'avait qu'un seul et unique but dans la vie : tuer H. Ca ne rentrait pas du tout dans ses plans, tout ça ! Ah mais quelle sale garce cette pouffiasse de Zinc ! Elle mettait Nine face à des chemins qu'elle n'avait pas tracé !

« Tu as une belle chambre dis donc ! »

Nine se força à rester sous le masque de Nina et se contenta donc de prendre un air mi-étonné mi-méfiant. Elle ne pouvait pas décemment se permettre de regarder la Zinc comme si elle était face à une demeurée : elle devait jouer le jeu. Face à une situation comme celle-là, Nina perdait tous ses moyens. Nina était une gentille petite brune, niaise et timide. Nine devait donc agir comme telle, et pas comme la folle qu'elle était. Nine prit donc un air suspicieux et dit :

« On a tous la même chambre... Tu es louche. Je vais rapporter ton intrusion aux Platines et à Monsieur Stanton. »

Du bluff. Rien que du bluff. Nine n'irait jamais rapporté quoi que ce soit : ce serait attirer les projecteurs vers elle et elle faisait tout son possible pour rester dans les ténèbres. Mais il fallait trouver un moyen de se débarrasser de la Zinc tout en la dissuadant de retenter quoi que ce soit.

« Comment tu t'appelles ? »

Nine était pratiquement sûre que la fille allait lui sortir un autre nom. Et ce qui la faisait rager dans toute cette histoire, c'est qu'elle aurait l'obligation de faire comme si elle la croyait... Parce que Nina était niaise et c'était épuisant de jouer le jeu lorsqu'on avait une intruse face à soit. Nine allait devoir tuer de nouveau ce soir, restait à savoir si elle réussirait à éviter de laisser ses vêtements pleins de terre traîner. Elle se devait de rester sur la défensive pour être sûre que la Zinc n'avait rien vu. Si elle n'avait rien à cacher, elle se serait simplement énervée et l'aurait foutu dehors. Mais là, elle devait tâter le terrain. Et la patience, ce n'était pas son fort, à Nine..

« Tu es en quelle année ? »

Le plus de renseignements elle pouvait obtenir, le plus de chance elle avait de pouvoir tenir la fille à l'écart...

C’est quoi cette histoire de chauffage ? Eh bah, c’est une histoire de chauffage pardi ! À dormir debout certes mais ça ne change rien au fait que ça reste un récit mettant en scène un système de chauffage et dans le cas présent deux petites psychopathes hypocrites si ressemblantes à un point où nos deux adolescentes ne pourront certainement jamais le constater. Il vaudrait mieux pour le bien de l’humanité qu’un tel événement ne se produise en aucun cas. Vous imaginez ? La brute et l’assassine, une belle paire de boulet pas comique aux mains ensanglantées !

Si on exclut ce qu'on sait de notre point de vue extérieur, Hope trouve la visite fortuite (ce qui est ironique puisque c'est elle l'étrangère indésirable) d'une stupidité qui force le dédain, d'une naïveté qui lui donne de ses envies de lui casser la mâchoire et de la rouer de coups et par-dessus tout... ce petit visage si sûr de ses mots, Wellington ne sait comment l'expliquer à elle-même, lui livre de l'essence bestiale qui affûte ses desseins de prédation primaire enfouis dans ses entrailles puisqu'elle se retrouve à devoir être toute gentillesse. Hélas pour les gens, des failles, elle en a plusieurs bien qu'aucun accident majeur, à l'échelle d'une fille comme la Zinc, ne soit survenu jusqu'à maintenant. S'il y a bien une différence entre Nine et Hope, c'est que l'une est une actrice née alors que la seconde s'affiche dans de minables publicités qui restent pourtant en tête. On pourrait dire que l'une marque les esprits, les émotions, et l'autre l'habitude, la routine.

« - Tu n'étais pas là quand j'ai cogné, il y avait la porte entrouverte donc... »

Hope n'est pas si bête quand elle veut mais avouons-le, ce n'est guère du grand art que de répliquer une chose aussi évidente. Une pincée de lassitude s'empare de la Zinc. La personne que projette son interlocutrice est si conne mais ô désespoir une raclée n'est point possible : vraiment, sa journée a le don de la rendre dépressive et de lui faire croire qu'elle est décidément ramollie, presque faible désormais. Faute aux Platines ! Wellington repense à cette vague pensée et la change mentalement comme si de rien était : faute aux Plombs ! Les Platines, c'est le bien, Gordon est cool et ainsi de suite. Voilà qui est mieux... Louche dit-elle ? Oh elle n'a pas idée d'à quel point elle avait l'allure pas net durant ces folles journées de liberté d'en temps où, si on transposait la situation jusqu'à cette époque perdue, les choses se seraient passés si différemment qu'il y aurait eu des effusions de sang pour tous. Un vainqueur ? Impossible de le savoir à dire vrai et la raison est que tant que le phénomène n'est pas arrivé on ne peut être sûr de rien en qui concerne son issue. Certes, Nine est une tueuse en série d'expérience, ce qui est tout à fait exceptionnel étant donné son jeune âge, mais Hope a eu son lot de batailles également donc s'il n'y a pas un rapport égal entre les deux poings d'acier, car l'une tue et essaie de te battre quand tu es mort, on ne peut dire qu'on ne peut guère les comparer à un certain niveau si on observe leurs ressemblances et le fait qu'elles sont toutes les deux des êtres humains physiquement ; philosophiquement ou moralement, c'est discutable. Au final, toutes les suppositions sur qui aurait dominé l'autre s'il n'y avait pas eu une académie et une armée de robots Platines pour les dresser restent à ce qu'elles sont : rien de plus que des suppositions, des scénarios ou des conjectures. Le hasard fait bien des choses et pour certains c'est la Providence ; en tout cas, il vaut mieux se réjouir qu'aucune d'elle n'use de violence si celles-ci tiendront un minimum à ne pas se retrouver avec de lourdes ennuies ou une vie perdue. Il n'est pas aisé d'affirmer sans le moindre doute quelque chose au conditionnel... La Zinc connaît son excuse :

« - Mais non ! Toi, tu as des jolis trucs en forme d’animaux ! Je les aime bien ! »

Si c’est pour servir ses mensonges, Hope est prête à daigner de s’intéresser aux bêtes en porcelaine. La vérité ? Bah, ça la laisse plutôt indifférente. Ce n’est que des vulgaires animaux pas vivants qui ne peuvent pas gémir : ennuyant. De plus, Wellington est insensible à l’art. Puis, elle pose trop de questions et les traits de la jumelle se crispent. Elle déteste les gens qui posent trop de questions.

« - Je m’appelle Dahlia si tu veux savoir… Je pense que je vais partir, moi, si tu es pour être aussi ronchonne… »

L’avantage d’avoir une jumelle qui nous ressemble comme deux gouttes d’eau. Hope a l’arrogance de poser un pied vers l’avant pour signifier qu’elle est déjà en route pour se casser de ce trou.

« Tu n'étais pas là quand j'ai cogné, il y avait la porte entrouverte donc... »

Nine fronça les sourcils et dévisagea l'intruse avec du mépris plein les yeux :

« Si personne ne répond, on n'entre pas. On ne t'a jamais appris la politesse ou le savoir-vivre ?! »

Même Nine avec ses années de torture et de sévisses savait qu'il ne fallait pas pénétrer dans la chambre de qui que ce soit sans avoir été invité. Et pourtant, Nine ne respectait pas grand chose... Elle n'hésitait pas à tuer des petits animaux comme des humains, elle mentait sans arrêt et passait plus de temps en dehors de la légalité que dedans. Cela dit, même Nine avec son cerveau complètement dérangé savait qu'il ne fallait pas entrer dans une pièce sans y avoir été invité. Elle l'avait appris à ses dépends plusieurs fois et si elle s'en était toujours sortie vainqueur, elle avait plusieurs fois failli y passer. Le temps aidant, elle avait fini par ajouter à ses habitudes de vie celle de ne pas entrer dans une chambre sans y être invité. Le reste de la maison ne comptant pas pareil, évidemment. Et puis forcément, si le but était de cambrioler, elle ne demandait pas la permission. Mais Nine ne cambriolait pas. Elle ne l'avait fait qu'une seule fois et n'avait pas spécialement envie de le refaire. Elle n'avait rien ressenti pendant ce laps de temps et fouiller chez des inconnus n'avait pas fait exploser son adrénaline ou sa culpabilité. Elle avait pris ce dont elle avait besoin et elle était partie sans rien casser. Nine était beaucoup de choses mais une cambrioleuse, sûrement pas. C'était trop plat, trop ennuyant. Mais l'intruse qui se trouvait devant elle devait aimer ce genre de situation sinon elle n'aurait pas eu le culot de pénétrer dans la chambre de Nine. Cette sale petite garce devait s'imaginer hors de danger avec ses mensonges tellement bidons que même une Platine niaise comme Cookie n'y aurait pas cru. C'était faux, complètement faux. Tout ce qui sortait de sa bouche sonnait faux. Une avalanche de merde, voilà tout.
Et puis l'intruse se mit à montrer du doigt les petits animaux en porcelaine. Nine dut se retenir de ne pas se jeter sur elle pour lui fracasser la tête contre le meuble. Sale petite garce... Nine se contenta d'un petit sourire mi-contente mi-méfiante tout en faisant une croix sur le chat en porcelaine. En voilà un qui finirait fracassé au sol après cette rencontre désagréable. Cette connasse commençait sérieusement à lui porter sur le système et si elle en avait gros sur la patate, la brune continuait de jouer le jeu à la perfection... Nine avait de plus en plus de mal à restreindre ses envies de meurtres et pourtant l'intruse continuait de l'ouvrir. Comme si elle pensait réellement réussir à faire gober ses mensonges. Qui allait la croire ? Même elle ne semblait pas convaincue par ce qu'elle disait ! Et puis le simple fait qu'elle soit dans une chambre sans être invitée montrait bien qu'elle n'était pas fréquentable. Nine ne l'était pas plus mais elle au moins respectait l'intimité, dans la limite du possible. Nine n'avait aucune idée de ce que l'intruse avait cherché en entrant dans la pièce mais elle se doutait bien que c'était par pur égoïsme. Elle n'était pas entrée pour chercher des informations sur Nine, elle était là pour son propre plaisir. Nine n'avait rien à craindre d'elle : ce n'était qu'une idiote. Une espèce de crétine incapable de contenir ses pulsions. Et incapable de se contenir tout court, visiblement... L'intruse se crispa après que Nine lui ait demandé son identité et son année. Visiblement elle n'aimait pas être interrompue et encore moins questionnée. Mais si elle s'attendait à ce que la tueuse la respecte, elle allait être déçue. Nine ne respectait personne, ou presque, et cette moins que rien n'entrait pas dans sa liste d'exceptions confirmant la règle. Cette bouffonne ne servait à rien et finirait par mourir, que ce soit par le biais de Nine ou de quelqu'un d'autre. Une espèce de sale petite tache comme ça, qui se permettait d'entrer chez les gens et de leur mentir en pleine face, elle ne ferait pas long feu à Weins. Et Nine comptait bien faire quelque chose pour l'empêcher de revenir. Si elle la croisait de nouveau, elle lui referait le portrait. Ou plutôt elle irait se plaindre auprès de Platines afin qu'ils s'occupent d'elle. Nine la gentille, elle, n'irait pas lui exploser la tronche, allons...

« Je m’appelle Dahlia si tu veux savoir… Je pense que je vais partir, moi, si tu es pour être aussi ronchonne… »

Dahlia, hum ? Nine n'y croyait pas. L'intruse avait usé de trop de mensonges pour qu'elle lui offre son prénom sur un plateau d'argent. Nine fit semblant d'accepter la nouvelle mais elle mit un point d'interrogation interne à côté du prénom. Dahlia. Ça ne collait pas. Elle avait plus une tronche à s’appeler Daisy ou Grace mais bon... Les parents pouvaient être de parfaits abrutis et ça Nine s'y connaissait suffisamment pour pouvoir l'affirmer. Cela dit, elle vérifierait les informations concernant cette intruse. Quelqu'un capable d'entrer dans une chambre pour voler ou pour espionner, la tueuse n'allait pas la laisser s'en tirer à si bon compte. Elle avait brisé l'intimité de son sanctuaire et elle allait le payer le prix fort.

« N'importe qui serait d'humeur ''ronchonne'' face à une intruse comme toi. Je vais te demander de quitter ma chambre. Ou plutôt... » Nine fit tomber très légèrement le masque et son regard tint plus de Nine que de Nina lorsqu'elle conclut « Je ne vais pas te le demander. Tu dégages, maintenant. Et je te jure que si je te revois dans le coin, tu le regretteras... »

Nine ne pouvait pas être complétement crédible puisqu'elle ne pouvait pas faire tomber le masque complètement mais elle avait laissé apparaître suffisamment de Nine pour être prise au sérieux. Son regard était noir et n'avait plus rien à voir avec celui qu'elle avait laissé apparaître pendant toute la conversation. Nine n'avait pas peur de laisser apparaître un bout de sa véritable identité car elle était en son droit. Si jamais l'intruse cherchait de son côté, Nine la tuerait. Et si jamais elle cherchait à la faire chanter ou à raconter à d'autre ce qu'elle avait « vu » ou « ressenti », Nine pourrait elle aussi passer à l'action. Après tout qui irait croire les propos d'une sale garce pénétrant sans invitation dans une chambre vide ? Personne. Alors que tout le monde croirait les affirmations de la pauvre petite Nina craquant parce qu'on a voulu la voler. La partie de Nine était peut-être trop discrète pour faire de la menace quelque chose de vraiment effrayant mais il flottait dans l'air la certitude qu'elle mettrait ses menaces en chantier. Peut-être que cela tenait au fait qu'elle regardait Hope comme si elle avait regardé ses animaux en porcelaine : avec un mépris chargé d'une haine perturbante. Hope pouvait ne pas avoir peur, mais elle aurait été bien stupide de ne pas se méfier. Nine avait plus d'un tour dans son sac et si l'intruse pouvait en avoir également, il faudrait voir qui avait le plus d'alliés dans l'Académie et pour le coup, Nine était en tête... A voir comment les choses évolueraient, évidemment, mais une rencontre entre Nine et Hope n'était pas à prévoir de sitôt. Pour le bien-être de l'Académie tout entière...

Hope est plus contente que fâchée qu’on lui dise de dégager de la chambre. Des menaces, elle s’en fiche éperdument et du regard un tantinet plus agressif, léger changement notable étant donné le rôle de conne qu’on lui a montré, elle n’en pense absolument rien. Sur le coup d’une joie soudaine de pouvoir enfin partir et de ne plus avoir à réfréner l’envie de lui casser le crâne (l’avoir fait lui aurait procuré un bonheur plus immense mais c’est la crise voyez-vous). Comme dit précédemment, les menaces ne changent en rien son état. Elle est indifférente mais près de la frontière de la moquerie pure et simple. Mais oui mais oui, je le regretterai, comme d’habitude, pense-t-elle furtivement sans développer plus que ça. Wellington avance, sort en faisant gaffe à ne pas la toucher car il serait trop tentant de lui donner une raclée. Comme quoi il y a des gens qui peuvent être violents en colère, heureux, triste ou n’importe quand : la Zinc en fait partie. Un rictus paradoxalement non forcé se dessine méchamment sur son visage mais ça, l’autre brune ne peut le voir : elle est dos à elle et la Zinc n’a pas l’arrogance, à l’instant, de se retourner pour envoyer un de ces messages non-verbaux plein de sens comme on en voit dans les films. Hors, on n’est pas dans une œuvre cinématographique et la Zinc est relativement concentrée à se remémorer ce qu’elle faisait au pensionnat…

Cette imbécile cogite encore et c'est à se demander comment elle fait pour s'en sortir dans la vie de tous les jours avec une telle mémoire de poisson rouge. Attends, elle était en quel cours déjà ? Elle fouille dans ses affaires, dans sa chambre, devient inattentive à chaque petite chose plus intéressante qu'un travail scolaire de groupe (donc tout ce qui peut exister sur terre, en gros). Attends. Si rien sur terre ne peut être plus ennuyeux que ce travail, alors pourquoi est-elle partie le chercher ? Bonne question ? Peut-être est-ce une chose extraterrestre, d'où le côté saugrenu de la situation. Cela expliquerait bien des choses. Seulement, Hope n'est pas sous l'emprise de substances illégales alors cette théorie est vite abandonnée et elle se dit que ça doit être pour ça qu'elle a oublié son foutu projet dans sa chambre. Alors, une idée de génie vient à l'esprit de Wellington. Elle cherche à un endroit stratégique, soit le bureau, où un bordel sans nom semble s'y être installé telle une mauvaise herbe et qui persiste avec l'obstination d'un Platine. Oh, Hope pourrait bien s'en occuper mais elle est trop feignasse pour le faire. Comme les indifférents des États-Unis devant le régime de Gordon. Ainsi, notre académicienne comprit le sens de la vie durant un moment et l'oublia aussi vite alors qu'elle trouva son projet de… science ! Enfin, surement qu'elle est à une discipline particulière mais elle l'a oubliée. De toute façon, physique, chimie, mécanique et électricité, c'est du pareil au même, non ? Le document volumineux est entre ses mains. Puis, la jeune femme est à deux doigts de faire un rire machiavélique pour fêter sa réussite, ensuite elle se dit que c'est con, pour finalement se dire qu'elle est seule de toute façon et la voilà qui projette un rire mauvais pour la forme. C'était une journée ordinaire dans la vie de Hope Wellington…