Rien de marquant, rien à souligner dans le livre de sa vie vous glissera-t-elle de sa voix légère, sur ce sourire écarlate. Fille unique, parents ordinaires et une jolie maison en pleine campagne de son Irlande natale. Lui est toujours professeur de Latin, elle est toujours fleuriste aujourd'hui. Les Harper étaient des gens bien simples, de bons voisins ravis de vivre cette petite vie paisible et fiers de leur fille adorée. Elle a toujours été belle, elle a toujours fait tourner les têtes et s'en amusait. Gamine ou ado, elle savait bien qu'à papillonner des yeux, innocente même les mains pleines on lui passerait ses bêtises et puis, elles étaient rares aussi. Ils n'avaient pas à s'en plaindre, à peine besoin de la sermonner parce qu'elle comprenait vite et qu'elle ne voulait pas être une vulgaire bimbo de plus. Le rôle de la superficielle adulée pour avoir craché sur les autres ? Très peu pour elle et pourtant, Elizabeth traversa ses classes en étant LA personne à connaître. Non pas pour accéder à une autre réputation sulfureuse et légère mais bel et bien pour figurer parmi les "intouchables" ; ces filles qu'on désire, qu'on espère... mais qu'on ne caressera jamais que du regard.

Mais mademoiselle devient femme, mademoiselle voit grand et mademoiselle bien qu'elle aime ses parents, quitte l'Irlande à tout juste vingt ans. Elle a, par chance, un oncle implanté de longue date à New York et qui n'est pas désenchanté à l'idée de l'héberger bien au contraire. Lui dirige un lounge bar en plein quartier ouest et du beau monde il en voit tout les jours. Sa nièce sera loin de faire tâche, régulièrement présente dans l'établissement lorsqu'elle ne travaille pas ses cours. Et elle comprend bien vite, la belle Elizabeth que pour obtenir le pouvoir il faut savoir. Ils lui parlent tous, de tout et de rien, ils se confessent après trois bouteilles descendues en bonne compagnie. Dominatrice mademoiselle ? Avouons un peu au moins, car elle n'a pas plus grand plaisir que celui-ci : tenir les hommes, tenir les puissants d'une façon ou d'une autre.

En plus de dix ans, on ne dira pas que la belle brune n'a pas vu la ville changer et les gens avec. Les riches ont peur pour leur argent, comme d'habitude. Les flics perdent peu à peu toutes leurs couleurs à force de ramasser les cadavres laissés par les ennemis publiques, ça en fait un paquet maintenant il faut dire. Et les gens tâchent de parler le moins possible lorsqu'il s'agit de politique... ça, c'est un peu moins drôle puisque c'est bien là le nerf de toute cette petite gueguerre Américaine, savoir qui vote quoi. Et mademoiselle aime trop entrer dans les petits secrets des autres, elle ne va pas y renoncer. Mais alors quoi ? Si l'alcool et les charmes d'une belle femme ne font plus parler que reste-t-il ?  
 
Elle n'a pas mis longtemps à y penser lorsque Veronika Baker a remporté les élections municipales haut la main. Oh bien sûr la Dame affichait clairement son inclinaison côté Gordon mais c'était très bien ainsi, c'était ce que la majorité attendait. Elizabeth postulera au rang de secrétaire principale après que Veronika en ait renvoyé pas moins de cinq en quelques mois à peine. Et si elle semble légère, s'il émane de l'Irlandaise ces charmes venimeux elle n'en reste pas moins cette femme élégante qui ne se vend pas, qu'on attendra toujours, cette main de fer dans un gant de velours... un peu comme sa nouvelle patronne n'est-il pas ?
Oh si, et elles s'entendent très bien ces deux là. Nulle tricherie entre elles, aucun faux semblant elles n'en ont pas besoin. Avec ce poste privilégié Elizabeth a un oeil sur tout le gratin de New York et ses oreilles n'en ont jamais autant entendu puisqu'elle accompagne la mairesse dans pratiquement toutes ses sorties officielles. Et bien sûr, elle n'est pas sans rapporter les secrets à qui de droit, pour le bien de cette ville devenue ni plus ni moins qu'un terrain de jeu pour elle. Ajoutons que la belle n'est pas sans faire acheter son silence afin de s'assurer un certain train de vie, car elle aime les belles choses et ne voit aucun mal à cela. De fait, elle n'a pas de remords à faire chanter autrui pour accepter de se taire elle même. Joueuse, dominante allergique à la défaite Elizabeth n'a pas pour autant un mauvais fond. S'il lui est arrivé de croiser quelques mafieux, de passer une soirée au bar de son oncle en compagnie d'hommes pas si bien pensants la jeune femme ne tient cependant pas à passer la ligne. Sa fierté, d'une certaine façon, est d'incarner une image d'excellence, toujours irréprochable jamais jamais faible. Puis elle tient trop à l'aspect tranquille de sa petite vie pour vouloir en changer en frayant avec les méchants. Pas que le danger ne l'ait jamais attiré mais si quelques ruelles sombres, quelques bars sordides lui ont appris des choses... elle n'ira pas les répéter ou s'en servir de celles là. Oh non alors ! Certainement pas. Elle tient à la vie, elle.