Rafael s'était levé d'excellente humeur. Aujourd'hui il ne neigeait pas. Il pouvait aller dehors sans risquer d'être trempé ou de glisser sur le verglas. Cela le changerait de la salle de sport après tout. Il enfila rapidement des vetêments et sortit pour courir, un bonnet sur ses oreilles et des gants dans sa proche. Il se réchauffa rapidement en se mettant à courir dans le parl. New York en hiver était vraiment une ville magnifique et il l'adorait. Courir seul n'avait rien de franchement exceptionnel mais au moins cela lui permettait de respirer un peu d'air frais et plein de verdure. Il en fit le tour en réfléchissant. Le soir il irait travailler, continuant le cours de sa vie à servir Gordon du mieux qu'il pouvait. Même s'il ne le faisait pas encore vraiment, il pouvait tenter de rentrer lui tard à son service.

Il faillit trébucher près de la fontaine et se rattrapa de justesse en battant des bras. Il espérait que personne ne l'ait vu et prit son temps pour boire un peu d'eau et reprendre son souffle. Il n'était pas encore une machine, il ne pouvait pas courir des heures durant sans exploser ses poumons malgré sa bonne condition physique. Il releva la tête et observa en souriant un enfant jouer avec un bateau en papier. Il riait, de cet air innocent qu'ont les enfants. L'instant d'après, l'homme plia une feuille et lui envoya un avion. Rafael le détailla lui, cet grand enfant aux allures d'adultes. Et il le reconnut. "Monsieur Thorn !" Son professeur à l'Académie Weins, son professeur de physique. Ravi d'une tel rencontre, Rafael s'approcha de lui avec un sourire sincère figé sur son visage rouge et transpirant. "Monsieur Thron ... vous vous souvenez, Rafael Sumers ? J'ai été votre élève ! Sans vouloir me vanter j'étais un excellent élève !" Il rit doucement. C'était vrai, il avait des notes excellentes, dans sa matière comme dans les autres.

Il tendit une main vers lui. Maintenant il n'était plus un étudiant, mais un homme totalement accompli, qui avait réussi son cursus et qui s'élançait dans la vie adulte avec une énorme volonté de servir Gordon. Il aurait bien aimé retourné à l'école, pour apporter son témoignage. Mais peut être que ce professeur le ferait pour lui. "Comment allez vous monsieur ? Comment se portent vos élèves et l'Académie ?" Il s'assit sur le rebord de la fontaine pour reposer ses jambes. Après tout cet amusement avec les enfants, cet air innocent sur le visage était typique de son professeur. Il se souvenait d'un homme qui adorait son métier, qui prenait beaucoup de plaisir à l'exercer et qui cherchait à rendre ses cours les plus attractifs possibles. Il se souvenait des expériences auxquelles les élèves se livraient, lui compris pendant les laboratoires. Machinalement il remit ses cheveux en place sous le bonnet. Il faisait froid maintenant qu'il s'était arrêté de courir. Il remarqua que son professeur était lui aussi en tenue de sport. Peut être pourrait-ils poursuivre leur course ensemble.

 Rafaël était certes encore une jeune pousse qui devait se solidifier. Du moins face à son ancien professeur, il se sentait ainsi. Comme s'il était encore un étudiant de l'Académie. Il n'avait encore rien accompli dont il puisse se vanter auprès de lui, même si ses bonnes notes et son bon comportement en cours lui avaient permis d'avoir son poste actuel. Il continuait le cours de sa petite vie et il essayait d'en faire quelque chose mais face à Thomas qui avait déjà une bonne situation, il se sentait presque misérable, voir minuscule. Mais il ne devait pas le montrer, il devait rester souriant, optimiste. Tout vient à point à celui qui sait attendre. Un jour il servirait la noble cause de Gordon, un jour il pourrait montrer toutes ses qualités pour montrer à toute la civilisation humaine que leur président était le meilleur, quoi qu'il fasse.

Mais en attendant il n'était plus qu'un petit étudiant d'un niveau encore bien en dessous du professeur qui est Thomas. Rafaël avait appris à respecter ses aînés et donc ses professeurs. Qu'il lui demande de l'appeler par son prénom le bloqua légèrement mais il hocha la tête. "Très bien, alors Thomas. Ca fait bizarre vous savez, je me vois encore comme votre élève ! Il n'y a pas si longtemps je l'étais encore !" Il s'était assis mais il préféra se relever vite. Il ne voulait pas que son corps se refroidisse trop et la fontaine allait glacer son corps. Ce n'était pas bon pour la course qu'il comptait bien finir. Avec ce temps, il allait peut être recommencer à neiger dans l'heure. Quoi que, cela ne lui déplairait pas, courir sous la neige allait surement être plaisant. Il faudra qu'il essaie.

Il ne put s'empêcher de sourire, puis de grimacer en repensant à la soirée à la mairie. Il y avait certes revu Harmony mais il avait aussi eu la malchance de rencontrer un certain Win et son visage de jeune adolescent lui était un souvenir déplaisant. "Hum oui j'y étais. Mais je ne me suis pas mêlé à la foule, j'ai croisé des camarades de l'Académie à qui j'ai été heureux de parler. Et avant que je ne me rende compte la soirée était terminée, les personnalités étaient parties. Je me suis senti bête de ne pas avoir pu dire quelque mots à madame le maire. Est ce que vous avez eu cette chance de la croiser ?" Le froid le força à sautiller sur lui, même à courir sur place pour ne pas se transformer en bonhomme de neige. Il avisa plus loin des enfants totalement innocents qui riaient en se lançant des boules de neige, presque de glace. Il souffla dans ses mains. "Quel temps ... C'est rare qu'il fasse aussi froid en décembre."

Son ancien professeur l'imita en se mettant lui aussi en mouvement sur lui même. Il hocha la tête quand il lui proposa de courir. "Oui bonne idée. Si vous le souhaitez nous pouvons courir lentement pour continuer à parler ? C'est bon pour les poumons." Il reprit avec Thomas une petite foulée, pour se remettre en jambe et pour pouvoir continuer leur conversation. Et puis il songea à ce Win, une fois de plus, qui était lui aussi à l'Académie. Avoir des renseignements sur lui serait sans doute une bonne chose. Il pourrait profiter de Thomas pour savoir des choses sur Win pour ainsi les redire à Harmony, en exagérant. Malgré lui il sourit.

"Dites moi, mon ... Thomas. Est ce que vous connaissez un certain Winthrop Denver ? Il fréquente une très bonne amie à moi voyez vous, et ... j'aimerai savoir s'il ne risque pas de lui donner de mauvaise idée. Elle est très influençable et je m'inquiète de la savoir en de mauvaise compagnie."

 Le sport permettait à Rafaël de rester frais et cela entretenait son corps et ses muscles. Malgré toute la technique qu'il pouvait apprendre, il avait besoin de force et de vigueur pour ce qu'il prévoyait de faire. Protéger Gordon ce n'est pas pour n'importe quel idiot faisant un peu de gonflette. Il devait être fort à l'intérieur et à l'extérieur. Si l'extérieur ne posait pas trop de problème, être fort en lui devait surement consister à faire confiance à Harmony. Or il ne pouvait pas. Il se sentait comme obligé de la surveiller, de la protéger. Il avait peur que quelque chose lui arrive. En permanence. Elle pouvait tomber dans les escaliers ou dire un mot de trop à quelqu'un. Et ça serait terminé pour elle. Il ne supporterait pas. Même s'il devait surveiller toutes ses fréquentations il le ferait. On ne savait jamais sur qui elle pouvait tomber.

Et puis si un jour il pouvait être comme son professeur, cela serait encore mieux. Il avait toujours vu ses instituteurs comme des modèles de perfections, une perfection qu'il ne pourrait jamais atteindre. En grandissant puis en vieillissant il s'était rendu compte que ce n'était pas le cas : cette perfection était atteignable. Il pouvait devenir aussi parfait que ses professeurs et même plus encore. Et cela pouvait se faire maintenant. Il était un beau jeune homme, superbe, pleinement épanoui, avec des objectifs à atteindre et il s'en donnait les moyens. Oui la vie de Rafaël était parfaite en tout points de vue. A part peut être la présence de ce Plomb aux cotés d'Harmony. Mais il était un Plomb, donc cela pouvait facilement se résoudre. Sauf si elle s'y attachait. Et là il ne saurait que faire.

Mais Rafaël savait se battre pour atteindre ses objectifs. Il savait ce qu'il voulait et il cherchait par tous les moyens à avoir ce qu'il veut. Il fit donc son plus joli sourire à Thomas. "Je vous l'ai dit, il fréquente une très bonne amie à moi. Or elle est facilement manipulable. Je ne voudrai pas qu'il puisse lui attirer des problèmes. Parlez moi de lui, est-il quelqu'un de bien ? C'est un étudiant m'avez vous dit donc j'ai peut être des raisons de m'inquiéter." Il disait cela comme si lui même n'avait jamais été étudiant avant, comme s'il avait toujours été parfait. Il se rendit compte de ses paroles et se mordit la lèvre avant de rectifier. "Je m'inquiète voilà tout. Je prends soin de mes amis Thomas. Et c'est une amie très importante."

Il lui demanda ce qu'il devenait. Il soufflait. Comme s'il semblait en difficulté. Rafaël se força à ralentir même si cela ne lui plaisait pas. Il ne voulait pas que son professeur se rende malade à vouloir le suivre. Encore un bon exemple de la bonne santé de Rafaël : il pouvait parler en courant sans devoir cracher ses poumons. Il inspira longuement. "Je travaille. Je suis en formation pour être garde du corps personnel. J'aime protéger les gens, surtout s'ils en ont besoin. Enfin, ce n'est pas un travail de super héros non plus ! Il faut simplement être à l'écoute et veiller à ce qu'ils soient en sécurité. Mon rêve serait d'être aux cotés de notre président par exemple. Cela me remplirait d'honneur que de servir ma patrie." Lui ou un autre cela importait peu. Protéger les gens lui semblait un devoir, pas un honneur.

"Et vous Thomas ? Eduquer les étudiants de Weins, est-ce gratifiant ? Vous n'avez pas envie de vous élever, d'enseigner à ceux qui le veulent ? La physique chimie en plus ... vous avez du faire des études difficiles."

Non Rafaël n'avait jamais été et ne serait jamais un penseur, quelqu'un qui passe sa vie à réfléchir derrière des cahiers pour trouver la bonne réponse. Il n'était qu'un fonceur qui analysait les actions des gens pour pouvoir ensuite agir de la meilleure façon qui soit. Cela lui avait réussi à l'Académie. Il était sorti grandi de cette école, il avait réussi ses objectifs. Il y avait gagné des amis sincères et des conseils précieux, comme ceux de ses professeurs. Mais jamais il n'aurait pu finir comme Thomas, à passer des années sur les bancs de l'école, à réfléchir, à penser sans jamais agir. C'était aussi pour ça que son travail actuel lui convenait. Rafaël, l'homme d'action. Il avait appris beaucoup lors de ses études, mais maintenant qu'il était dans la vie active, il se sentait encore mieux.

Rafaël avait choisi son destin. Il avait pleinement fait le choix de ce qu'il faisait. Il n'avait été forcé en rien. A part quand il avait rejoint l'Académie. Mais ce choix contre son gré était pour son bien et aujourd'hui il ne le regrettait en rien. Il se sentait pleinement épanoui grâce à son travail mais aussi à ses années d'études qu'il avait passé en tant que Zinc, puis Platine. Il était devenu quelqu'un de parfait grâce aux enseignements qu'on lui avait apporté et également grâce à Gordon et il lui en rendait grâce chaque jour. Il pourrait le remercier encore des années durement. Certes, il avait encore beaucoup de choses à apprendre pour être la perfection incarnée et pouvoir réaliser tous ses rêves, mais il en prenait le chemin. Grâce à l'Académie, à ses professeurs et à Gordon.

Il s'arrêta de courir un instant et tendit les bras en direction de ses pieds. Il commençait à fatiguer. Parler en courant lui devenait difficile et il ne voulait pas finir essouflé. Malgré sa jeunesse et sa fougue, il avait encore des progrès à faire. C'était pour cela qu'il enregistrait bien sagement toutes les paroles de Thomas. Il écoutait son langage sensé et ses paroles pleines de sagesse. Il étira ses bras.

"Vous avez raison, le plus important est de faire ce que l'on aime. Apprendre aux autres cela doit être enrichissant aussi. Peut être que je devrais retourner à l'Académie quelques temps pour faire partager mes expériences aux autres." Et surveiller ... voir Win. En toute amitié. "C'est aussi pour ça que je suis pleinement satisfait de ma vie : elle est exactement comme je l'imaginais quand j'étais à l'Académie. Ca doit être le cas pour vous aussi ? Vous enseignez si bien."

Il se remit doucement à courir, sur un rythme moins soutenu. Sportif certes mais pas fou, il devait se préserver. Thomas lui demanda s'il se plaisait dans sa vie de citoyen et le sourire de Rafaël s'agrandit encore plus.

"Parfaitement bien. Les premières semaines ont été un peu difficiles, je n'étais pas habitué à tout gérer moi même. Mais après un temps d'adaptation ça va beaucoup mieux. Je me sens super bien, vraiment. J'ai un petit studio, je fais ce que je veux et en même temps je travaille. Vraiment je suis très heureux. Mais des fois quand même, je me sens un peu seul, c'est bizarre de passer d'un dortoir à la solitude."

Un pied devant l'autre, encore, toujours. Rafaël avait couru dans sa vie pour en arriver là où il était et il en était fier. Il était content de lui. A la limite de l'orgueil. Il allait bien. Il pouvait aider et protéger les autres. "Je vous retourne la question monsieur. Sans indiscrétion bien sur, tout va bien dans votre vie de citoyen new yorkais ?"