Qu'est-ce qu'il allait bien pouvoir dire, hein ? C'était la première fois que Samson était en charge d'une enquête sur un crime comme celui du jeune Winson. Généralement on le chargeait des enquêtes banales, de routines comme celles des viols, des vols et des drogués. Mais jamais, Ô grand jamais, on ne l'avait chargé d'une enquête aussi importante ! Enfin quoi, merde ! Il n'était qu'un policier, pas un enquêteur qualifié ! Remarque, peut être que c'était justement parce qu'il n'était pas qualifié qu'on le mettait sur cette enquête ? Ses supérieurs avaient-ils vraiment envie que l'enquête soit éclaircie ? Après tout il y avait plusieurs enquêteurs beaucoup plus qualifiés que Samson dans le commissariat ! C'était sur la demande des parents de Jonathan Winson que l'enquête avait été ouverte. Mais pourquoi avait-on accepté cette demande alors que tant d'autres parents demandaient une enquête sur la disparition de leurs enfants sans être exhaussés ? Et puisqu'on l'avait accepté, pourquoi ne mettait-on pas des personnes qualifiées sur l'affaire ? Samson n'était qualifié qu'en mattage d'arrière-train féminin et en blagues nulles alors pourquoi le mettait-on sur une affaire qui paraissait aussi importante ? Ses supérieurs ne voulaient pas qu'on trouve le coupable ? Si oui, était-il dans les proches du gouvernement ou faisait-il partit de cette Police Secrète dont on chuchotait l'existence dans le commissariat ?

- « Tristan Gallagher, dans la salle tout de suite. »

Si ses supérieurs ne voulaient pas que l'enquête avance, Samson pouvait tout à fait se la couler douce et ne rien foutre. Mais peut être qu'il se trompait sur l'avis de ses supérieurs et en plus, il avait un curieux pressentiment... C'était un peu comme un fourmillement dans les mains : il sentait que cette affaire de meurtre cachait plus de chose que ce que voulait faire croire les journaux.
La porte s'ouvrit et deux policiers firent entrer un grand brun à l'air effrayé. Les policiers le firent s'asseoir sur une chaise, en face de Samson. La pièce était vraiment glauque et Samson ne préférait pas essayer de découvrir d'où provenait le sang séché sur les murs. Mais remarque cette atmosphère pesante avait ses avantages puisque le fameux Tristan semblait encore moins à l'aise. La salle était plutôt petite avec des murs d'un blanc que le temps avait vieilli et sali, sur le sol le carrelage semblait avoir des années et à certains endroits des petites tâches brunes comme sur les murs semblaient n'avoir pas voulu partir au lavage.

- « Sachez tout d'abord que mentir serait stupide dans votre situation et que si j'ai des doutes quant à vos réponses, j'ai parfaitement le droit de vous coffrer pour meurtre et en profiter pour vous faire passer au rayons-anti-mensonges. »

Au centre de la pièce, une table créait une sorte de barrière entre Tristan et Samson. Sur la table, il y avait un espèce de petit engin connu seulement de la police qui servait à interroger les gens sans qu'ils ne s'en rendent compte. Pour Tristan, l'objet devait ressembler à un petit objet de décoration mais il ne pouvait absolument pas se douter que cet objet enregistrait ses moindre faits et gestes depuis qu'il s'était assis. Aucun élève d'ailleurs ni aucune personne étrangère au service du commissariat pouvait savoir ce qu'était cette petite boîte noire avec de jolis petits traits de différentes couleurs. En fait les traits de couleurs étaient de minuscules caméras qui enregistraient le comportement de l'individu sans montrer leurs présences. Le cube noir ne ressemblait à rien d'autre qu'à un objet de décoration et personne ne serait capable de voir les micros-caméra et les micros miniatures cachés dedans. Il aurait fallu avoir un oeil capable de voir à travers les objets et ça, il n'y en avait que dans les films !

- « Où étiez-vous la nuit du 24 Octobre ? »

Une fois que le jeune eut répondu, Samson écrivit quelques mots sur la feuille qu'il avait devant lui.

- « Quelqu'un peut le confirmer ? »

Alors que Tristan pénétra dans la salle d’interrogatoire, la salle se chargea perceptiblement d’électricité. La tension qui émanait de cette pièce était pesante et déstabilisante. Pourquoi est-il là déjà ? Pour ce banal meurtre ? Il y avait déjà eu tant de meurtres dans cette ville, pourquoi en faire toute histoire aujourd'hui ? Pourquoi s’évertuer à trouver un assassin alors qu'il y en a des centaines dans la ville, ce n'est pas une arrestation qui changera la donne et le destin de cette ville. Non, elle était misérablement vouée à plonger dans un sombre cauchemar avec ce foutu gouvernement, ces incapables. Qui maintenait l'ordre aujourd'hui ? Cet espèce de policier avec ces allures de cow-boy ? Probablement pas. Il passait certainement le plus clair de son temps à mater les filles plutôt qu'à travailler. D'ailleurs, l'interrogatoire avec l'autre brune sulfureuse qu'il avait bousculé tout à l'heure risquait d'être intéressant, Tristan était sûr qu'elle n'hésiterait pas à user de ces charmes, et il est fort à parier que le beau policier n'en serait que tout retourné.
Quoi qu'il en soit, en ce moment même c'était lui qui était devant le policier, et c'était lui qui devait user de ces charmes – quels charmes ?! - pour se sortir de cette merde. Oui il était dans la merde, et dans une grosse. Il avait envie de s'enfuir, de courir sans se retourner. Pourquoi avait-il atterri dans cette Académie à la noix déjà? Ah oui, pour 'apprendre à contrôler sa violence' comme dirait l'autre. Tu parles, depuis qu'il était ici Tristan n'avait eu que des problèmes. Des bagarres à tout va, des histoires de drogues, du sang sur les mains...Il n'allait pas sortir indemne de cette nouvelle histoire, il le savait. S'il ne se faisait pas coffrer pour ce meurtre, il se ferait embarquer pour autre chose, ce policier et son regard de con trouverait forcement quelque chose. Rien qu'à voir sa manière de commencer l'interrogatoire, ca allait être corsé...

- « Sachez tout d'abord que mentir serait stupide dans votre situation et que si j'ai des doutes quant à vos réponses, j'ai parfaitement le droit de vous coffrer pour meurtre et en profiter pour vous faire passer au rayons-anti-mensonges. »

C'était exactement ce à quoi Tristan s'attendait, à de l'intimidation pure et dure. Il le menaçait de le coffrer pour meurtre ? Oh ben ça serait pas la première fois... Il voulait le passer au rayons-anti-mensonges ? Oh ben ça serait pas la première fois non plus, il avait fini par apprendre à être plus fort que la machine et à contrôler ces émotions quand il le fallait. Pour l'instant, il perdait juste un peu pieds, mais il avait besoin de se montrer sûr de lui, de répondre efficacement aux questions et ce, sans la moindre trace de doute ou de peur dans sa voix.

- « Où étiez-vous la nuit du 24 Octobre ? »
- « Le 24 ? C'était un vendredi me semble-t-il. J'étais passé voir ma mère adoptive, Miss Gallagher. Elle habite en centre ville. C'est un de nos petits rituels depuis je suis à l'Académie, je passe la voir tout les vendredi soir, on mange ensemble puis je rejoins mon dortoir à Weins. Je suis parti plus tôt ce soir là car on s'est engueulés... Pour une broutille comme d'habitude, rien de grave, et je suis rentré directement à l'Académie. »

Il avait essayé de raconter les faits avec aplomb et sureté dans la voix, mais n'était pas vraiment certain d'y être arrivé. Ce vieux schnock de policier était déstabilisant. Il avait omis volontairement quelques passages, comme celui où il se retrouve à dizaine de mètres d'une bagarre, pas besoin de s'enfoncer un peu plus. Il avait déjà bien assez à se reprocher.

- « Quelqu'un peut le confirmer ? »

Évidemment que Miss Gallagher pouvait le confirmer, elle voulait que son fils adoptif se remette dans le droit chemin, elle ne le laisserai pas aller en prison, qu'importe ce qu'il ai pu se passer cette nuit là.

- « Vous pouvez aller interroger Miss Gallagher, elle vous confirmera que j'étais avec elle ce soir là. »

Tristan avait tout fait pour paraître convaincant lors des premières questions, mais il était tendu et n'était pas sur d'avoir réussi à tout faire gober à l'autre abruti de flic. Enfin bon, ce flic aussi ne paraissait pas très à l'aise, il était probablement tellement nul que c'était la première fois qu'on lui confiait une telle enquête. S'il savait ! Il ne trouvera jamais le coupable, alors bon courage à lui ! Va falloir qu'il s'accroche s'il ne veut pas finir par s'arracher les cheveux avec tous les menteurs professionnels qui traînent dans l'académie, et Dieu sait qu'on ne les compte pas sur deux mains les menteurs dans l’académie.

- « N'essayez pas de me faire croire que vous êtes rentré directement à l'Académie après votre dispute avec votre mère adoptive. Où êtes-vous allé après être sortit de chez Miss Gallagher ? Je veux des lieux précis, pas des endroits approximatifs ! »

Des lieux précis ? Ce mec pensait vraiment que Tristan allait dire la vérité et balancer qu'il était passé près du lieu où on avait retrouvé le corps ? Manquerait plus que ça, qu'il se mette à dire la vérité, ce policier bidon croyait vraiment avoir débarqué dans un monde de bisounours... Pauvre de lui. Les autorités devaient penser que l'enquête n'aboutirait pas, surtout dans une ville comme celle là, du coup ils ont collé leur agent le plus nul, histoire de pas gâcher le potentiel des meilleurs dans une affaire comme celle là... Gouvernement de merde, comme d'habitude. Et dire que Tristan avait encore assez de foi pour croire que cette ville pourrait changer, il se mettait le doigt dans l’œil, qui pourrait changer une ville corrompue et violente à ce point ?

- « Non c'est vrai, je ne suis pas rentré immédiatement. Je me suis baladé en centre ville, je cherchais un tabac ouvert, mais à cette heure là j'en ai pas trouvé. Du coup je suis rentré, j'ai du faire un détour pour éviter le Quartier Nord et je suis passé près de l'intersection entre le Quartier Nord et le Quartier Est, près du lieu du crime en fait je crois bien... Mais c'était tôt dans la soirée et je n'ai rien vu de suspect quand j'y suis passé. »

Voilà ce qu'il appelait la vérité arrangée. Inutile de préciser qu'il avait croisé des personnes lors de sa ballade. Ça ne ferait que rallonger cet interrogatoire déjà bien trop long à son goût. Prochaine question.

- « Quelles étaient vos relations avec Jonathan Winson ? Aviez-vous quelque chose à lui reprocher ? Lui en vouliez-vous pour une raison précise ?»

Quelles étaient ses... quoi ? Ses relations ? Vous appelez ça des « relations » ? Tristan ne pouvait tout simplement pas supporter le fait que ce gosse de riche soit pour le gouvernement, mais il ne lui avait jamais parlé, non, il préférait le cassage de gueule, plus efficace... Il prit son temps pour répondre, jugeant chaque mot et leur valeur, sachant pertinemment que cette réponse était décisive et que c'était elle qui pouvait le conduire derrière les barreaux.

- « Je ne connaissais pas vraiment Jonathan... En fait c'était simplement sa réputation qui le précédait. Gosse de riche hein ? Comme tout les autres en fait. Il était très pro-gouvernement ce je ne supportais pas trop en réalité. Et bien qu'on aurait pu en arriver aux mains pour toutes les fois où je l'ai entendu crier ô combien le gouvernement était génial, on ne s'est jamais frapper l'un sur l'autre. »

Posé, il avait tenté de ne pas s’énerver en pensant à l'autre, et avec succès. Il ne voulait pas finir en prison à cause de cet abruti de gosse de riche qui se croyait tout permis, il a eu ce qu'il méritait, c'est tout ! Next.

« Quelles sont vos relations avec mademoiselle Calypso Ruby Storm. Et quand l'avez-vous vue pour la dernière fois ? »

Ah ben ça, c'était une bien belle histoire sa relation avec Calypso. Une histoire du genre "je profite de ma belle gueule pour essayer de t'approcher".

« Comme vous le devez savoir, Calypso est la dirigeante du Quartier Nord. En fait j'aimerais déménager hors du campus pour habiter dans ce quartier là, du coup j'ai essayé de l'approcher l'autre jour à la bibliothèque, mais elle m'a méchamment jeté... C'est la dernière fois que je l'ai vu, c'était jeudi. »

Il ne chercha même pas à cacher quoi que ce soit au policier à propos de Calypso, il n'avait rien à cacher. Et puis il suffisait qu'il dise un truc de travers pour que cet interrogatoire s’éternise, et il n'en avait absolument pas envie.