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La sonnerie retentit et des dizaines de moutons se ruèrent dans les couloirs pour aller au cours précédent. Sauf quelques uns d'entre eux qui n'avaient rien d'autre à faire que de sécher et surtout de sécher encore et encore. La question était : pourquoi Frederic Host, sécheur professionel et dépendant à pas mal de machins illicites était-il dans les couloirs en cet instant précis alors que sa classe venait de sortir du cours d'histoire auquel il n'était pas et pourquoi ne courait-il pas au cours de maths pour récupérer son retard ? Tout simplement parce qu'il n'avait pas que ça à foutre.

Sans blague, pourquoi prendre le temps d'aller en cours quand il fallait qu'il ait des conversations sensées ? Il n'avait pris aucune pilule ce matin, ni d'herbe, ni rien pour se sentir dans un état second. Juste assez pour arriver au niveau un, c'est à dire au niveau où il pouvait réfléchir tranquillement sans être en état de manque et sans être en état de plânage complet. Il existait quatre niveaux dans la tête de Frederic. Le niveau un, qui lui permettait de se sentir dans un état normal. Le niveau deux qui lui permettait une sensation de béatitude et de pensées qui s'évaporaient. Le niveau trois était synonyme de défonce complète et d'oubli total de conscience. Quand au niveau zéro, c'était le niveau de manque et celui là, il n'y avait pas besoin d'en parler.

Passons.

Quand Edward Connor sortit enfin de sa salle de cours de (on s'en fiche) de sa salle de cours, il lui attrapa le bras et le tira vers lui sans faire une seule fois attention à tous les abrutis qui criaient des idioties en riant. Ces sportifs, franchement.

"Il faut que je te parle. Maintenant."

Il était légèrement plus petit que Edward, ou Eddie, comme il l'appellait encore il n'y a pas si longtemps. C'était Eddie et Freddie, les deux âmes de la nuit. Ils étaient amis, avant.

Une des salles étaient vides d'élèves. Il y avait des grafitis bizarres sur le tableau et des feuilles blanches un peu partout. On s'en fichait. Frederic vérouilla la porte de l'intérieur en s'efforçant de ne pas penser à ce que cette attitude pouvait signifier. Il balança son sac bandoulière (note pour plus tard : penser à racheter un sac) sur une des tables.

"Maintenant qu'on est sûr de ne pas être dérangés, tu vas m'écouter pendant que je suis encore ... dans un état normal. Pourquoi tu m'évites ?"

Deux mois, même trois, il ne savait plus qu'il attendait d'avoir cette conversation. Eddie était le premier de ses amis qui le laissaient tomber. Le tout était de savoir pourquoi.

Driiiiiiiiiiiiiing… !! Ouf, la délivrance. La sonnerie tant attendue de la fin du cours fit entendre sa douce mélodie. Edward ramassa ses bouquins et fût à la porte en un quart de seconde. Il n’avait rien suivit du cours et la dernière chose qu’il souhaitait, c’était que le vieux professeur sénile et décrépit de littérature le retienne pour lui faire sa morale dont lui seul avait le secret. Aussitôt dans le couloir, sa bande de sportif le rejoignit, histoire de parler tactiques, ou pire encore, nana…Ces discussions l’ennuyaient au plus haut point mais bon, il subissait sans broncher : la plupart des sportifs étaient « ses amis ». Il devait l’avouer, mis à part ces discussions débiles autour de « quelles nanas ils ne s’étaient pas encore taper », Edward passait de bons moments en leur compagnie.
Cependant, aujourd’hui, il avait envie d’être seul. Il avait passé une sale nuit, à ressasser les vieilles histoires du passé. Ce passé qui le hante tant et sur lequel il voudrait faire une croix.
Malheureusement, c’était une entreprise dure à accomplir, surtout ces derniers temps. Pourtant clean depuis à peu près trois mois, il subissait encore des visions. Pas plus tard que la veille au soir, sur le chemin qui le menait chez lui, il aperçut une jolie blonde à l’allure familière qui disparaissait au coin de la rue.

* Aly’…*

Abruti par le choc, il mit quelques secondes de trop pour réagir. Quand il couru rejoindre l’angle de la rue, cette dernière était déserte.

*Arrête de rêver mon pote, elle n’est plus de ce monde *

Cet épisode lui avait occupé l’esprit toute la soirée. Il était persuadé d’avoir vu en la jeune femme blonde son ancienne petite amie morte et enterrée depuis un peu plus de deux ans.
Ces visions, ce n’était pas la première fois qu’ils les avaient et plus on avançait dans le temps, plus elles étaient fréquentes. Cela en devenait même inquiétant…Il venait à peine de se reconstruire, de reprendre sa vie en main qu’on l’attirait de nouveau vers le bas.
Pensant être assez solide pour faire table rase du passé, il avait décroché de la drogue depuis un peu plus de deux mois. Cette dernière lui avait fait oublier tout ses tracas et l’avait plongé dans un autre monde, où la vie était simple, beaucoup plus simple…
Mais, du jour au lendemain, il avait tout arrêté, bien décidé à mener une vie simple et tranquille, sans les artifices de la drogue.
Cependant, on dirait bien que cette partie là aussi de sa vie avait décidé de refaire surface…
A peine avait il fait trois pas dans le couloir qu’on lui attrapa le bras pour le retenir. Quand il se retourna, il se retrouva face à Fred, un jeune homme avec qui il avait partagé de bons moments, à mettre en commun de l’herbe ou autres produits illicites ou a discuté tout simplement sous l’influence de la drogue. Ce dernier ne le laissa pas placer un mot en le séchant sur place d’un : « Il faut que je te parle. Maintenant »
Vu le ton que le jeune homme avait pris, il était impossible de lui opposer une quelconque résistance. Edward céda et le suivit dans une salle encore plus morbide que celles où il avait l’habitude de passer ses heures de cours.
A peine pénétra-t-il dans la pièce que Fred verrouilla la porte. C’était pas bon signe. Le jeune homme avait la tête de ses mauvais jours et mieux valait l’éviter quand il était dans cet état là. En tout cas, Edward jugea qu’il était encore maître de lui, il n’avait pas encore dû prendre toute sa dose.

« Maintenant qu’on est sûr de pas être dérangés, tu vas m’écouter pendant que je suis encore…dans un état normal. Pourquoi tu m’évites ? »

La question arrivée comme un cheveu sur la soupe le surprit. Il ne s’attendait pas du tout à ça et pourtant, il aurait dû. Ces derniers temps, c’est vrai qu’il l’avait un peu délaissé et il s’en rendait compte aujourd’hui. En s’éloignant de la drogue, il s’était également éloigné de lui. Inconsciemment, ou peut-être pas, il avait voulu en finir avec tout ce qui avait un rapport avec la drogue, et Fred en faisait parti. Pourtant, bien qu’ils se retrouvaient seulement pour se défoncer, il le considérait comme un ami. Il avait mis de la distance pour éviter une éventuelle rechute et aujourd’hui, en voyant à quel point cela affectait son ami, il regrettait.
Il lui devait une explication, et il essaya de trouver les mots justes pour exprimer ce qu’il ressentait.

- « Ecoute Fred, je suis désolé, ces derniers temps on s’est pas trop vu, voire jamais. Je regrette, car je te considère comme mon ami…J’ai décroché de cette foutue cochonnerie et j’ai peur de replonger… »

Ouais bon, pour exprimer tout ce qu’il ressentait, Ed’, ce n’était pas le plus fort. De plus, il devait l’avouer, ce qu’il considérait aujourd’hui comme une foutue cochonnerie lui avait rendu de nombreux services à l’époque.
Voyant que ce n’était peut-être pas suffisant, il rajouta :

- « Je sais que ça justifie pas le fait que ces derniers temps on ne se soit pas vu…Je ne sais pas quoi te dire…Ces derniers temps, j’ai tendance à vouloir replonger, ce n’est pas la grande forme…Mais, t’inquiètes, je m’en sers pas d’excuse, je sais que ça n’efface pas ce que j’ai fais. Je sais aussi qu’une amitié ça s’entretient et que j’ai foiré. Pour cela je suis désolé, mais je crois que dorénavant il ne faudra plus compter sur moi pour se défoncer."

Il voulait que les choses soient claires, et pourtant, elles ne les étaient même pas pour lui. Il voulait se convaincre que la drogue, c’était bel et bien fini pour lui, mais il est vrai que ces derniers temps, c’était encore plus difficile. Car, s’apercevant que son passé le rattrapait, il avait encore plus tendance à vouloir céder à ses vieux démons. Parler à Fred lui susciter l’envie de s’en rouler un bon…