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Après l'orage et le tonnerre
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MessageSujet: Après l'orage et le tonnerre Après l'orage et le tonnerre Icon_minitime1Mer 26 Mar - 16:37

Après l'orage et le tonnerre Tumblr_mg0iywnkMK1rs25p4o1_1280



La fusillade était derrière lui maintenant mais il n'en allait pas de même pour tout le monde. Certains étudiants avaient été réellement traumatisés et afin d'éviter toute dérive de la part de jeunes esprits déjà quotidiennement ébranlés par la cabale orchestrée par Weins pour transformer les adolescents en zombies dociles, la nouvelle direction de l'Académie préconisait à la plupart des élèves de rencontrer le violeur mental à la moindre inquiétude ou s'ils éprouvaient tout simplement le besoin de parler. Jethro avait été dans l'amphithéâtre où les morts avaient été les plus violentes et les plus expéditives. Dire qu'il n'en éprouve qu'indifférence serait mentir, ce ne sont pas les cadavres des victimes qui le hantent mais une toute autre chimère, la seule chose capable de profondément le perturber. Jeth se réveille chaque nuit en sursaut, un cri étranglé aux bords des lèvres qu'il a inconsciemment empêché de sortir en se mordant salement l'intérieur d'une joue. C'est avec un goût de sang qu'il émerge du sommeil, assis et tremblant sur son lit, les draps entortillés autour de lui et collant sa peau. L'image d'une Emily baignant dans une mare vermeil, la moitié de la tête réduite en bouillie rouge reste résolument accrochée à ses rétines. Après la fusillade et une fois les lieux pacifiés, sa première réaction fut de mettre les voiles pour filer à la cafétéria où sa soeur se trouvait. Pendant quelques secondes - bien trop brèves - il a eu l'impression de retrouver sa soeur. Mais l'instant de grâce fut rapidement clos. A peine le temps de la serrer contre lui, de sentir ses larmes couler dans son cou et d'exprimer un soulagement mutuel de se savoir vivant et Emily l'avait brusquement repoussé pour mieux l'accabler de tous les maux. Les paroles de la jeune fille claquent encore à ses oreilles. Il avait promis de toujours la protéger, où était-il fourré pendant qu'elle avait besoin de lui? Comme toujours, la Platine s'était jetée sur lui en lui murmurant d'une voix mauvaise qu'il ne lui connaissait pas jusqu'à sa "métamorphose" qu'il aurait mieux valu qu'il crève sous les balles avant qu'on ne les sépare et qu'ils filent chacun de leur côté. Jethro ne retient de cette énième altercation avec sa jumelle que cette poignée de secondes où il a eu le sentiment de réellement étreindre celle à qui il tient plus que tout. Une poignée de secondes amplement suffisantes pour le persuader que quelque part, derrière le masque de platine qu'Emily arbore, elle est toujours là. Une poignée de secondes qui achèvent de le convaincre que le processus réputé irréversible peut l'être pour sa soeur.

Et puis, hier, il a reçu sa convocation au bureau de Stanton. Avec un claquement de langue méprisant, il avait abandonné la petite feuille frappée du blason de l'Académie à la surface du chaos régnant sur son bureau où il est sensé travailler et se pencher sur des concepts frelatés, des idées prémâchées et déjà prédigérées et le tissu de mensonges et d'inepties qui compose l'essentiel de leur études. Ajouté sur la convocation, une ligne écrite au stylo lui recommandant de se pointer à son rendez-vous sous peine de sanction. Inutile de préciser quel genre de sanction risque de lui tomber dessus s'il fausse compagnie au violeur mental. Jethro sait qu'il s'agit de celle qu'on a franchement pas envie de revivre. Si on a l'occasion de les revivre. C'est guère emballé et avec le sentiment de perdre son temps qu'il se dirige en traînant les pieds jusqu'à l'antichambre du bureau de Stanton. C'est vautré sur un des fauteuils à large dossier et aux bras hauts que Jeth attend que la porte s'ouvre sur le visage impassible semblant taillé au couteau du psy de Weins qui s'ajoute à la liste des collabos affirmés depuis qu'il a été promu directeur-adjoint. Sans bruit, un rectangle de lumière apparaît sur l'épaisse moquette tandis que l'antre de la Bête s'ouvre devant l'adolescent. Les yeux noirs de Jethro se lève sur le masque de Stanton avant qu'il ne se décide à se lever. A pas lents et les mains enfoncées dans les poches, Wentworth pénètre dans le bureau.

Je suis ici contraint et forcé, M'sieur Stanton. Si ça tenait qu'à moi, je me casserais. lâche-t-il d'une voix traînante en guise de salutations. Autant annoncer cash la couleur, Jethro n'a aucune envie de se montrer coopératif. Nonchalamment, il se dirige vers la large bibliothèque et promène son regard sur les reliures des ouvrages qui doivent tous être conformes aux desideratas du gouvernement. Mais visiblement la toute nouvelle direction en a décidé autrement. poursuit-il en levant le nez sur les diplômes encadrés aux murs avant de s'avancer vers une épaisse banquette où il se laisse tomber. Le fait que je me sois trouvé dans l'amphithéâtre suffit à m'obliger à sacrifier une heure de ma vie pour venir ici faire ou dire je ne sais quoi. Posant les pieds sur la banquette, Jethro pousse sur ses talons pour s'y caler, croisant les mains sur sa nuque. Les yeux noirs quittent le plafond immaculé pour se poser enfin sur le thérapeute et c'est d'un ton insolent accompagné d'un sourire narquois qu'il s'adresse au psy. Je vais quand même faire un micro-effort. Alors...comment ça marche? Vous allez me montrer des taches d'encre? Je dois vous parler de mes relations avec ma mère? Vous dessiner un bonhomme? Je dois revivre la fusillade et vous expliquer mon ressenti?

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MessageSujet: Re: Après l'orage et le tonnerre Après l'orage et le tonnerre Icon_minitime1Sam 29 Mar - 16:20


La météo est instable



Depuis quelques temps, ses journées semblent être plus longues. À forte responsabilités, plus forte charge de travail il en avait bien conscience en acceptant le poste mais c’était sans compter sur la déferlante qui s’en suivrait. À force d’être livrés à eux même les professeurs et autres membres du personnel de l’académie Weins ont pris l’habitude de se débrouiller et de gérer leurs affaires cependant, l’arrivée du sous directeur leur aura donné la soudaine envie de se décharger au possible, prétextant qu’une chose ou une autre n’était plus ou pas de leur ressort. Hunter ne se plaint pas, il ne l’a jamais fait et ne le fera jamais, pas homme à fuir les charges aussi imposantes soient-elles.
Lorsqu’il convoqua les professeurs pour une réunion afin de prendre la température des classes, il fut à peine surpris de les entendre se plaindre sur le comportement d’un tel, les écoutant descendre en flèche les « plombs » jugés en éléments perturbateurs et qu’ils rêvent de voir expulsés. Aucun ne souhaite prendre un moment pour la « mauvaise graine » et leur reprocher aurait quelque chose de paradoxal puisque tous ont été choisis pour leur attachement non dissimulé pour Gordon et le système et, par conséquent, pas amateurs du genre révolutionnaire. Ils sont rares, les neutres et même ceux-là préfèrent se taire. Autant dire qu’on ne s’est pas privé de lui refiler les « bébés ». Le psychiatre préfère encore ça, se charger lui même des points sensibles plutôt que les laisser aux mains d’incompétents dans le domaine.

Aussi, afin de calmer les professeurs et tâcher d’instaurer un semblant d’ordre après la très récente tragédie, Stanton décida de donner rendez vous aux présumés cancres non pas pour les transformer en zombies dociles à coups de médications douteuses mais bien pour se faire une idée précise de leur avis en tout genre. Au fond il faut le savoir, le psychiatre n’a rien contre les Plombs, pas plus contre les Zincs ou les Platines car tous se ressemblent à ses yeux : des sujets d’études. L’intérêt qu’il leur porte dépasse rarement ce stade à moins de dénicher un cerveau assez efficace pour éviter de l’ennuyer profondément. Et la jeunesse, est-il besoin de le préciser, est souvent bourrée de stéréotypes avec leurs avis simplistes, leurs envies et attentes puériles... Une chance que Weins réunisse des cas brillants ou intrigants, des têtes pleines et si elles ne le sont pas d’idées préconçues soufflées par les parents c’est encore mieux.  
Aujourd’hui devront se succéder dans son bureaux les « pires » du genre, à commencer par ce cher Jethro qu’on ne cesse de jeter dans la catégorie des irrécupérables. Point de vue sur lequel Stanton émet une réserve conséquente. Le garçon n’est pas fichu, bien au contraire et contrairement à d’autres son but -car il est clair- est tout à fait honorable. Vouloir protéger, retrouver sa famille est une chose envers laquelle Stanton conserve un respect évident.

Son bras maintenu en écharpe pour consolider l’épaule démise commence à devenir pesant, c’est qu’il préfère largement l’usage de ses deux mains en temps normal mais comme à son habitude l’homme fait avec sans sourciller et lorsqu’il tire la porte pour inviter l’étudiant à entrer, il ne semble pas amoindrit. Il constate bien vite que son jeune interlocuteur a tout sauf envie de siéger en sa compagnie et ne s’étonne pas. Ses paroles sont sèches, sans fioritures et aussitôt il entre dans le vif du sujet. Sans intervenir le psychiatre lui laisse le temps de prendre un minimum ses marques, de s’installer dardant de temps à autre un regard impassible sur sa petite personne. Ses derniers mots pourraient faire sourire la statue de pierre qu’il paraît être (qu’il est ?), mais Hunter n’en fait rien et se contente de choisir le siège en face, la tête légèrement penchée sur le côté d’un air interrogatif. « Pour commencer, je préfère entendre sans mensonges que tu préférerais te trouver ailleurs. Vouloir passer des heures sur le divan d’un psychiatre n’est pas très bon signe en règle générale. » Glisse-t-il d’un ton léger, comme s’il parlait d’autres ou de faits ne le concernant en rien. C’est qu’il préfère jeter les hypocondriaques dans les pattes de ses confrères, ceux-là seront ravis de saigner leurs comptes en banque sous de faux prétextes, n’allant jamais leur dire clairement qu’il serait temps d’arrêter de s’apitoyer sur leur sort... « Concernant les possibilités que tu offres, si elles te semblent judicieuses ou même distrayantes pourquoi pas mais je précise, si cela peut te rassurer en quelques sortes, tu n’es pas ici pour une évaluation psychologique. » Non puisqu’elle est faite et mise sous clé depuis belle lurette. Jethro ne le sait pas ? Grand bien lui fasse... personne ne veut entendre ce qu’un homme tel que Stanton a à dire de façon précise sur x ou y.

Prenant une longue inspiration, le nouveau sous directeur ne cache pas cette pointe d’ennui à devoir en arriver à cela pour rassurer une bande d’employés pas fichus de faire usage d’un semblant de pédagogie. Cela n’a rien de sorcier que de simplement discuter avec ses élèves lorsqu’on les sens partir en vrille, si ? De toute évidence. Lentement, il écarte une main et esquisse un vague mouvement d’épaule tout en reprenant d’un ton posé. « Pour être tout à fait honnête, tu es ici -et ne seras pas le seul- parce que vos professeurs ne veulent pas prendre dix minutes de leur temps libre avec ce qu’il considère comme des têtes brûlées. Et ils doivent trouver cela drôle, je suppose de me laisser le rôle du moralisateur. Le problème ? Je n’ai aucune raison de te sermonner. » De son avis au moins, sans compter qu’il ne se voit pas tirer l’oreille d’un gamin dont la seule idée est de « sauver » sa sœur. Autant punir les Platines lorsqu’ils soutiennent la cause gouvernementale si on commence comme ça... La tête levée, suivant de son indéchiffrable regard les rangées de livres Stanton ajoute : « Tu es loin d’être un vulgaire parasite même s’ils sont nombreux à rêver de te pouvoir t’écraser sous leurs semelles. Ce n’est pas mon cas. Nous n’avons pas besoin de nous entendre, ce qui ne signifie pas que nous ne pouvons pas nous aider, d’une certaine façon. » Et baissant à nouveau les yeux, croisant le regard sombre de l’étudiant, le psychiatre n’est pas sans afficher un rictus infime, bien loin d’être naïf ou tout bonnement amical. « Si tu essayais de limiter les vagues, peut-être aurais tu d’avantages de chances d’approcher ta sœur ?! Être moins perturbateur et alors... je pourrai intervenir. » Car Stanton le sait parfaitement. Chez Emily quelque chose ne tourne pas bien rond et le rouage « défaillant » dans le traitement en ce qui la concerne, se tient assis juste devant lui.  

© Jason Lecter

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MessageSujet: Re: Après l'orage et le tonnerre Après l'orage et le tonnerre Icon_minitime1Lun 31 Mar - 10:01



Jethro a beau être blindé de défauts, mentir n'en fait pas partie. Du moins, pas face à un adulte dont on attend autre chose qu'une condescendance lisse. Monter un bateau à un psychiatre réputé - et bourré de diplômes - quand on est un simple adolescent relève de la bêtise ou d'une arrogance dénuée du moindre discernement. Jethro redoutait cet entretien et il s'y est plus ou moins préparé en imaginant des dizaines et des dizaines de scénarii différents. Le jour est arrivé et il croise les doigts pour qu'un semblant de secret professionnel survive encore dans ce monde qui n'aura bientôt plus grand chose à envier à celui de "1984". Il est irrémédiablement un Plomb, un de ceux qui ne risquent pas de changer, un de ceux qui ne mettront jamais leurs pas sur le chemin de cette évolution parfaite prodiguée par Weins, un de ceux qui ne sortiront pas de Weins par la grande porte. On ne parle que des étudiants auréolés de Platine. Que deviennent les éternels Plombs? En tant que "dissident", qu'électron libre, Jethro estime que moins de personnes savent ce qu'il se cache sous son crâne, mieux il se portera. Mais jouer au cancre stupide et violent risque de ne pas marcher avec Stanton.
Le ton employé par le psy est plutôt léger. Enfin, léger, est un bien grand mot quand on essaie de qualifier ce psychofrigide de Stanton. A son insolence, l'adulte ne répond que de façon pragmatique sans aucun second degré. Si Mentworth souhaite se laisser aller aux exercices banals d'un tête à tête avec un thérapeute qu'il en soit ainsi. L'adolescent hausse les épaules pour toute réponse. Non, il n'a franchement pas envie de se soumettre ni aux taches d'encre ni au dessin et encore moins au récit détaillé de temps forts de sa courte existence. De toutes façons, ces tests n'ont aucune raison d'être puisque, lui révèle Stanton avec détachement, sa présence ici ne découle pas des récents événements qui ont bouleversé la vie estudiantine de Weins. Les yeux noirs glissent vers le thérapeute, Jethro reste un môme de 17 ans dont il suffit d'attirer la curiosité pour bénéficier de toute son attention. S'il n'est pas ici pour parler du drame de l'Académie pourquoi l'a-t-on tiré ici? Honnêteté aussi froide et détachée que celle du Plomb est grinçante et ironique. C'est un élément perturbateur, un rebelle au sein d'un troupeau qui avance à un rythme pépère, un caillou dans les chaussures du corps enseignant. Une tête brûlée.

Jethro laisse filer un reniflement amusé. Tête brûlée?! répète-t-il en fixant Stanton. Il hausse les sourcils en affichant une moue surprise. Les commissures de ses lèvres s'incurvent pour changer le pli d'étonnement apparu sur ses traits en un sourire faisant ressortir les joues que les rondeurs de l'enfance tardent à définitivement quitter.Je pensais que mon comportement me vaudrait des termes...hm...moins polis. Et surtout bien plus irréversibles. "Tête brûlée", l'expression sous-entendrait presque qu'on puisse m'éteindre. A moins que ce terme ne soit le votre. Pourtant, malgré cela, Stanton ne prendra pas la panoplie du moralisateur pour le simple motif qu'il n'a aucun grief à abattre sur le dos du Plomb. Pour le moment a envie de répondre Jethro. Jusqu'à tout récemment, en effet, le comportement de l'adolescent ne concernait pas directement le psychiatre mais maintenant que ce dernier a été catapulté directeur adjoint, le temps viendra où les débordements de Jethro seront sermonnables, où les remous provoquées dans la vie scolaire devront nécessiter des mesures.

Abandonnant son attitude désinvolte et vautrée sur la banquette, Mentworth se redresse, croisant les jambes jusqu'à être assis en tailleur lorsque le psychiatre évoque la possibilité de s'aider sans s'apprécier. La discrète expression passant sur le visage de l'adulte n'a rien d'un encouragement ou d'un "aies confiance, mon enfant". Franchement, je vois pas ce que vous pouvez m'apporter. Et je vois encore moins ce que je pourrais vous apporter. Quand à être moins perturbateur...vous devez me "connaître" un minimum. lâche-t-il en tournant les yeux vers le psychiatre en mimant les guillemets en pliant ses doigts en crochets Faire moins de vagues, c'est plus trop dans mes cordes. Peut-être aurait-il pu être recadré si on s'y était pris plus tôt quand la "perte" d'Emily était fraîche, quand Jethro ne s'était pas blindé de certitudes et d'hypothèses paranoïaques. Dorénavant, il n'a plus d'autre objectif que celui de continuer à avancer en essayant par tous les moyens de ramener sa jumelle dans son giron. Et si au passage, il dérobe quelques moutons au troupeau où en empêche d'autres de le rejoindre, c'est encore mieux.

Le sujet d'Emily est toujours délicat à aborder avec lui, la plaie est vive, lancinante, provoque bien souvent une crise de rage aveugle. Fronçant le nez, Jethro reporte son attention sur le plafond blanc pour ne pas exploser et demander à Stanton quelle est sa part de responsabilité dans la transformation des étudiants. Expiration sifflante et brève avant de reprendre, les mâchoires crispées. Approcher ma soeur... Jethro reste convaincu que dans chaque Platine se cache le cadavre de l'adolescent qu'il aurait pu être. Et Emily ne dérogerait pas à la règle si ce macchabée ne se réveillait pas à son contact. Sans l'éprouver directement, le déchirement psychique de sa jumelle le frappe à chaque altercation. Derrière le regard enflammé de la jeune fille, c'est sa soeur - celle qu'il a connu auparavant - qui hurle en frappant de ses poing la cornée. Sors moi de là, Jethro, je me noie. Elle l'appelle à chaque fois avant que la Platine formatée ne fasse taire cette entité qui lutte. Vous avez une soeur, Monsieur Stanton? Une soeur que vous avez promis de protéger envers et contre tout? Que feriez-vous si vous la saviez retenue prisonnière? Que feriez-vous si son âme vous appelait à l'aide et que son corps vous rejetait en bloc?

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MessageSujet: Re: Après l'orage et le tonnerre Après l'orage et le tonnerre Icon_minitime1Lun 31 Mar - 14:43


La météo est instable



Il est une plaie, c’est vrai mais qu’il se rassure car il n’est pas le seul. Tête brûlée oui, et non ce n’est pas Stanton qui le dit cependant ce n’est là qu’une étiquette parmi tant d’autres et comme Jethro le souligne : il en existe de beaucoup moins polies. Le psychiatre a ses propres courants de pensées, il n’attend pas ceux des autres et des professeurs moins encore pour la bonne et simple raison qu’ils sont à son avis tout bonnement incompétents. Ce nouveau rôle qu’il endosse aura ça de bon : virer les trois quarts de ces gens. Autrefois, son travail ne consistait qu’en un point à savoir : évaluer les balancements psychologiques de tout ce beau monde et pointer du doigt ceux n’étant pas assez en accord avec le système politique. Stanton faisait son rapport, d’autres agissaient ensuite en fonction seulement voilà... Sa récente et longue conversation avec Edmund Weins aura fait un état des « lieux » assez déplorable au delà de la prétendue perfection de l’académie. Le Directeur n’est pas stupide très loin de là et autant que son premier conseiller en la matière il sait : si on a pu investir cet établissement pendant une telle journée c’est pour la seule et unique raison qu’une personne de l’intérieur a parlé. Qui, à qui et pourquoi en revanche c’est un mystère mais quelqu’un est responsable. Que cela ne se reproduise jamais à dit Weins ; et pour cela des têtes doivent tomber. En conséquences, les étudiants sont loin et même très loin d’être dans la ligne de mire de Stanton à l’heure d’aujourd’hui.

Ainsi il secoue la tête, lentement. « Ce ne sont pas mes propos mais bien les leurs. Loin de moi de tels avis lorsqu’il s’agit des élèves, je me suis toujours refusé à considérer la jeunesse comme étant irrécupérable. » Parce qu’elle ne l’est pas, bien au contraire et à cet âge moins encore. Les jeunes adultes sont au printemps disons, ingrat de leur existence, celui où l’hiver tarde à quitter l’atmosphère et où un gel tenace a trop tendance à figer toutes sorte d’idées, à les rendre butés sur ci ou ça. On a pas battit Paris d’un jour, on a pas fait les grands noms de ce monde en quelques années seulement ; tout prend du temps et se construire tout autant.

Que Jethro ait l’air de repousser la proposition du sous directeur n’a rien d’étonnant et celui-ci baisse les paupières en signe d’acquiescement. Il ne voit pas, il ne peut pas voir comment être utile et c’est bien logique. De plus, les jeunes apprécient rarement de s’en remettre aux adultes pour la simple et bonne raison que cela blesse leur fierté. Ils en sont au stade où penser « je ne suis plus un enfant, je sais me débrouiller » est de rigueur ; mais non chers enfants vous ne savez pas, pas encore et surtout pas ici. Croisant les jambes et enfonçant un peu plus le dos au fond de son siège le praticien répond et de surprise, il n’y en a pas. « Je te connais c’est un fait et je comprends qu’il te soit difficile pour ne pas dire impossible de voir les choses se passer sans agir lorsqu’elles te déplaisent. Lorsque je te parle de faire moins de vagues je n’attend pas de te voir passif, non. Je ne l’attend pas pour la bonne raison que je n’ai pas à le faire, nous avons tous nos raisons pour bouger et je n’ai pas à juger les tiennes. En revanche, j’attends de toi que tu respectes cet établissement au moins dans le principe. » De menace, aucune et le ton qu’il emploi n’a rien de professoral. Stanton n’est pas un donneur de leçon, il n’est pas là pour pointer du doigt ce qui -selon une majorité- aura été défini comme bien ou mal. Sa façon de procéder est bien plus complexe. « Tu as des valeurs sans ça, tu te contenterais de dormir sous un arbre de la cour sans te soucier de rien et tu ne défendrais aucun point de vue. Et j’ai confiance en ces valeurs. Je ne te demande pas de changer, seulement de faire un effort pour ce qui touche la scolarité. Tu n’as pas à aimer les cours mais ne les perturbes pas. De même personne ne peut te forcer à travailler dessus car c’est de ton avenir qu’il s’agit. Tu peux m’aider oui, simplement en ne donnant aucune raison à tes professeurs de t’envoyer ici. Ce n’est agréable pour personne, n’est-ce pas ? » Autant que possible, il préfère voir les étudiants se relever et aller mieux, ne pas avoir à les remettre de force sur un chemin parce qu’il a trop conscience qu’à terme, ils iront droit dans le mur. L’homme n’a que faire des autres à la base mais s’il a une chose en horreur c’est bien de voir des « vies » gâcher à foncer vers nul part. Jehro ne veut pas qu’on l’oblige à se poser là, et Stanton n’a aucune envie de le brider. Ça n’aide personne et quitte à se croiser autant que cela soit à but productif.

Comme venir en aide à Emily. À l’heure d’aujourd’hui le traitement est efficace dans 99 % des cas, les 0,9 %  suivants représentants les fortes têtes telles que Jethro, Lexy, Frederic en son temps. Ceux déclarés imperméables en quelques sortes et les laboratoires de Weins continuent de perfectionner les dosages en cela. Ce n’est qu’une question de temps avant qu’ils y parviennent mais pour le 0,1 % restant... le bug est là. La gémellité demeure un véritable mystère et même au temps fort des technologies de pointe avant la troisième guerre, on continuait à faire face à la chose comme à un énorme point d’interrogation. Les variantes existent selon les cas, les légendes ne sont jamais les mêmes mais tout se recoupe sur une seule chose : un lien. Il existe un lien réel entre les jumeaux même dit « faux » et qui dépasse la science. Jethro et Emily en sont la preuve vivantes. Hunter imagine bien le calvaire que vivent ces deux enfants, chacun se sentant trahi par l’autre qu’il ne comprend plus ou pas. Proches, mais séparés par un gouffre sans fond.

La question sans le prendre au dépourvu n’est pas sans lui arracher une expression mélancolique (à moins qu’elle soit nostalgique) le temps d’un battement de cils, le temps d’un soupir qui lui file entre les lèvres. Son passé, son histoire, sa vie Hunter Stanton n’en a jamais fait un secret. « Une sœur cadette. » Commence-t-il, sans détourner le regard du jeune homme en face. « Pas une jumelle diras-tu, mais le handicap fait naître des liens tout aussi complexes. » Il se penche en avant, un coude appuyé sur sa jambe et le regard errant sur le verre de la table basse entre eux. « Ce que je ferai... et bien je ferai ce que je peux. Il n’y a pas de recette miracle, nous ne sommes que des humains. On peut vouloir protéger ce à quoi on tient plus que tout, il arrive qu’on ne puisse pas. Mon travail devrait me faire renier toute intervention jugée surnaturelle pourtant je crois au hasard, au moins un minimum. Ces moments qu’on ne maîtrise pas. » Et ses yeux mercure se lèvent, plongent dans d’autres trop sombres déjà pour l’âge de celui qui les porte. « En ce qui vous concerne toi et ta sœur, j’aimerai vous aider très sincèrement. Parce qu’il n’existe pas pire déchirement que celui de voir ce qu’on a de plus précieux au monde nous être arraché. » Et il le sait, oh comme il le sait. Et pour cette raison il faut agir... avant qu’il soit trop tard et que la perte définitive entraîne le pire. « Une seconde. C’est tout ce qu’il faut pour te mettre l’âme en pièce et tu peux me croire sur parole... tant que je siège ici, je suis et serai seul décisionnaire de ces secondes. Si je te dis que ta sœur peut revenir vers toi, elle reviendra. » Et ce qui vient de noircir le mercure, telle une goutte d’encre qui se dilue au milieu d’un verre en étirant ses tentacules dépasse clairement une intuition : c’est une certitude. La certitude que seuls possèdent les hommes, les femmes de pouvoir. Quel pouvoir en ce qui le concerne ? Bah, personne ne tient réellement à le savoir...        

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MessageSujet: Re: Après l'orage et le tonnerre Après l'orage et le tonnerre Icon_minitime1Mar 8 Avr - 21:48



Pourtant Jethro l'est. Irrécupérable. Il est trop conscient pour se laisser endormir maintenant. Le Plomb a toujours eu le sentiment que quelque chose clochait dans cette foutue Académie. Et ce n'est pas uniquement à cause de cet enseignement qui lui semble artificiel, factice et sur lequel les autorités supérieures ont jeté un voile déformant l'histoire. Les adolescents grandissent, deviennent des adultes, rentrent docilement dans le troupeau. Mais ce processus prend des années. Il faut traverser des épreuves pour grandir, chuter pour apprendre à se relever et mûrir. Ici, au sein de Weins, on évolue bien trop rapidement et on se range bien trop passivement pour que cela soit naturel. Où sont les révoltés, les indignés? Où sont ceux et celles qui sont prêts à élever la voix contre les injustices, les traitements de faveur, les différences? Car ces dernières existent. En tant que Plomb, Jethro les a éprouvé à de nombreuses reprises. Et ce simple fait de "trier" les étudiants, de les qualifier d'un nom de métal. Le grisâtre plomb, nocif pour tout être vivant et le précieux platine. Bon sang, Jethro ne peut pas être simplement paranoïaque. Quelque chose cloche dans cet établissement. Un deus ex machina qui broit les étudiants, les avale pour vomir de précoces petits adultes bien parfaits qui ne feront plus de vagues.
Gardant les lèvres closes, Mentworth se garde bien de s'écrier que jamais il ne pourra rejoindre le troupeau aveuglé. Il ne pourra jamais s'épanouir et évoluer dans cette société. Il n'a plus rien à perdre. Il a cessé de penser à son avenir dès l'instant où Emily s'est vu plaquée de platine. Son futur s'est figé dès que la chape de métal précieux s'est abattu sur sa jumelle. Ce n'est pas un simple "déplaisir" qui pousse le Plomb à ne pas courber l'échine. Sa rébellion n'est pas du à une simple incapacité à se soumettre à l'autorité. C'est bien plus profond que cela. Weins est une caverne dont le fond est tapissé d'hypnotiques ombres. Il sait que ce ne sont que des projections déformées de la réalité. Il ne peut pas laisser bêtement ses semblables en pâture à ces illusions alors qu'il est en route pour quitter cette grotte.

L'échange tant redouté commence à devenir franchement étrange. Et la perplexité provoquée par les paroles de Stanton s'impriment lentement sur le visage de l'adolescent. Aucun interdit franc, net et tranché n'est prononcé. Pas de sermon sirupeux ou pesant qui n'aurait que provoqué gonflement de joues accompagné d'un soupir volontairement exagéré. Pas de reproche frontal. Bizarrement, Stanton ne lui demande pas de délaisser ce qu'il est au profit de rentrer dans le rang. Jethro a l'impression qu'on lui conseillerait presque d'appliquer l'adage "pas vu pas pris". Son interlocuteur sait autant que lui que le statut de Platine ne lui auréolera jamais le front mais quitte à ne pas rejoindre le troupeau autant en adopter le comportement. Du moins en apparence. Mais pourquoi lui demander de respecter l'établissement alors que dans cette pièce, ils savent tous les deux que Jethro rejettera toujours en bloc Weins? Est-ce trivialement pour avoir la paix et laisser l'école continuer de broyer et de crever les yeux de la jeunesse en toute impunité, à la vue et au su de tous? Est-ce pour préserver Mentworth d'un sort guère enviable? Après tout, qui sait ce qu'il advient des Plombs irréductibles? Jethro n'a aucun souvenir d'avoir entendu parler une seule fois d'un projet d'avenir à l'issue de sa scolarité pour un étudiant de cet acabit. A croire que les Plombs se dissolvent dès qu'on les sait impropres à la transformation exigée...comme mes parents. Une ablation propre et nette des organes déficients faite sous anesthésie générale.

Respecter l'établissement pour son principe. Jolie blague, Monsieur Stanton. Jethro hait l'Académie, ce qu'elle représente, ce qu'elle fait. Il n'a pas choisi d'y entrer, c'est la décision de sa bigote de tante patriote et aveugle. L'établissement lui a dérobé sa soeur de la pire façon, coupable d'avoir transformé une adolescente rêveuse, naïve et douce en furie aussi frappée de cécité que leur tutrice. Il ne peut se taire durant les cours dispensant une vision erronée du monde. Il ne peut accepter la pensée unique. Il ne peut faire profil bas. Si Jethro n'était animé que par l'envie égoïste de retrouver sa soeur, il y aurait eu de bonnes chances qu'il se fonde dans le décor, qu'il obéisse à Stanton. Le souci, c'est que le Plomb n'a pas été élevé par des adultes préférant porter des oeillères plutôt que de prendre le risque de s'investir personnellement dans une cause. Les Mentworth luttaient contre l'émergence d'un rouleau compresseur idéologique. Jethro est juste face à lui.

La neutralité affichée par le thérapeute se brouille une fraction de secondes à l'évocation d'une soeur cadette. Loin de s'en cacher, il ne quitte pas l'adolescent du regard. Le ton de sa voix reste égal, ses paroles restent à demi-sybillines mais le tiraillement de la perte est bien présent et parce que Jethro l'éprouve en ce moment, il peut le percevoir aussi discret soit-il. Protéger une jumelle plus naïve ou une cadette diminuée, les liens qui sont tissés sont tout aussi forts. Jethro serre les mâchoires en prêtant une oreille attentive à Stanton et secoue doucement la tête lorsque ce dernier évoque le fait qu'importe l'énergie déployée parfois, on ne peut rien faire. Si Emily était une Platine normale, le Plomb pourrait se laisser aller à ce fatalisme mais il n'en est rien. Sa jumelle n'est pas une imbécile heureuse comme ses camarades au faîte de la réussite.
Péniblement il déglutit, ravalant cette boule née dans sa gorge à l'évocation de sa jumelle. Non, il ne versera pas une larme, il ne l'a que trop fait à l'heure qu'il est. Jethro se contente d'un regard plus vivant et d'une attitude sensiblement moins détendue et je m'en foutiste. Car Emily, il ne s'en foutra jamais. La douleur de la séparation est d'autant plus vive que sa jumelle n'a pas disparu. Elle est toujours là, esprit coincé dans une statue de marbre, fantôme impuissant condamné à errer dans un corps qu'elle ne contrôle plus complètement. Elle aurait préféré qu'il meure...c'est ce qu'elle lui a dit après la fusillade et elle a raison. Tout serait plus simple pour eux si l'un disparaissait. Il a raté une occasion de crever car de fratricide, il n'y en aura pas, à cause de cette gémellité qui fut autrefois leur force et est devenue maintenant une faiblesse.

Un silence pesant cloture les dernières paroles du thérapeute. Un long silence où les yeux sombres de l'adolescent se fixent à ceux de l'adulte. Ce n'est pas une silple carotte que l'on agite sous le museau d'un âne rétif qui renâcle. C'est une affirmation. Depuis la rentrée, on a eu de cesse d'essayer de convaincre Jethro de laisser sa soeur tranquille, d'abandonner tout espoir de retrouver la Emily qu'il a toujours connu. Devoir faire avec cette nouvelle donne. Se résigner et faire une sorte de deuil. Tu es vraiment seul maintenant, Mentworth. Pourtant, le Plomb a toujours gardé le sentiment que le processus occulte que cache Weins dans ses entrailles n'est pas aussi irréversible qu'on le dit. Une espérance irrationnelle. Une hypothèse tout au plus mais dans laquelle il est tellement impliqué qu'il ne peut prétendre à une parfaite objectivité. Quelle terrible importance vous venez de prendre en quelques mots, Monsieur Stanton... chuchote l'adolescent sans ciller. Comment considérer l'homme qui vous annoncerait qu'il peut ressusciter votre défunte soeur bien-aimée? Je n'attends ni réponse ni réaction de votre part à propos de ce que je vais dire. Mais j'ai besoin de l'exprimer à haute voix, face à un adulte appartenant à l'Académie de surcroît...quelque chose tourne pas rond dans cette école. Et ce ne sont pas les Plombs...

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MessageSujet: Re: Après l'orage et le tonnerre Après l'orage et le tonnerre Icon_minitime1Jeu 10 Avr - 19:51


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Silence, il semble long mais ne l’est pas pour celui dont les neurones ne dorment pour ainsi dire jamais. Les décisions que Jethro prendra dans cette pièce définiront toutes les pensées de Stanton à l’avenir. Car c’est une main qui se tend et lorsqu’elle vient du psychiatre il n’est pas bon de la repousser. On imagine mal, voir pas du tout cet homme au demeurant si paisible capable de cruauté, qu’il puisse être néfaste et pourtant s’il y a bien une personne à craindre dans cet établissement, c’est lui. Weins n’a pas fait de cet homme un conseiller, un véritable pilier, un être décisionnaire sans raisons et sous sa neutralité les motivations du nouveau sous directeur sont aussi troubles qu’un marécage. Leur souhaite-t-il autant de bien en définitive, aux étudiants ? Aucune certitude.
Un sourcil s’arque à peine aux paroles murmurées par le jeune homme. De l’importance dit-il, bien sûr. À promettre que rien n’est perdu, qu’Emily pourra revenir vers lui c’est bien normal et si personne n’a dit que ce serait facile, d’après Hunter la tâche n’a rien de désespérée. Pour sûr, le traitement ne peut être balayé et on en revient pas mais le lien si spécial qui existe entre les jumeaux peut encore changer la donne. Que la demoiselle soutienne un gouvernement pacifiste en apparence, sans approcher le dangereux fanatisme et en étant capable d’accepter d’autres idées que les siennes, endosser un rôle de médiatrice. Les Platines de cet acabit sont rares, mais ils sont là, ils existent et Emily peut en faire partie. Pas sans aide, pas sans SON aide. Emily peut retrouver son frère, elle peut l’aimer à nouveau et ne plus le voir en ennemi mais pas seule. Non, livrée à elle même et comptes tenus des bugs qu’elle rencontre, l’étudiante fonce droit vers la case suicide plutôt que vers celle de l’excellence et ça, il faut l’éviter autant que possible. Ce n’est pas demain qu’on se tuera à l’académie sans que Stanton l’ait décidé.

Ciel, ce garçon aura certainement réussi l’exploit -car c’en est un- d’arracher à Stanton un certains nombres d’expressions même les plus infimes. La confession est claire, franche et même pas l’ombre d’un mensonge à l’horizon. Tu n’as vraiment peur de rien n’est-ce pas ? Bien sûr que non...
Aucune réaction attendue et pourtant elle viendra fatalement ; peut-être pas comme on l’attend mais qu’importe. Le psychiatre n’est pas homme à se cacher lorsqu’il s’agit d’idées, pas bon à fuir la réalité. Alors il se lève simplement, récupère un paquet de cigarettes, un briquet et un cendrier dans le premier tiroir de son bureau avant de revenir à sa place, abandonnant le tout sur la table basse. Le temps d’embraser le papier, de souffler une première ligne et il entame sa réponse. « Tu peux fumer si tu veux. » Ses propres clopes ou celles de Stanton, c’est sans importance car l’homme n’en fait pas un usage très régulier. Toutefois, certaines discussions lui arrachent aussitôt l’envie de fumer sans qu’il sache réellement pourquoi. C’est un détail de toute manière. Et les mots tombent à la suite, aussi aisément que descend la lame d’une guillotine. « Bien sûr que ça ne tourne pas rond. » Inutile de prétendre le contraire. « Si tout allait bien, cette académie n’aurait jamais vu le jour d’ailleurs. » Il soupire à peine, observe à nouveau ses livres sans réellement les voir. Le monde va mal, les gens vont mal et la ville peut prétendre aller bien ce n’est pas le cas. Quant à lui dire, à cette jeunesse révolutionnaire, que tout finira par s’arranger ce n’est que du vent. Un mauvais tour de passe passe et Stanton n’a rien d’un illusionniste. Son travail c’est d’être réel, de fournir du concret et ce garçon assis en face n’est pas assez stupide pour prendre les mots au premier degrés. Il analysera, maintenant ou dans une semaine mais il comprendra. Il n’est plus assez jeune, plus assez naïf pour se voir servir des « tout ira bien, tu te trompes, la vie est belle. » Ici bien plus qu’ailleurs, la jeunesse a déjà pris trop de claques en plein face et des illusions, elle n’en veut plus.

« Les problèmes dépendent uniquement du point de vue. Selon toi, quelque chose cloche ici mais pour un autre, le seul bémol sera de constater que la politique en vigueur ne fait pas l’unanimité. Prenons Caleb, James ou Rebecca par exemple, la moindre allusion négative envers tout ce qui est attrait au gouvernement les indigne et les Plombs sont pour eux autant de nuisibles à rééduquer voir à éradiquer. » Lentement Stanton étire le bras, fait dégringoler la cendre et poursuit sur ce ton qu’on lui connaît. « J’aime à ne pas considérer les Plombs de cette manière, mais d’avantage en libres penseurs, la notion de pacifisme en moins. Disons que vous n’hésitez pas à agir alors bien sûr, ça déplaît à certains. » Sourire en coin ; indéchiffrable. Il n’a pas de préférence, pas d’allégeance. Lui ne suit personne, il attend de voir et peut-être est-il des pires en définitive. Charogne attendant la fin d’une bataille pour s’en aller juger l’étendue des pertes et se satisfaire des cadavres, oui ça en a tout l’air. De loin, de très loin car au final, il fait bel et bien partie de ceux ayant planifié la guerre. Ici il en tire les ficelles, pousse l’un dans les bras du système tandis qu’il retient l’autre à son pied parmi les centristes et quelques fois il arrive oui, qu’il choisisse de laisser les extrémistes, les anarchistes à leur place. Ne dit-on pas après tout, qu’il faut de tout pour faire un monde ?
Secouant doucement la tête, il lève les yeux et les plonge dans ceux de son jeune interlocuteur. Cet entretient a lieu entre deux adultes et il n’y aura pas plus de sermon que de leçon à retenir. C’est une simple conversation. « Ici ou ailleurs, personne ne tourne très rond. La seule chose qui pèse dans la balance c’est une affaire de choix. Décider de quel côté des lignes tu te trouves et ceux d’en face... et bien ils auront beau être très différents ils tiendront exactement les mêmes propos que toi pourtant : ça ne tourne pas rond. » Aussi comique que tragique, n’est-il pas ?        

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MessageSujet: Re: Après l'orage et le tonnerre Après l'orage et le tonnerre Icon_minitime1Ven 11 Avr - 16:42



Voici trop longtemps que Jethro éprouve ce malaise à l'égard de Weins. Voici trop longtemps qu'il se tait par manque d'interlocuteur valable. Les Platines sont sourds et aveugles, parfaitement hermétiques au débat que Mentworth essaie d'amener. Ils ne lui servent que des réponses pré-mâchées et pré-digérées par Weins et son travail de sape. Un texte constellé de trous qu'ils se contentent de remplir selon la personne qu'ils ont en face et ils croient profondément que leurs paroles sont leurs opinions. Les Zinc sont trop frileux, trop fluctuants, les éclairs de lucidité percent les nuages immaculés de la bien pensance inculquées par l'Académie et il est difficile de garder la tempête vive. Quand aux Plombs, quand ils ne fantasment pas la vie "rêvée" des Platines, ils craignent de se montrer trop subversifs.
Alors Jethro parle. Maintenant. Il se fiche que face à lui ça soit le thérapeute ou le directeur-adjoint qui l'écoute et lui répond. Il doit l'ouvrir parce qu'un adolescent, c'est grande gueule, parce qu'un adolescent est par essence rebelle, parce qu'un adolescent ça s'insurge, parce que la notion de "danger" ne sera jamais plus importante que la vérité. Quelque chose cloche à Weins et c'est très grave aux yeux du Plomb. Il ignore de quelle façon se prend l'Académie pour gerber du Platine mais il sait que les moyens employés auraient de quoi nourrir n'importe quel roman d'anticipation du XXème siècle. Le simple martelage idéologique ne peut suffire. Ou alors, Jethro appartient définitivement à une génération de cons prêts à gober n'importe quoi.

Il n'attendait ni réponse ni réaction ni rebond à ses paroles. Pourtant, Stanton quitte son siège pour se diriger vers son bureau. Les yeux noirs restent rivés sur l'adulte qui revient avec un paquet de cigarettes. D'un ton égal, il l'invite à fumer si l'envie le prend. Partageons vos ressources alors...j'espère que c'est pas la clope du condamné. lâche-t-il en tendant la main pour s'emparer de ce qui ne lui appartient pas. Les yeux baissés sur les filtres qui s'alignent dans le paquet, sur l'avertissement de la santé publique qui orne l'emballage, un sourire amusé étire ses lèvres alors qu'il sort une cigarette. Marrant que quelqu'un qui a formellement interdit récemment tout vice mortel aux étudiants en nourrisse un en ce moment. Une flamme qui s'allume et s'éteint, crépitement du tabac qui s'embrase et un second nuage gris se dissout dans l'air en montant vers le plafond. Le recadrage qui avait été la raison de la présence de Jethro dans ce bureau prend définitivement une autre orientation quand l'adulte répond par l'affirmative à la dernière remarque de l'adolescent. Stanton le met-il en confiance pour qu'il continue dans s'enfoncer dans le néant ou bien suscite-t-il un semblant d'intérêt chez l'homme de marbre? Laconique, l'adulte avance que Weins ne serait pas si le monde tournait rond. Jethro fronce les sourcils. Pour lui, l'Académie n'est certainement pas la solution à un monde malade. L'éducation oui, le transfuge de la vérité, la négation du libre-arbitre, l'adulation d'un homme que personne n'a vu ne formera jamais une société idéale.

Tout dépend du point de vue énonce Stanton. Deux camps fermement persuadés que leur vision des choses est la bonne ne peuvent pas s'entendre et tiendront obligatoirement le même discours mais dans deux teintes différentes. Caleb est une brute aux manières de fasciste, le beau Platine, le futur citoyen modèle qui manipule, oppresse, tabasse. Rebecca est une mignonne petite imbécile heureuse se prosternant devant un autel désert. Quand à James, on ne lui fera pas croire qu'on revient des ténèbres en arborant une armure blanche. Il est aussi tordu que l'établissement...Jethro effleure le cendrier du bout de sa cigarette, une moue dubitative aux lèvres. Ces trois-là sont censés être le fleuron de l'Académie, les parfaits petits mannequins à claquer en vitrine. Pour le Plomb, ils composent certainement la pire engeance déféquée par l'établissement. Des pantins sans yeux, sans oreilles et dont la bouche est possédée par quelque chose qu'on y a greffé insidieusement. De futurs citoyens modèles disent les médias. Ben voyons...des coquilles vides qu'on a rempli d'un ego surdimensionné, persuadé d'être les meilleurs des meilleurs et aux yeux de qui, celui ne partageant pas leurs idéaux ou leur opinion méritent de disparaître. Tu parles d'être humain...tu parles d'un exemple pour les générations futures... Une affaire de choix? Un choix pour qui? Moi, j'ai le choix. Pas les Platines. Ils le croient, ils sont fermement persuadés que leurs décisions sont le fruit de leurs réflexions. Mais on les a travaillé au corps pour qu'ils soient les réceptables parfaits de l'idéologie de notre dirigeant au mépris de leur liberté individuelle. Ils sont conditionnés. Pas libres de leurs choix.

Quand au passé et à ce qui était le monde avant, Jethro ne l'a pas connu et ne peut se fier qu'à ce que ses parents ont pu lui en dire. Certes, il y a des choses qui n'allaient pas mais rien qui ne méritait l'émergence d'un lieu comme Weins. Le monde n'allait déjà pas bien avant Weins, cette baraque n'y a rien changé et n'y changera rien. Monsieur Stanton, vous avez connu le monde avant tout cela, trouvez-vous, sincèrement et honnêtement, que cette future société qu'on construit dans ces murs sera mieux que la précédente? L'humanité est capable de tout, du pire comme du meilleur, et c'est cela qui nous rend si intéressants. Cette capacité à se placer librement quelque part, cette faculté à pouvoir volte-face quand nos consciences nous le disent. Chaque grand crime, chaque conflit majeur a toujours amené son lot d'évolutions positives. Les Hommes traversent les épreuves et en sortent grandis. Jethro porte à ses lèvres la cigarette, y prenant une longue bouffée avant de reprendre d'un ton morne baissant les yeux sur le bout de ses chaussures en secouant négativement la tête. Les Platines ne sont pas des adolescents. Un ado, c'est con, ça se révolte pour un rien, ça peut vouloir être médecin le lundi et vouloir élever des lamas dans le Middle West le mercredi. Ca expérimente, ça brave les interdits, ça se met en danger parce qu'on est à cet âge où on se croit au-dessus de tout et de tous, qu'on est persuadé que le mal et le pire, ça n'arrive qu'aux autres et que tout est possible. Le moindre problème, la plus petite difficulté rencontrée prend des allures de catastrophe cataclysmique. On se casse souvent la gueule mais on se relève, seul ou avec des proches, parce que c'est ainsi qu'on devient adulte et qu'on acquière des valeurs.  

Les yeux noirs glissent sur le côté, les lèvres se plissent en une moue de dépit. Il aurait du naître avant. Avant la nano-bombe. Avant la naissance de cette dictature, car contrairement à ce que la majeure partie des gens veulent bien croire, ils sont en plein dedans. Il n'y a que dans le totalitarisme qu'on rencontre des autodafés, la censure et des remaniements de l'Histoire. Il n'y a que dans ce régime où on glorifie une figure unique. Il n'y a que sous cette coupe que des gens disparaissent sans laisser de traces dans l'indifférence totale. Weins n'est pas un lieu d'enseignement et elle ne construit certainement pas un avenir radieux pour l'humanité. En annihilant toute future opposition, elle nous chie un monde uniquement en deux teintes alors que ce dernier est un magnifique camaïeu. Mon "camp" n'est pas celui des Plombs. C'est celui de l'humain. Je ne cherche pas à imposer mon point de vue aux autres. Je veux amener les autres à trouver le leur. Relevant la tête, le Plomb croise le regard de Stanton avant de se fendre d'un sourire angélique détruisant l'expression grave qui s'était imprimée sur ses traits. Soupir amusé et haussement d'épaules, il conclut sa tirade d'un ton presque surpris. Bon sang...je suis certainement le plus grand humaniste de cette Académie.

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MessageSujet: Re: Après l'orage et le tonnerre Après l'orage et le tonnerre Icon_minitime1Sam 12 Avr - 13:54


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Maintenant on y est. Quelque part des rouages se sont enclenchés, la belle et grande machinerie de l’esprit lancée sans frein. Oh non aucun condamné ici, plus maintenant. Car Stanton sait parfaitement qui lui fait face. Ce garçon là, il pourrait aller très loin. Le visage reste impassible, le rictus à peine dessiné mais en lui même l’homme sent se raviver une flamme perdue de vue depuis bien longtemps. Elle date de loin, la dernière manifestation d’un tel intérêt. Chaque réaction est pesée, décortiquée, littéralement autopsiée et aucune n’est lâchée à la légère. Jethro n’a rien du cancre et rien d’irrécupérable. Il ne mérite pas qu’on se détourne de lui, il ne mérite pas le dédain évident que la majorité des élèves lui portent mais c’est ainsi jeune homme... on a toujours regardé et on regardera toujours les plus lucides, les plus impliqués de travers.
L’interrompre, Hunter n’y pense pas une seconde et devient aussitôt oreille attentive, crypte d’une conversation qui ne sera jamais consignée sur papier. L’intégralité restera ici, uniquement entre eux. Parce qu’il est en droit de le faire ; en droit de divulguer ce que bon lui semble et à moins d’un véritable danger pour l’académie le psychiatre ne livre pas les étudiants à l’abattoir. Ils furent rares à disparaître du jour au lendemain et la rumeur peut bien prétendre le contraire les faits sont là : on préfère encore virer totalement de bord et se ranger côté platine plutôt que de finir piégé sous le couperet de Stanton.

Le discours de Jethro se tient, preuve d’un raisonnement de longue date et non d’une pauvre lubie passagère. C’est une conviction profonde qui l’anime et elle dépasse largement l’animosité qu’il peut ressentir à l’égard du système qui semble l’avoir privé de sa sœur pour la bonne raison que le jeune homme ne pense pas qu’à Emily, pas seulement à eux... ils pensent aux élèves, tous. Le regard qu’il lève sur Hunter conforte ce dernier dans la certitude qu’en Jethro Mentworth il y a quelque chose d’infiniment intelligent, une grandeur d’âme et l’adulte pourrait presque être navré de le savoir ici en définitive. Car la liberté de pensé est une notion bien trop subjective dans cette académie et Stanton ne s’est jamais caché de grandement déplorer la chose. Raison pour laquelle Edmund Weins préfère le laisser agir selon ses idées, en est arrivé aux concessions pour le garder plutôt que de se priver de ses talents. Le gouvernement aura ses soldats, comme toujours mais il sera hors de question -maintenant que le psychiatre est monté en grade- qu’on se contente de « supprimer » les éléments prétendus gênants. Oh non, il a bien d’autres projets d’avenir en tête.

Humaniste... le sourire du sous directeur se fait légèrement plus franc et le léger souffle qui lui échappe semble amusé, à moins qu’il soit agréablement surpris ? Difficile à dire. « J’apprécie ta franchise, c’est rafraîchissant. » Dit-il simplement, le ton à peine changé mais toutefois plus chaleureux. « J’ai vu cet établissement se construire, y ai exercé durant ces dix dernières années et aucun élève n’avait osé tenir tes propos. Bien sûr, d’autres ont critiqué, ils ont craché sur Weins mais au fond ils n’avaient aucun avis construit, pas de raisonnement... des paroles creuses tout au plus, la rébellion par principe en quelques sortes. » Autant dire qu’ils étaient sans intérêt, pour ne pas dire inutiles. Le psychiatre préfère largement qu’on utilise sa cervelle et ce peu importe le côté duquel on se trouve, là seulement on a une chance de s’en tirer sans y laisser trop de plumes. Et à nouveau Stanton tire une cigarette du paquet, l’allume avant de s’en aller entrouvrir une fenêtre tout en reprenant du même ton posé. « Tu as raison sur ce point, les Platines ne sont pas des adolescents ou plutôt, ils ne le sont plus. Vous mettez tous les pieds ici pour une raison précise, n’avez pas suivit les chemins conventionnels et pour beaucoup, vous ne savez plus réellement où vous situer dans ce monde. Monde pour le moins bancal, je te l’accorde. » Hunter hausse à peine son épaule valide, guère plus dépité qu’il saurait l’être et revient s’asseoir, tapant la tige sur le bord du cendrier au passage. « Cette époque est bien pauvre en nuances. Les avis se brident, on ose plus afficher ses propres couleurs et peu à peu les gens entrent tous dans le même moule pour s’assurer une tranquillité d’esprit. Les conflits, les contradictions, les divergences font évoluer les mentalités c’est évident et cela semble tellement stupide au demeurant de se ranger derrière un seul homme puis de ne laisser qu’un pour ou un contre, deux teintes seulement comme tu l’as souligné. » La population s’est ramollie et un pourcentage majoritaire se contente de suivre sans protester... la raison est tellement simple et humaine qu’elle arrache au psychiatre une vague expression amère. « Weins conforte la jeunesse dans ce sens, je ne vais pas te déclarer le contraire mais interroge les gens dehors tu verras par toi même... certains sont plus accrochés au système qu’un Platine ne le sera jamais. Pourquoi ? Parce que la guerre a laissé une trace indélébile dans leur esprit. Elle les a privé de tout confort de vie, a chamboulé leurs habitudes, ils ont dû réapprendre à vivre autrement pendant des années alors au jour d’aujourd’hui, parce qu’on leur propose la stabilité, un quotidien paisible ils ne disent pas non. » Solution de facilité, c’est humain d’enfoncer la tête dans le sable. La troisième guerre a laissé une populace exsangue, les mains vides et aucun nom sur lequel faire retomber la faute. Cette guerre était vile, elle a rongé les têtes et des victimes il y en a eu, même s’il ne s’agissait pas de morts en nombre.

« Choisir le camp du gouvernement, c’est choisir l’existence facile à mon sens. Mais ce n’est qu’un avis comme un autre, je ne soutiens pas la cause plus que je la dénigre car pour certains, ce système a effectivement eu un effet positif. Plusieurs étudiants ne seraient plus de ce monde s’ils ne s’étaient pas rangés et je mentirai en prétendant qu’ils ont eu tort de le faire. » Comment reprocher à ces jeunes, aussi fanatiques soient-ils, d’avoir préféré sauver leur vie, d’avoir cherché des jours meilleurs quitte à vendre leur âme ou leur conscience au système ? Personne n’est en droit de juger.
Le regard clair de Stanton retrouve celui de l’étudiant et sa voix se teinte de certitude, se veut alors rassurante. Sois tranquille, il en existe d’autres comme toi. « Weins ne s’est jamais cachée de soutenir le président et en conséquence son académie travaille à former de futurs partisans. Mais garde une chose en tête Jethro... aucune politique en ce monde ne sera totalement acceptée par les citoyens. Quelque part il y en aura toujours pour s’opposer et si de nos jours les hommes tels que Michael Gordon s’imposent de toutes les façons possibles, d’autres tiennent tête avec autant de virulence. » La révolte viendra fatalement, et peut-être plus tôt qu’on le croit. « Toutefois, ne songe pas que les Platines ou même les Zincs sont tout simplement formatés et plus en mesure de penser par eux même ce serait une grave erreur ; ils ont eu le choix de leur destination tu peux me croire sur parole... » Un mégot écrasé, une ultime volute de fumée, un court silence et puis... « Après tout, je suis celui qui leur a donné. »

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MessageSujet: Re: Après l'orage et le tonnerre Après l'orage et le tonnerre Icon_minitime1Ven 23 Mai - 13:08



A la fois spontané et impulsif, Jethro laisse le naturel s'exprimer. L'adolescent n'a tenu ce discours que trop de fois face à des murs, même si Hunter ne va pas sauter de son siège pour s'emparer d'un étendard et le brandir à la face du gouvernement en hurlant "révolution", il a au moins l'avantage de ne pas servir à Mentworth des répliques prémâchées maintes et maintes fois entendues. Stanton, de son côté, se laisse aller à soulever le masque impassible qu'on a coutume de voir collé à ses traits. Un soupir léger, un discret demi-sourire sur ses lèvres fines confortent Jethro dans cette impression de véritable dialogue. Oh, l'adulte doit certainement le jauger en même temps qu'il devise sereinement avec lui mais l'aubaine de parler simplement à voix haute, sans ménager son auditoire est bien trop rare et précieux pour parer ses propos de sous-entendus et de demies-teintes. Franc et honnête, aussi sincère et clair que l'eau, Jethro avance ses arguments face à ceux du psychiatre comme un joueur d'échecs novice avance ses pions, et il pourrait bien être mis échec ou mat en quelques mouvements.

Weins est une usine à réhabilitation. Tous les étudiants ont une raison d'être d'ici annonce Stanton. Les brutes sans foi ni loi y trouvent une forme de "rédemption". Les anciens petits délinquants sont recadrés et on rogne leurs défauts pour les faire entrer dans le moule. Les "fils et filles de" y sont certainement pour le prestige inhérent à l'établissement en plus d'offrir au gouvernement une mane financière non négligeable, car ces derniers étudiants une fois leur cursus terminé injecteront forcément leurs précieux dollars dans les manoeuvres de l'Etat. Les petites gens y voient une chance pour leurs rejetons de s'arracher de la fange d'où ils sont issus. Et puis, il y a Jethro et Emily, enfants de résistants et d'insoumis, élevés dans une liberté de penser qui pourrait être nuisible s'ils atteignent l'âge adulte sans être ramenés dans le troupeau de moutons. Stanton a raison en disant que beaucoup d'étudiants ne savent pas où se positionner dans ce nouveau monde, où se trouve leur place. Est-ce-que Jethro lui-même le sait? Assurément non mais il est fermement persuadé de où il ne doit pas être, il sait où il n'a pas envie d'aller et marcher au pas de l'oie au milieu des brebis, ce n'est pas sa place.

Après avoir ouvert une fenêtre qui laisse aussitôt pénétrer un courant d'air froid dispersant le nuage grisâtre qui s'élevait au plafond, Stanton revient s'asseoir face au Plomb. L'adulte se rallume une cigarette tandis que l'adolescent écrase la sienne. L'exposé se poursuit. Au-delà des murs de Weins, la situation est identique qu'intra-muros. Le tableau que le psychiatre dépeint à l'adolescent est celui d'une société qui n'a pas hésité à vendre son âme au Diable pour retrouver ses chaudes pantoufles. La guerre passée, la nano-bombe, la perte de toute technologie et l'émergence dans certains endroits de communautés presque tribales ont lacéré les esprits. Ceux qui ont vécu cette époque de transition n'ont aucune envie de la voir revenir et pour cela, ils sont prêts à tout. La pilule amère a été avalé enveloppée de sucre et rares sont ceux qui l'ont gardé suffisamment en bouche pour se rendre compte de cet arrière-goût désagréable qui donne la nausée. Jethro étrécit les paupières ne considérant pas vraiment cet argument comme recevable. Des conflits armés? L'humanité en a traversé des pires et elle en a toujours tiré des conclusions en plus d'une évolution. Mais bien évidemment, il faut que le peuple soit au courant de son passé pour en mesurer toutes les conséquences. Si Jethro ne sait pas où il va, il sait d'où il vient, alors que les Etats-Unis ne savent plus d'où ils viennent mais ils pensent savoir où ils vont. On va droit dans le mur. Préférer son confort personnel au détriment du bien de tous, avaler tout ce qu'on nous sert sans réfléchir, infantiliser le peuple...on devrait abandonner l'aigle comme symbole de notre pays et le remplacer par un bon gros cochon bien gras sur le tapis roulant d'un abattoir. soupire l'adolescent d'une voix dépitée. Où est passé la nation capable de se diviser en deux clans pour lutter contre les inégalités? Où est passée l'espèce humaine, destructrice certes mais qui aspire sans cesse à s'élever. La soumission à l'autorité s'est faite en douceur, comme le mythe de la grenouille et de l'eau bouillante. Plonger le batracien dans une casserole d'eau chaude et il s'en échappera. Plonger le dans de l'eau froide que l'on amène doucement à ébullition et il se laissera cuire. La nation américaine est cuite. Le nouveau gouvernement s'est chargé de tourner le thermostat petit-à-petit, détruisant certaines choses néfastes à son essor en amenant des avantages en nature que le peuple a gobé. Même si la pilule n'a pas été facile à ingurgiter, elle est bel et bien passée dans le gosier de tout le monde. Le confort. L'égoïsme. Ne pas faire de vagues. Voilà les nouvelles directives du peuple. Concentré sur son propre nombril, il a déjà la nuque baissée et l'échine courbée, incapable de voir ce qu'il se trame autour de lui.

Mais tout n'est pas perdu. Jethro n'est pas le seul à penser de cette façon. Il doit exister des gens de sa trempe, de celle de ses parents, un peu partout en dehors des murs de Weins. Et même à l'intérieur, pense-t-il alors que le visage de Manesse lui apparaît. La mission de cette poignée de cervelles anormales aux yeux du gouvernement - et donc dangereuses - est titanesque presque insurmontable mais pas impossible. Tant que l'impression d'être dans une impasse ne s'est pas installée, tout est encore faisable. Aux derniers propos de Stanton, Jethro relève la tête, un sourcil arqué.Oh! vous leur avez donné le choix? lâche-t-il d'un ton léger puant l'ironie à plein nez. Posant les index, sur ses tempes, il ferme les yeux comme s'il cherchait à remettre ses idées en place avant de poursuivre. Soumettez-vous et tout ira bien. Résistez et vous allez souffrir. énumère-t-il ouvrant les yeux pour fixer le psychiatre. Chais pas pour vous mais dans ma tête, ça sonne comme un viol.

Poussant un soupir, Jethro se laisse aller en s'adossant à la banquette sans quitter l'adulte des yeux. Secouant lentement la tête en silence, il se demande ce qui peut bien motiver un homme de la trempe de Stanton dans ces lieux. Ce dernier brandit sa neutralité avec une impassibilité de montagne, que peut-il bien trouver d'intéressant à marcher aux côtés d'un gouvernement? Je me pose une question à votre encontre, M'sieur Stanton. Pourquoi vous perdez votre temps ici? Qu'est-ce-que vous y gagnez? Je doute que vous soyez un être vénal appâté par le gain. Les gens aussi intelligents que vous sont rarement matérialistes, les gens aussi intelligents que vous n'ont que faire de la gloire personnelle et de la reconnaissance publique parce qu'ils n'ont pas besoin de s'entendre dire qu'ils sont bons...ils le savent. Alors quoi? Penchant la tête sur le côté, Jethro fronce le nez de dépit avant de laisser errer son regard sur les murs du bureau de Stanton. Est-ce un intérêt scientifique? Sommes-nous des petites souris de laboratoire et vous, le grand expérimentateur silencieux qui observe?

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MessageSujet: Re: Après l'orage et le tonnerre Après l'orage et le tonnerre Icon_minitime1Jeu 29 Mai - 17:11


La météo est instable



Effectivement jeune homme, on y va tout droit et ce n’est pas Stanton qui prétendra le contraire. Cette guerre a détruit un univers entier, pulvérisé des décennies d’avancée technique et elle l’a bien trop mal vécu la populace de la troisième fois. Guerre sans effusion de sang, dirigée sous le manteau et qui aura surtout donné envie au peuple de la jouer discrète ensuite, pas celle de lutter ou de se révolter. On attend plus aujourd’hui que de retrouver un confort passé où les tâches les plus banales du quotidien étaient devenues la charge de machines en tout genre, de la robotique de pointe. La claque reçue était trop brutale, trop radicale et les gens ont tout sauf envie de tendre l’autre joue, préservant leur moindre chance, leur plus infime privilège. Égoïstes qu’ils sont, oh très certainement. Tellement révolu le temps du courage ; tu es dans le vrai Mentworth et tu n’imagines sans doute pas la profonde véracité de tes propos.    
Quelle ironie non dissimulée, la provocation doit être chez ce gamin comme une seconde nature et pourtant elle ne remue absolument rien à la surface du regard adulte. À peine un mouvement de sourcil, signifiant l’attention lorsqu’il énonce sa vision des faits, ce qu’il ressent. Loin du compte, ce n’est pas si simple mais l’image d’un viol est compréhensible. Le coin de ses lèvres se courbe en une sorte de sourire qu’on devine plus qu’autre chose et sans embarras, il lâche le plus simplement du monde : « Mais c’est à cela qu’on paie les psychanalystes allons, le viol mental à la chaîne. » S’introduire dans un cerveau lorsque son propriétaire en est incapable voilà l’idée même si en ce qui le concerne, il prend vaguement l’image d’Ebola soudain lâchée dans les conduits de ventilation jusqu’à une contamination massive du sujet. Pour certains il fut l’eau salutaire en plein désert, la bouée lancée en plein naufrage et eux boivent désormais chacune de ses paroles, lui vouant une confiance aveugle... « viol » alors ? Oh, tellement pire en réalité. « Mais la résistance, la souffrance qui en découle ne seront en aucun cas de mon fait. Mon travail consiste à tendre une main, je laisse à chacun le choix d’en disposer. » Le forcing en puissance et menace ne l’intéresse guère, Hunter n’a jamais eu besoin de force... les mots suffisent.      

Il se pose une question, comme tant avant lui. Récurant point d’interrogation dans son univers. Pourquoi ? Pourquoi frayer dans un banc de requins lorsqu’on est un crocodile, une image comme une autre. Pourquoi lui, Hunter Stanton monstre de neutralité et image même de stabilité se retrouve-t-il là dedans, à flirter sur les notes pour le moins aléatoires de la politique actuelle, quel jeu, quel but sinon ? Ils sont tous passés à côté, lui prêtant des qualités que l’homme est tellement loin de posséder : intégrité, sacrifice de soi, dévouement, l’amour de son prochain.... balivernes sur balivernes, ils n’y entendent tellement rien et Stanton n’a encore jamais trouvé une tiers personne, aussi proche était-elle (dans la mesure du possible) pour partager sa vision du monde. La solitude est un manteau dont-il s’accommode, sorte d’accessoire ou de banale cause à effet. L’intelligence, la marginalité, certaines approches du contexte ont trop tendance à vous tenir éloigné, vous mettre à l’écart. Stanton ne s’en plaint pas, il ne s’est jamais plaint. Et pourtant aujourd’hui, étrangement il trouve en Jethro cette vivacité d’esprit appréciable, cette perspicacité qui tranche tant avec son jeune âge, comme inappropriée. Tellement loin de l’enfance, de l’adolescence, il n’en a la candeur qu’au visage dans ces arrondis que la vie d’adulte n’a pas encore tirés et crispés en expressions de désolation sévère. Revêche de tempérament, brutal lorsqu’il s’agit de livrer le fond de ses pensées... si seulement Stanton pouvait le sortir de là.
Lentement l’aîné se laisse aller au fond du divan, poussant un léger soupir, un brin amusé. « Clairvoyant donc ? Tu n’en es que plus intéressant. » Et pourtant une ombre semble planer, étirer ses doigts immenses à travers la pièce et soulever un courant d’air désagréable. L’ambiance change, c’est au delà du simple entretient. « Ce que je veux, ma foi, dépasse simplement la compréhension d’autrui qu’ils s’agisse de confrères, ou d’individus en tout genre. Au fond, que veulent les hommes en ce monde ? » Il avale un rire, rarissime de sa part et poursuit d’une voix légère, comme on raconte une histoire. « Une maison, un travail, une famille, des biens à eux, des souvenirs, une épaule sur laquelle pleurer, le bonheur... tous, désirent au moins une de ces choses. Et bien sûr, ils souhaitent ardemment les conserver. Personnellement je n’attend aucune d’entre elles. » Simples ; tellement trop simples attentes humaines. « Pourquoi ici ? Pourquoi faire ce que je fais ? Très honnêtement Jethro, je pourrai fort bien le faire ailleurs et même dans un autre pays, je l’ai déjà fait. Avant de suivre des élèves, j’ai longtemps assisté l’armée, j’ai donné des cours aussi... Weins est une expérience comme autant d’autres. »

Une expérience ; rien de plus ou de moins qu’il classera lorsque le moment sera venu. Une pile d’archives ajoutées aux précédentes jusqu’à ce qu’il soit plus proche de sa tombe que de son propre lit. Quel héritage laissera-t-il, lui dont le savoir n’a jamais été réellement écouté. De la théorie distillée pendant quelques cours fut un temps, au compte gouttes selon un programme. Partager est un luxe qu’on ne lui aura jamais offert faute d’oreilles assez attentives quand bien même ses élèves lui vouaient une totale admiration. Le regard qu’il lève sur l’adolescent semble soudain vide, et c’est ainsi qu’il doit être réellement, loin derrière l’apparente empathie de praticien : du vide. Hunter Stanton est un gouffre qui ne s’est jamais réellement rempli et d’autant plus asséché depuis la mort de sa cadette, il n’y a rien en cet homme pas même un soupçon de fierté ou de satisfaction et ses obscures motivations n’ont fait que creuser encore et encore ce puit sans fond. « Et soit dit entre nous, j’ose croire qu’il existe des choses me concernant que tu préfères ignorer. » Puis il ajoute, sur un air de défi justement dosé. « A moins bien sûr, qu’il ne s’agisse pas d’une curiosité momentanée mais bien d’un réel intérêt. » Oh si seulement, cela pouvait être le cas...

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MessageSujet: Re: Après l'orage et le tonnerre Après l'orage et le tonnerre Icon_minitime1Lun 9 Juin - 12:14



Les réponses fournies par Stanton au Plomb ne le satisfont pas. La frustration n'occulte toutefois pas l'attention que Jethro prête à l'adulte et il ne reste pas insensible à l'atmosphère qui se fait fluctuante. Le thérapeute se laisse aller dans son fauteuil avec un flegme aussi anglais que le je-m'en-foutisme de Mentworth est typiquement adolescent. Qu'est-ce-qui vous fait avancer, Stanton?
Etrange parallèle entre l'adulte froid qui ne désire rien de matériel et l'adolescent bouillonnant qui n'aspire qu'à éveiller des consciences. Ils évoluent tous les deux dans un univers de concepts, d'idées et les possessions bien tangibles énumérées par le psychiatre ne sont pas des choses que l'un et l'autre désirent ou aspirent à posséder. Il y a la masse des gens - sourde, aveugle et muette, mugissant quand on s'en prend à son petit confort - et il y a les autres. Des autres comme eux aux desseins nébuleux et flous. Si Jethro est animé par la flamme de la révolte, chose difficilement compréhensible pour la population qui se complait dans sa situation actuelle, qu'est-ce-qui anime Stanton? L'adulte semble aussi vide qu'une noix bouffé par un insecte.

Professeur. Militaire. Psychiatre scolaire et maintenant directeur adjoint. Surprenant qu'un homme aussi détaché et dépouillé de toute empathie ai un parcours professionnel qui ne le contraint qu'à côtoyer d'autres humains, les éduquer, les réorienter ou les aider. Est-ce un phénomène de résilience ou une personnalité réellement aussi blanche qu'une page vierge capable de se fondre dans n'importe quel statut? Les gens gravitent autour de Stanton dans un étrange lien de dépendance que ce dernier entretient avec soin. C'est pas très normal mais les raisons échappent complètement à l'adolescent, peut-être encore trop jeune et ne possédant pas le recul nécessaire pour en entrevoir seulement l'ombre d'une explication. Vous ne m'apportez guère de réponses Monsieur Stanton. Bien au contraire, vous ne levez que d'autres interrogations. énonce calmement Jethro avant de décroiser les mains sur son ventre et de lever un index. Vous êtes en train de ferrer le petit poisson dissident que je suis. poursuit-il avec un sourire pétri d'innocence, le ton aussi chantonnant que l'affirmation est sérieuse. Pour me faire rentrer dans le rang gentiment ou continuer à me regarder vagabonder...cela, je l'ignore.

Et puis, arrive l'expresson qui transperce Jethro. Aux yeux du thérapeute, Weins ne serait qu'une expérience. "Comme les autres" s'est-il senti le besoin de préciser. Proférer une telle phrase, c'est comme piétiner allègrement l'avenir de la nouvelle génération d'américains en devenir dont Weins est la pépinière. Ils ne sont rien. Et l'élite de l'Académie n'est rien de plus qu'une future chair à canon si Gordon se sent des envies de grandeur et d'expansion territoriale. Personne n'est exceptionnel et même le plus talentueux des Platines n'est donc que le résultat banal et prémédité d'une "expérience comme les autres". S'entendre dire une telle conclusion par celui qui a en charge le fanatisme patriotique des étudiants et leur bien-être psychologique a quelque chose de glaçant. Stanton est mouillé jusqu'au cou dans le déclin amorcé de la société mais il s'en lave allègrement les mains et il n'en tire absolument rien. Jethro trouve cette affirmation réellement terrible et bien qu'il ne le soulève pas plus que cela, il ne peut en masquer parfaitement le trouble que cela suscite chez lui. Traits qui se figent. Mains qui se croisent dans une apparente nonchalance mais qui s'étreignent avec une force sauvage. C'est les dents serrées et les mâchoires crispées qu'il répond au psychiatre d'une voix charriant des glaçons, les yeux rivés à ceux de l'adulte. Science sans conscience n'est que ruine de l'âme. Mais la votre d'âme...la cachez-vous ou s'est-elle éteinte en même temps que celle de votre soeur?

Il fut un temps, Jethro avait envié cette sobriété, ce fait de garder le contrôle sur tout et tous, de rester maître de ses actes jusqu'au bout. Ca donne du crédit, ça attire l'attention. C'est une qualité de leader. Rien ne semble vous atteindre, tout vous paraît possible et quand vous élevez la voix on vous écoute. Mais si se dépouiller de toute émotion signifie se condamner à la solitude, alors non. Il préfère et de loin rester esclave de sa colère, de ces flammes de rage qui le dévorent. Qu'importe de brasser le vent, il y a bien un moment où les rafales deviendront ouragan.
Difficile donc pour quelqu'un d'aussi bouillonnant que Jethro d'appréhender cette énigme qu'est Stanton. Il vaudrait mieux abandonner l'idée d'effleurer du bout des doigts le mystère l'entourant. Ne serait-ce que par méfiance légitime si on en croit ses dernières phrases sybillines. Mais Jethro est aussi obstiné que pénible. Le trou noir l'attire irrésistiblement parce qu'un adolescent n'écoute pas les conseils et méprise les avertissements. Question ouverte, comme une porte que Stanton entrouvre pour laisser un mince rai de lumière. Avance, petit dissident ou reste sur place. N'a-t-il pas dit auparavant qu'il se contentait de tendre la main et de laisser celui ou celle qui s'en saisissait d'assumer seul les conséquences?
Si Jethro conserve une attitude nonchalante et mollassonne, les iris noirs luisent d'une extrême attention. Si tu plonges ton regard dans l'abîme, l'abîme finit par ancrer son regard en toi. L'adulte est dangereux. Mentworth n'a pas attendu cet entretien pour en être intimement persuadé. Stanton ne porte pas d'armes à proprement parler, il possède un passe-partout pour pénétrer les crânes et ça le rend bien plus redoutable.L'intérêt profond peut découler de la curiosité la plus légère, Monsieur Stanton. Vous m'intriguez, donc forcément, vous m'intéressez. Je ne crains pas de plonger les yeux dans l'abîme. termine-t-il d'un ton grave.

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MessageSujet: Re: Après l'orage et le tonnerre Après l'orage et le tonnerre Icon_minitime1Mar 10 Juin - 17:45


La météo est instable



Perspicace, comme c’est rafraîchissant. Face au psychiatre ils se sont tous contentés de baisser les yeux à moins qu’ils ne croisent les siens d’un air suppliant. Tu oses, petit poisson ? Fort bien, mais ici point d’hameçon et de filet pas d’avantage. Rien ne t’obligeait à nager en eaux troubles, tu y as filé seul et naturellement plus on remue la vase, plus les points d’interrogations remontent à la surface. Multitude de petits « ploc » éclatant comme autant de questions à poser. Vague envie de lui répliquer : mais non cher enfant, j’attends seulement d’être le témoin privilégié que ce soit d’une ascension fulgurante ou d’une chute vertigineuse. Au lieu de cela l’homme se fend d’un sourire de façade, juste... une expression, sans émotion.  
Et face à lui le visage adolescent se verrouille telle une porte blindée, les traits figés d’incrédulité mais les mâchoires serrées. C’est délicat, l’effleurement d’une plume au pire mais visible. Juste ce qu’il faut et bientôt la voix polaire s’élève sans que ce singulier regard ne se détourne de celui de Stanton. Science sans conscience ; ruine de l’âme dit-il et où s’est terrée celle du psychiatre, si toutefois elle ne s’est pas tout bonnement éteinte des années plus tôt ? Hunter abaisse les paupières, lentement, un battement de cil légèrement plus long que les autres puis il répond, éternellement impassible. « Mon âme n’a jamais été à perdre ou à vendre. J’en fais seulement un usage plus restreint que la moyenne.» Une âme mais laquelle ? Cette chose dépourvue de sentiments et décortiquant, débitant les psychés diverses comme on découpe un quartier de bœuf. Toujours là, mais accessoire dont l’homme ne fait pas grand cas...

Et il y a en Jethro une chose fascinante : ses flammes. Véritable brasier naissant, vif en passe de vouloir tout dévorer, détruire pour mieux repartir. Rares sont ces esprits, sacrifiant jusqu’à leur conscience pour un but, une idée. Bien qu’il ne porte aucune forme d’extrémisme en estime Stanton mentirait en prétendant ne pas trouver en ces courants de pensées un défi en matière de profilage. Car de tous, ils sont les plus imprévisibles et face à ces représentants du genre humain on est vite débordé, perdu, ne sachant par quel bout les prendre. Sans être le pire au monde, cet adolescent est celui de Weins, aucun doute en cela et il neigera en Enfer avant que Hunter Stanton l’abandonne bêtement à son sort car oui, oh cent fois oui, celui-là pourrait être vraiment intriguant. L’enfant ne recule pas et sa voix teintée de gravité avoue qu’il est curieux, intéressé. Aucune peur, il se moque de voir au delà du miroir aussi déformant puisse-t-il être... Courage, Franchise, Intelligence... tu ignores certainement, jeune homme, ta propre valeur. L’adulte se tait, le silence plane en des secondes semblant interminables. Puis lentement, le psychiatre se redresse et quitte son siège, contournant la table sans empressement avant de s’arrêter face à l’étudiant qu’il scrute de toute sa hauteur. Sa main valide se tend et ses doigts épousent délicatement l’arrondi d’une épaule tandis qu’il se penche, un demi sourire aux lèvres. « En matière d’intérêt tu ne démérites pas, Jethro Mentworth... » Lâche-t-il d’un ton délicat, presque un murmure. Et se redressant l’homme s’écarte, abandonnant l’épaule de l’élève avec moins d’empressement encore, patte de velours mais dont les griffes qui effleurent suffisent à laisser courir sur la peau ce sentiment étrange... celui qu’un baiser de la mort ne serait pas plus rassurant.

« Ce que j'y gagne donc... c'était bien là ta question ? » Le psychiatre soupire doucement, allonge quelques pas jusqu'au piano dont il caresse le bois d'une main légère. « Comme je te le disais il s'agit d'une expérience ici, qui aurait pu être menée ailleurs... un banal changement de décor, mais un scénario identique. » Difficile d'expliquer, inutile car il n'attend plus d'être compris. Fut une époque -il était étudiant- où on avait avoué ne pas suivre ses idées, ne rien entendre à ses raisonnements... Car Hunter a pour lui ce besoin devenu maladif si ce n'est complètement habituel de profiler, de percer à jour et cette fascination pour la psyché humaine n'a d'égale que les heures de travail qui en découlent : astronomiques. « De la science ? Oh non... j'ai dépassé ce stade à l'aube de ma carrière. » Avoue-t-il comme on évoque l'histoire d'un autre, tellement détaché. « L'expérience purement scientifique exige une reconnaissance, l'aval de ses pairs et le fait est que, ce que je gagne... est une chose fort égoïste je dois bien l'admettre. » En douceur, le couvercle est ouvert et les touches observées une fois de plus. Blanc, noir, blanc, noir... son regard s'assombrit comme un ciel orageux et s'il n'est pas menaçant à proprement parler, il n'a plus rien de rassurant. « La connaissance. » Lâche-t-il d'une voix profonde. Car c'est là son maudit trésor, jalousement accumulé et gardé comme un Dragon soucieux de la moindre pièce d'or, jamais assez riche... lui n'aura jamais assez de savoir à son actif.

Éplucher les consciences, les idées, les faits et en tirer des conclusions, percer à jour sous une lumière aveuglante voilà son but. Donner à chaque pourquoi un parce que. Plus une seule ombre, démêler les fils entortillés d'un seul cerveau est plus enivrant que la moindre substance euphorisante. Qui dans cette ville y trouverait matière à l'admiration ? Aux félicitations ? Personne n'aime être mis à nu d'un seul regard, personne ne souhaite se retrouver autopsié en étant encore debout, bien vivant sans même avoir prononcé un mot et dépouillé de ses secrets... Le masque qu'il affiche en public est une chaîne qu'il s'est un jour passé au cou, une muselière pour poser ses propres limites. De courtoisie et d'élégance, un semblant d'empathie et une pointe d'intérêt pour les vivants de ce monde. Un papier peint bien propre pour recouvrir le mur. Mais la réalité est là, ces gens qui l'entourent ne sont rien sinon des numéros de séries soigneusement rangés au creux de sa mémoire, il ne leur veut ni bien ni mal... il s'en fiche tout simplement. Leur vie n'a que trop peu de valeur en comparaison de leurs actes et/ou pensées. Même pas de dédain... Monsieur est comme un zombie amateur de matière grise qu'il avale, digère avant de passer au prochain numéro. Est-ce abjecte ? Est-ce triste ? Effrayant ? Qui saurait le dire ? Du bout des doigts il presse quelques touches, libère une volée de notes et n'a même pas un vague haussement d'épaules, rien... « Telle est ma récompense. » Nul besoin de long discours, si son interlocuteur est à la hauteur de ses attentes, aussi perspicace qu'il le croit alors il aura rapidement saisi à quel genre d'individu il a à faire. Et à quel point il vaut mieux l'avoir pour « ami »...
Toi qui voulais l'abysse, regarde donc, plus noir d'un puit de pétrole mais au fond... il n'y aura que le néant.

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MessageSujet: Re: Après l'orage et le tonnerre Après l'orage et le tonnerre Icon_minitime1Mar 1 Juil - 14:46



Silence qui dure, mystérieux, insondable. Les mots et les phrases prononcés se gravent quelque part et la scène sera rejouée encore et encore car il y a quelque chose à en tirer de cette confrontation. Jethro a la sensation d'être un de ces héros de contes faisant face à un vieux dragon retors et matois. Un monstre invaincu traînant une réputation d'invincible et d'intouchable, une créature dotée de parole et non dénuée d'une certaine forme de sagesse froide. A moins que ce détachement complet n'élève l'adulte au-dessus de la masse comme Jethro s'écarte du beau troupeau weinsien. Hunter occupe un poste d'observation bien plus élevé que le sien. Le Plomb reste collé au sol à observer la société. Stanton observe ceux qui observent.
D'un pas lent, le psychiatre s'approche de lui et à chaque pas fait dans sa direction, Jethro est contraint d'élever encore et encore le regard jusqu'à avoir la nuque courbée vers l'arrière lorsque Hunter lui fait enfin face. Intéressant, voilà la façon dont le qualifie l'adulte. Pour appuyer ses dires, l'homme pose délicatement une main sur l'épaule de l'adolescent qui en cille à peine. Le contact est léger et la voix douceâtre mais ça n'a rien d'agréable et ça n'est aucunement fait pour l'être. Ce pacifisme et cette délicatesse ne sont pas ceux d'un être altruiste. Ce sont ceux de l'homme de savoir qui vient de découvrir quelque chose d'intriguant, d'anormal. La phrase la plus importante en sciences n'est pas "eurêka!" mais bel et bien "tiens, c'est bizarre" et dans cette Académie, Jethro l'est, bizarre. Qu'est-ce-que vous voyez Monsieur Stanton? se demande-t-il tandis que son regard sombre est happé par les miroirs grisâtres qui en effacent presque le décor autour d'eux. Si le Plomb en croit les dires du thérapeute, il est une énigme, une anomalie, un couac dans une symphonie millimétrée, un grain de sable dans des rouages trop bien huilés pour se gripper de la sorte, une exception imprévisible à un procédé qui ne souffrait jusqu'alors que de peu d'accrocs. Tout puissant qu'il soit, aussi complexes que soient les moyens employés, Stanton et sa méthode d'écrasement de psyché conjuguée aux desideratas de l'école ne parviennent pas à faire plier Mentworth. Et pire encore, il provoque des dératés dans la réussite de l'évolution de sa soeur pourtant bien plus malléable que lui. Mais il serait profondément stupide de s'en orgueillir car il y a cette soif inextinguible avouée par Stanton à l'égard des énigmes psychiques. Le murmure à peine audible disparaît dans un bruissement de tissu qui se froisse tandis que le psychiatre se redresse. Je n'en doute pas, Monsieur Stanton. Après tout, je suis la preuve vivante que la platinisation est foireuse. Jethro crâne. Jethro fanfaronne. Jethro provoque car Jethro est soudain profondément mal à l'aise par cette fragile pression sur son épaule.

L'adulte s'éloigne et c'est non sans soulagement que l'adolescent ne voit plus qu'un dos pendant quelques secondes. Il expire lentement un souffle qu'il avait retenu sans réellement s'en rendre compte. Impression d'être une proie qu'un prédateur vient de relâcher par jeu. Posté près du piano à quelques mètres de l'étudiant, le thérapeute poursuit, apportant la réponse la plus simple possible à la question que Jethro lui a posé une poignée de minutes auparavant. Que gagne-t-il à marcher aux côtés de Gordon et de sa maudite Académie? Stanton a dépassé le stade de la simple science, de cela, le Plomb s'en doutait. Le directeur adjoint nouvellement promu est un électron libre. Bien plus libre que lui. Hissé au-dessus du tout le monde, il s'affranchit de toute tutelle pour se concentrer sur la seule chose qui éveille son intérêt. La connaissance brute.
Et dans sa discipline de légiste du cerveau, c'est une arme terrible. Malgré son âge relativement jeune, Jethro peut très bien entrapercevoir les possibilités offertes par ce genre de savoir bien spécifique. Décortiquer les psychés, rendre un cerveau aussi lisible qu'un livre destiné aux enfants, c'est distinguer la multitude de leviers à actionner pour amener une personne à penser tel qu'on le désire. Pénétrer un esprit, c'est fouler un sol sacré, évoluer au milieu des motivations et des pires craintes d'un individu. Un accord égrené s'échappe, telle est la récompense de Stanton. La connaissance.

Mais c'est autre chose qui frappe Jethro. La liberté et l'absence de réelles entraves dont semble bénéficier Stanton. Pourtant membre éminent de la cabale lobotomisante sévissant à Weins, le psychiatre n'est pas contraint, pas soumis. Il montre simplement ce que les autres veulent voir et ont besoin de voir. Jouer le jeu du système, obéir aux règles pour mieux les contourner, pour mieux tricher. Infecter l'organisme sain tel un virus et attendre bien au chaud son heure. Se faire oublier pour mieux agir. Ne pas faire de vagues en surface pour mieux préparer la lame de fond. S'y prenait-il donc si mal? Il manque de discernement, de recul nécessaire. Il ne voit pas les choses de suffisamment loin. Son but est louable, audacieux mais les moyens employés sont grossiers, manquent de finesse et surtout de maturité adulte. Weins ne l'a jamais eu et ne l'aura jamais. Jouer le jeu pour mieux tricher. Et si en lieu et place d'une explosion, il oeuvrait pour une implosion?
Les iris noirs se lèvent lentement jusqu'à croiser ceux de Stanton toujours debout devant son piano. Un monstre d'égoïsme est au sommet de la chaîne alimentaire de Weins, un marionnettiste de génie qui fait oublier à ses pantins qu'ils ont des fils reliés à ses doigts. Jethro sait qu'il devrait redouter cet homme après l'échange qu'il vient d'avoir, après ce qu'il croit comprendre. Il devrait craindre de se retrouver le crâne ouvert et l'âme à nu. Si un instinct animal le supplie de partir, si son cerveau reptilien s'affole à l'idée de rester encore quelques minutes de plus, le rêve d'un nouveau monde se fait plus fort. L'espoir de tisonner des braises froides jusqu'à faire naître des flammes ne souffre d'aucune crainte. Vous apportez un drôle d'éclairage sur ma vie, Monsieur Stanton. Un éclairage du genre "néon de morgue", cru, froid et agressif tant qu'on ne s'y est pas habitué. énonce-t-il en plissant les lèvres en une moue dubitative. Je vais faire moins de vagues. Essayer de devenir un sujet d'expérience banal pour reprendre vos termes. Histoire de voir et de savoir comment ça se passe du côté adverse. Il serait stupide d'échouer dans ses projets pour la simple et bonne raison qu'il a méprisé ses ennemis. Mais je ne peux vous assurer qu'on ne se reverra plus. Un bref reniflement amusé secoue les épaules de Jethro. On ne m'enverra plus ici. Je viendrais de moi-même parce que vous êtes effroyablement trop intriguant. Foutu psychiatre...Jethro est venu ici en traînant les pieds et maintenant, il n'est pas pressé de quitter les lieux. En entrant dans ce bureau, il ne pensait pas qu'il s'engluerait si vite dans la toile de Stanton.

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MessageSujet: Re: Après l'orage et le tonnerre Après l'orage et le tonnerre Icon_minitime1Sam 12 Juil - 12:52


La météo est instable



Les regards se croisent, noir contre gris. Stanton patiente, Stanton observe et comprend qu’en l’étudiant une alarme sonne très certainement. Son strident, hurlement de Cassandre suppliant de battre en retraite tant qu’il est encore tant. Mais si le corps manifeste l’envie de s’écarter, soudain légèrement plus raide, l’esprit lui s’y refuse et les yeux de l’adolescent ne luisent que d’un nouvel éclat d’intérêt. Éclairage cru et blafard a-t-il posé, imposé avoue Jethro et le psychiatre se contente d’un battement de cils accompagné d’un délicat hochement de tête pour toute réponse lorsque le jeune homme ajoute qu’il fera désormais moins de vagues. C’est une bonne chose, qu’il évite les ennuis autant que possible mais qu’il n’oublie pas son but. « C’est bien plus simple qu’il y paraît et tu comprendras rapidement qu’il y a bien plus d’avantage à endosser ce rôle. » Saura-t-il le tenir en revanche, c’est une autre histoire. Les psychés si explosives, virulentes ont l’impatience sensible et les réactions imprévisibles si bien qu’en aucun cas, Hunter s’attend à le voir transformer en innocent agneau demain parmi les autres. Être un mouton noir au milieu du troupeau serait déjà un fort bel exploit, plutôt qu’un loup prompt à leur grignoter les pattes. Lentement l’adulte referme le couvercle au dessus du clavier, pas mécontent d’une si judicieuse résolution prise par son jeune interlocuteur. La suite de son discours en revanche, arque un sourcil sur le visage de marbre de Stanton, gravant une surprise éphémère mais réelle. Ils sont rares, à passer sa porte volontairement sans être à l’agonie, sans chercher un dernier espoir en lui. Quelques uns l’adorent et trouvent un grand plaisir en sa compagnie et ils sont moins nombreux encore mais mettre les pieds ici pour la seule raison de curiosité, parce que le psychiatre et trop mystérieux... on avait jamais osé.

En est-il mécontent ? Bien sûr que non. À pas de velours l’homme regagne sa place face à Jethro, croise lentement les jambes et se cale confortablement sur le dossier. Attitude moins professionnelle, plus détendue, il s’agit désormais d’une simple discussion. « Viens quand bon te semblera, à l’heure que tu choisis tu trouveras ma porte ouverte... » Invitation qu’il laisse en suspend, volontairement et signifiant clairement que les murs de Weins ne sauraient être une barrière. Même au dehors, Mentworth peut venir le trouver. Stanton n’est pas et n’a jamais été ce praticien abandonnant ses patients une fois qu’ils ont déserté son bureau et cela vaut pour n’importe quelle personne de son entourage ; il est toujours disponible. Par générosité, par bonté ou même par un professionnalisme accru diraient certains, mais il en est terriblement loin. Car à être le dernier secours, l’ultime bastion de défense qu’on peut trouver à toute heure du jour et de la nuit Stanton s’assure un contrôle non négligeable sur qui le côtoie... et le brave médecin, l’ami dévoué n’est en réalité pas différent d’un chasseur fondu dans l’ombre, attendant ses opportunités en silence comme un Croque Mitaine attend le sommeil des enfants avant de s’extirper de sous leur lit.
Un étrange sourire lui flotte aux lèvres, ni ravi ni obligé, comme tiré d’un coup de pinceau mais n’ayant rien à faire sur le portrait peint alors parce qu’il ne cadre pas avec l’attitude neutre de l’ensemble. Te voici dans le courant petit poisson, profite-en bien car tu as tout à gagner à nager dans le sillage de cette bête là. « Parlant de morgue, on m’attend dans la soirée pour émettre un avis dans une enquête en cours. Si tu apprécies les énigmes et si tu le souhaites tu peux m’accompagner. » Une excuse pour s’arracher des entrailles de Weins, prendre l’air sans mal ni douleur et l’opportunité d’afficher un semblant de favoritisme ; aucun Platine n’a  eu droit à ce genre de proposition malgré des résultats méritant toutes les félicitations du jury gouvernemental. On achète pas Stanton a coups de notes, à coups de résultats et en fait on ne l’achète tout bonnement pas. Lui fonctionne à l’intérêt et ce qu’il vient de découvrir en Jethro est non négligeable.

« La liberté d’action est une chose fragile par définition. La confiance doit être validée, les doutes annihilés et l’apparence se doit non pas d’être irréprochable, mais justement dosée. » Tout est affaire de dosage, c’est une chimie et la sienne est mentale, un poison lent. Les iris mercure sont comme vides, détachées du monde mais attentives. Sa voix est calme, son ton a quelque chose de rassurant pourtant... Du dosage, rien de plus. Faire oublier le noir par une touche de blanc, mettre une pointe d’épices dans le fade et du sucre pour contrer l’amertume. Apprends, retiens et tu auras bientôt des centaines de fils entre les mains. Jouer le jeu de l’ennemi n’a jamais rendu traître à la cause, c’est de la stratégie, c’est de la mécanique. Un fois les systèmes compris, une fois armés des bons outils tu pourras allumer ton feu Mentworth, patience.
D’un coup d’oeil Stanton consulte sa montre, il lui reste une dizaine de minutes avant l’arrivé du prochain étudiant appelé. Dix minutes, c’est affreusement court lorsqu’on est occupé à bon escient. Intérieurement il croit s’entend rire, amusé et peut-être satisfait pour autre raison que la connaissance brute cette fois. Lui seul le sait et on aura rien aperçu de ce soudain élan. « Je suis ravi de te savoir disposé au changement. Il n’a aucun besoin d’être réel, mais il te facilitera grandement la vie au quotidien. Tu auras vite l’occasion d’apprécier la chose, tu verras... » Un éclat dans le gris, vif, tranchant comme une brève lueur réfléchie par une lame trop aiguisée. « Sais-tu quel animal a le plus grand nombre de victimes à son actif chaque année ? » Un soupir amusé lui traverse les lèvres, entendu. « Le moustique. Édifiant n’est-il pas ? » Minuscule, faisant parti du décor, qu’on oubli jusqu’au moment d’être piqué. Plus de sept cent mille morts chaque année et toujours considéré comme un malheureux petit insecte qu’on remarque à peine. Se fondre dans la masse n’a jamais rendu inoffensif car après tout, le diable est toujours dans le détail...  

© Jason Lecter

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MessageSujet: Re: Après l'orage et le tonnerre Après l'orage et le tonnerre Icon_minitime1Mer 23 Juil - 21:41



Il reviendra ici et ça ne sera pas pour y chercher une épaule réconfortante ou une muselière pour un traumatisme du passé. L'intérêt qu'éveille Stanton chez le Plomb est vif, il sent que l'adulte use de subtils moyens pour le mettre sur un chemin bien différent de celui suivi par le troupeau ou par les simples dissidents. A moins qu'il ne l'amène à regarder dans une autre direction que celle qui l'aveugle depuis qu'Emily est devenue Platine. Les indications sont à peine perceptibles et ont juste ce qu'il faut de matière pour qu'il ai l'impression qu'il en vienne de lui-même à ces décisions.
Jethro l'ignore mais jouer le grand jeu est certainement la meilleure chose à faire. Lui n'a rien à perdre, il n'a pas de compte à rendre à qui que ce soit, il n'a pas d'autorité familiale qui appuie les décisions de Weins et abandonne son rejeton entre les griffes de l'Académie en espérant que ce qu'elle vomira sera mieux que ce qu'elle a bouffé. Jethro est un électron libre, sa force réside dans son insoumission et dans les ténèbres qu'il s'évertue à arpenter. Il n'a pas de lien qui l'étrangle et l'empêche d'aller jeter un oeil dans tous les champs autour de lui pour en voir la couleur. Observer. Jauger. Planifier. Agir. On ne peut atteindre un objectif aussi haut que le sien sans s'offrir un panorama d'ensemble, une vue imprenable sur le champ de bataille avant de s'y engager corps et âme. Le sacrifice, le martyr est un symbole puissant mais quand il y a une communauté qui le suit et pour le moment, Jethro est seul. Autant profiter de cette solitude pour dépenser son temps avec intelligence et maturité.
Ses convictions sont suffisamment ancrées en lui pour qu'il ne redoute pas de les voir disparaître en courbant le dos. D'ailleurs, sans elles, il serait en train de renifler piteusement sur ce divan en prétendant que son existence est à chier. Il n'a pas de besoin désespéré de reconnaissance des autres car il sait ce qu'il vaut et il n'attend rien des autres. La seule chose qui le chagrine, l'unique détail qui le chiffonne est le sort réservé aux autres Plombs. Ceux qui ont salué la golden shower de Reed, ceux qu'il a glissé dans son dos en s'interposant face à un Platine, ceux qui croiront que Jethro Mentworth est en train de se faire bouffer comme les autres. Qu'il les trahit en quelque sorte. Il va être paria chez les parias. Perspective guère réjouissante mais comme un enfant à sa naissance, c'est la première inspiration qui est la plus douloureuse.

D'une voix calme presque atone, Stanton le Maître marionnettiste dispense ses conseils à mots plus ou moins feutrés. Fait-il de Jethro une sorte d'émule ou une nouvelle expérience dont il se gardera bien d'en révéler l'existence au peu de supérieurs qu'il a, le Plomb s'en moque éperduement. La fin justifie les moyens, si se parjurer en surface peut le mener à son but ultime qu'il en soit ainsi. Bon sang, que ça va être pénible de devoir écouter les ritournelles des Platines, leur discours préfabriqué. Que ça va être difficile de se retenir de leur faire cracher leurs dents quand ils se draperont dans leur cape brillante, mais mitée jusqu'à la corde, d'arrogance. Jethro baisse les yeux sur ses mains. Du contrôle, voilà ce dont il manquera le plus et qu'il lui faudra acquérir le plus rapidement possible. Lui aussi devra abandonner le bouillonnement naturel de l'enfance pour embrasser la placidité de l'adulte. Un soupir file entre ses lèvres...ça va être chiant comme un jour de rentrée pluvieuse. Vraiment chiant. Tout en dosage. semble être le leitmotiv de Stanton. Pas de changement trop brutal, se dépouiller trop rapidement des caractéristiques qui font de lui l'éternel Plomb mettrait la puce à l'oreille. Jethro hoche la tête aux paroles du psychiatre sans rien ajouter. Il comprend. Il saisit. Enrober la pilule de sucre pour rendre indétectable le poison qu'elle renferme.

Le son d'un froissement de tissu lui fait lever les yeux. Le temps galope à grande vitesse et ce qui aurait dû être un entretien pénible et incroyablement long n'aura été au final qu'une sorte de levée de voile dont il a envie d'en savoir plus.
Je doute que donner l'illusion de me soumettre me rendra la vie plus facile et agréable. Je vais devoir "doser" comme vous dites... soupire-t-il d'une voix lasse. Et ménager la chèvre et le chou n'a jamais été dans les cordes de Mentworth bien trop entier pour s'accorder une nuance délicate dans son comportement. Quel est l'animal le plus dangereux? Jethro fronce les sourcils se demandant ce que vient foutre ce genre de question avant de se dire que Stanton ne parle jamais pour ne rien dire. La première réponse qui lui vient en tête, c'est l'homme bien évidemment. Depuis qu'un singe a pigé qu'une branche ça peut s'abattre sur le front de son voisin pour lui piquer sa banane, l'histoire humaine est jalonnée de guerres, de conflits, de batailles. Et bien, perdu, Jeth'! c'est le moustique répond l'adulte. Insoupçonnable, méprisable mais porteur de fléaux qui terrassent des villages entiers. Un sourire entendu apparaît sur ses lèvres. La grande gueule de Weins, celui qui a toujours quelque chose à dire, est soudain bien silencieux dans une attitude calme et apaisée presque scolaire. Et puis, l'adolescent bat des cils détournant les yeux des miroirs gris qui le happent.

Je vais y aller, Monsieur Stanton. lance Jethro tout en se relevant. Essuyant ses paumes sur le devant de son pantalon, il s'éloigne d'un pas du canapé pour se tourner vers le psychiatre. Il doit encore répondre à une chose avant de partir. Cette invitation parfaitement anormale que n'importe quel Plomb se serait hâté d'accepter en se fendant d'une expression pleine de gratitude. Quitter l'Académie, jouir d'une liberté que l'on a pas ici, avoir un Privilège. Merci pour votre invitation mais... un infime froncement de nez accompagne le reste de ses paroles ...il serait sage que je la décline pour le moment. Et ce, malgré tout l'intérêt que je porte aux énigmes. "vous y compris" semble signifier le bref hochement de tête dans la direction du thérapeute en prononçant ce dernier mot. Jethro estime avoir dit suffisamment de choses aujourd'hui, il doit habituer ses rétines à ce nouvel éclairage pour ne pas les cramer et être ébloui. L'aveuglement est une mauvaise chose face à Stanton. Tout est une question de dosage...et le Plomb applique aussitôt ce nouvel adage. Ne pas trop donner, trop vite, trop rapidement. Franc et sincère, il tend une de ses mains au thérapeute. A bientôt, Monsieur Stanton.


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